Question de M. MOHAMED SOILIHI Thani (Mayotte - LaREM) publiée le 26/03/2020

Question posée en séance publique le 25/03/2020

M. Thani Mohamed Soilihi. Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, depuis lundi minuit, les vols entre l'Hexagone et l'outre-mer sont interdits, sauf dérogations exceptionnelles.

Les outre-mer ne sont pas épargnés par cette pandémie : plus de 330 cas confirmés de coronavirus sont à ce jour diagnostiqués, qui s'ajoutent parfois, comme c'est le cas à Mayotte et à La Réunion, à ceux liés à l'épidémie de dengue, d'une exceptionnelle ampleur. Ce nombre est certainement sous-estimé.

Si ces territoires sont en apparence moins touchés, leur situation sanitaire compliquée, liée à leur insularité, leur isolement et leur éloignement, mais surtout à la faible capacité d'accueil des malades, fait unanimement craindre une explosion du nombre de contaminations. Mon département, qui a connu son premier cas le 14 mars, en compte aujourd'hui trente-cinq.

Vous connaissez la faiblesse du système de santé à Mayotte. Malgré le travail considérable des professionnels soignants, que je tiens ici à remercier chaleureusement, l'hôpital, déjà saturé, ne compte que seize lits de réanimation et seuls vingt-huit médecins libéraux exercent sur ce territoire, pour une population officielle de 257 000 habitants, mais qui s'élève probablement au double en raison de l'immigration clandestine.

Une grande partie de la population vit dans des conditions de précarité et de promiscuité propices à l'expansion de cette épidémie.

Sur place, les gestes barrières et de confinement ne sont pas bien respectés, souvent par impossibilité. Comment faire autrement lorsque l'on vit à plusieurs dans une habitation traditionnelle sans accès aux sanitaires ? Mais à ceux qui peuvent respecter ces règles et qui agissent par insouciance, je le redis : ne prenez pas ce virus à la légère, ne croyez pas que le climat ralentira sa progression et restez chez vous pour protéger vos familles !

Hier, par audioconférence, le préfet et les élus de Mayotte, tous très mobilisés, ont fait le point.

Monsieur le ministre, hormis les mesures sur les transports aériens, pourriez-vous nous dire quelles sont les dispositions prises par le Gouvernement pour aider les territoires ultramarins, particulièrement vulnérables, à faire face à cette pandémie ?


Réponse du Premier ministre publiée le 26/03/2020

Réponse apportée en séance publique le 25/03/2020

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Permettez-moi, monsieur le sénateur, de m'associer au coup de chapeau, pour le dire trivialement, que vous adressez aux professionnels de santé, notamment à ceux du centre hospitalier de Mamoudzou et de tous les centres associés. La situation à laquelle ils doivent faire face depuis longtemps, indépendamment de l'épidémie de coronavirus, est si difficile qu'elle suscite une grande inquiétude parmi nos concitoyens.

Vous avez souligné les efforts consentis depuis quelques années pour tenter de rehausser le niveau de soins, en particulier à Mayotte – mais je sais que votre question dépassait très largement le cadre de ce département. Il s'agit de la création de l'agence de santé, qui doit permettre une meilleure organisation des soins, et des moyens supplémentaires accordés à l'hôpital de Mamoudzou. Chacun ici a également à l'esprit les moyens importants mis en œuvre en Guadeloupe pour construire un nouveau CHU plus résilient, lequel n'est pas encore achevé, et pour faire face à des situations sanitaires complexes.

En vérité, monsieur le sénateur, cette épidémie doit être prise au sérieux davantage encore dans les territoires insulaires, compte tenu des caractéristiques que vous avez évoquées. C'est la raison pour laquelle nous avons pris des décisions, très rudes, de limitation, voire de très grande limitation, des vols commerciaux à destination des outre-mer, afin de limiter au maximum les flux et les échanges de populations entre des territoires qui sont, par nature, plus fragiles que ceux de métropole sur le plan de l'organisation sanitaire. C'est pourquoi aussi, en plus des restrictions portant sur l'utilisation des vols commerciaux, nous avons imposé à tous ceux qui partaient vers les territoires ultramarins une quatorzaine stricte à leur arrivée. Néanmoins, vous savez comme moi qu'un certain nombre de cas sont à déplorer en Guadeloupe, à la Martinique, à Mayotte et dans d'autres territoires ultramarins.

Notre objectif est d'abord d'affirmer clairement la solidarité de la Nation à l'égard de tous ces territoires, ceux d'outre-mer comme les autres.

Dans les outre-mer, compte tenu des limites de l'offre sanitaire existante, nous veillons à freiner encore plus fortement qu'en métropole la circulation et la propagation du virus. Pour ces raisons, les préfets d'outre-mer seront sans doute amenés à prendre des mesures strictes, notamment de couvre-feu et de confinement, encore plus sévères que celles qui prévalent sur le territoire métropolitain.

J'ai indiqué lors de mes dernières interventions que, sur tout ou partie du territoire, nous serions conduits, si les circonstances l'exigeaient, à prendre des mesures plus dures qu'actuellement. Au vu de cette perspective éventuelle, et la situation étant différente en Guyane, à La Réunion, en Nouvelle-Calédonie et à Mayotte, j'ai demandé à l'ensemble des préfets de me faire remonter leurs propositions en tenant compte de l'analyse fine de chacun des territoires concernés.

C'est à ce prix que nous pourrons freiner la circulation du virus. Bien entendu, s'il fallait programmer des moyens supplémentaires à destination des outre-mer, nous le ferions, dans la limite de nos capacités.

C'est de cette façon que nous pourrons aider les populations françaises à faire face – je le dis sans ambages et sans fard – au défi considérable qui s'annonce.

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