Question de Mme DARCOS Laure (Essonne - Les Républicains) publiée le 05/03/2020

Mme Laure Darcos appelle l'attention de M. le ministre de l'action et des comptes publics sur la profonde inquiétude des présidents d'établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) sans fiscalité propre. Dépourvus de tout pouvoir en matière fiscale, ils bénéficient de ressources constituées d'une contribution budgétaire des communes membres. Toutefois, conformément à l'article 1609 quater du code général des impôts, le comité d'un syndicat peut décider de lever la taxe d'habitation, les taxes foncières et la cotisation foncière des entreprises en remplacement des contributions budgétaires des communes associées. En application du III de l'article 1636 B octies du code général des impôts, le produit fiscal à recouvrer dans chaque commune membre au profit du syndicat est réparti entre les taxes foncières, la taxe d'habitation et la cotisation foncière des entreprises proportionnellement aux recettes que chacune de ces taxes procurerait à la commune si l'on appliquait les taux de l'année précédente aux bases de l'année d'imposition. En 2018, le montant de taxe d'habitation perçu par les EPCI sans fiscalité propre s'élevait à 90 millions d'euros. Or, la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 a supprimé la taxe d'habitation sur les résidences principales pour 80 % des ménages et a gelé les taux pour 20 % des ménages restants. Si les syndicats de communes conserveront la faculté de voter le produit qu'ils souhaitent à compter de 2021, l'imposition sera en partie concentrée sur les taxes foncières au risque de peser fortement sur une catégorie de contribuables. Dans un contexte de consentement amoindri à l'impôt, les élus locaux pourraient n'avoir d'autre choix que d'arbitrer entre une augmentation des impositions pesant sur les propriétaires ou une hausse de celles à la charge des entreprises afin de financer les EPCI sans fiscalité propre. Aussi, elle lui demande de bien vouloir lui indiquer si des mesures de compensation seront prévues afin de permettre à ces derniers de continuer à mettre en œuvre des actions ou des services d'intérêt intercommunal dans des conditions équitables pour tous les contribuables.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics publiée le 27/05/2020

Réponse apportée en séance publique le 26/05/2020

M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos, auteure de la question n° 1161, adressée à M. le ministre de l'action et des comptes publics.

Mme Laure Darcos. Les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) sans fiscalité propre sont dépourvus du pouvoir de lever l'impôt ; ils ont pour seules ressources les contributions budgétaires des communes membres.

Toutefois, le code général des impôts prévoit la possibilité pour le comité d'un syndicat de lever les différentes taxes locales en lieu et place de ces contributions budgétaires. Dans ce cas, le produit fiscal à recouvrer dans chaque commune membre au profit du syndicat est réparti entre les taxes foncières, la taxe d'habitation et la cotisation foncière des entreprises.

La taxe d'habitation revêt, de toute évidence, une importance non négligeable dans les ressources des EPCI sans fiscalité propre. De fait, le montant perçu au titre de la taxe d'habitation s'est élevé en 2018 à 90 millions d'euros.

Or la loi de finances pour 2020 a supprimé la taxe d'habitation sur la résidence principale pour 80 % des ménages et gelé ses taux pour les 20 % de ménages restants. En conséquence, bien que les syndicats de communes conservent la faculté de voter le produit qu'ils souhaitent à compter de 2021, l'imposition sera désormais concentrée sur les taxes foncières et la cotisation foncière des entreprises.

En d'autres termes, vous avez fait le choix très clair de faire peser sur deux catégories de contribuables – les propriétaires et les entreprises – les éventuelles augmentations de fiscalité locale destinées à maintenir à leur niveau actuel les ressources des EPCI sans fiscalité propre.

Dans un contexte économique et social normal, cette mesure pourrait s'entendre ; mais dans le contexte de déroute économique que connaît la France en raison de l'épidémie de Covid-19, croyez-moi, monsieur le secrétaire d'État, le consentement à l'impôt risque d'être considérablement amoindri : nos entreprises sont exsangues, et les ménages connaissent des situations financières très tendues…

Dès lors, des mesures de compensation de la suppression de la taxe d'habitation seront-elles prévues dans la prochaine loi de finances pour permettre aux élus de stabiliser la fiscalité locale et d'assurer le financement des EPCI sans fiscalité propre ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics. Madame la sénatrice Darcos, par cette question, mais aussi par plusieurs courriers récents, vous attirez l'attention du Gouvernement sur le financement des établissements publics de coopération intercommunale sans fiscalité propre. Ma réponse sera technique – je vous prie de m'en excuser –, mais il me faut bien entrer dans les détails du financement de ces organismes.

Un syndicat de communes est un établissement public de coopération intercommunale associant des communes en vue d'œuvres ou de services d'intérêt intercommunal ; ne constituant pas un EPCI à fiscalité propre, il ne dispose d'aucun pouvoir fiscal : il n'a la faculté ni de voter les taux des impositions locales ni d'en exonérer les contribuables.

Le financement du budget d'un tel syndicat comprend une contribution des communes associées. Les quotes-parts contributives sont fixées par les communes dans les statuts du syndicat ; dans le silence des statuts et en l'absence de disposition expresse, le comité du syndicat est compétent pour établir ou modifier la répartition des charges syndicales.

Le syndicat dispose de ressources relevant soit de contributions budgétaires des communes, soit d'une taxe additionnelle sur la fiscalité locale – cette seconde possibilité reportant sur le contribuable local, au lieu des communes, le financement des services publics assurés par le syndicat.

En application de l'article 1609 quater du code général des impôts, le comité syndical peut décider de lever une part additionnelle aux quatre taxes directes locales – taxe d'habitation, taxe foncière sur les propriétés bâties, taxe foncière sur les propriétés non bâties et cotisation foncière des entreprises – en remplacement de la contribution budgétaire des communes associées. Le taux additionnel applicable et déterminé en deux étapes.

D'abord, le syndicat arrête un produit fiscal global, réparti entre les quatre taxes proportionnellement aux recettes que chacune procurerait à la commune, si l'on appliquait le taux de l'année précédente aux bases de l'année d'imposition – la procédure est prévue à l'article 1636 B octies du code général des impôts. Cette répartition est obtenue en multipliant le produit fiscal recouvré dans chaque commune par le rapport entre, d'une part, le produit théorique que chacune de ces taxes aurait procuré à la commune si l'on avait appliqué le taux de l'année précédente aux bases de l'année d'imposition et, d'autre part, le produit total que les quatre taxes auraient procuré à la commune si l'on avait appliqué le taux de l'année précédente aux bases de l'année d'imposition – madame la sénatrice, je vous transmettrai tout cela par écrit…

Ensuite, les taux d'imposition sont obtenus en divisant la part du produit de la taxe additionnelle qui doit être perçue dans chaque commune sur les redevables de chacune des quatre taxes par le total des bases nettes correspondantes imposables au profit du syndicat.

La suppression de la taxe d'habitation sur la résidence principale conduit à une nouvelle répartition des produits syndicaux entre les contribuables. Pour permettre cette compensation, les taux d'imposition de la taxe d'habitation, y compris le taux des contributions fiscalisées que nous venons d'évoquer, sont gelés de 2020 à 2022 au niveau de 2019.

Ainsi, les effets combinés du gel du taux de la taxe d'habitation à son niveau de 2019 et de la non-fiscalisation des contributions syndicales entraîneront un report de pression fiscale sur les derniers redevables de la taxe d'habitation sur la résidence principale jusqu'en 2022 et sur les redevables de la taxe d'habitation afférente aux résidences secondaires et aux locaux vacants, ainsi que sur les redevables des taxes foncières et des cotisations foncières d'entreprises.

M. le président. Il faut conclure, monsieur le secrétaire d'État…

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État. Toutes les suppressions de taxe d'habitation sont, vous le savez, compensées par d'autres recettes.

Nous n'avons pas prévu de modifier les règles en la matière, même si j'entends la question que vous posez sur l'acceptabilité de l'impôt par le tissu économique.

M. le président. Monsieur le secrétaire d'État, vous dépassez votre temps de parole d'une façon presque inédite dans cet exercice…

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État. Je conclus d'une phrase, monsieur le président : soyez assurée, madame la sénatrice, que nous regarderons le sujet avec attention.

M. le président. Le dépassement est de 40 % !

La parole est à Mme Laure Darcos, pour la réplique.

Mme Laure Darcos. Bien que je ne sois pas une experte fiscale, je crois avoir bien compris vos explications.

La compensation est très attendue, notamment dans mon département, l'Essonne. Elle est d'autant plus indispensable que, dès le début du confinement, tous ces EPCI ont joué leur rôle, souvent d'ailleurs pour pallier des manques de l'agence régionale de santé (ARS) – je pense notamment à la fourniture de masques et autres accessoires sanitaires importants. Sans compensation, ces structures seront aux abois !

Dans ces conditions, monsieur le secrétaire d'État, votre réponse ne me satisfait qu'à moitié ; nous n'en serons que plus vigilants lors de l'examen du prochain projet de loi de finances.

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