Question de M. LABBÉ Joël (Morbihan - RDSE-R) publiée le 26/03/2020

Question posée en séance publique le 25/03/2020

M. Joël Labbé. Je tiens tout d'abord à affirmer la solidarité de mon groupe avec l'ensemble des personnes mobilisées dans la lutte contre le coronavirus, notamment les soignants.

Le 23 mars dernier, la décision est tombée comme un coup de massue sur les territoires : le Gouvernement a interdit l'ensemble des marchés, sauf autorisation du préfet accordée après avis du maire. Pourtant, sur le terrain, de nombreux marchés avaient déjà mis en place de bonnes pratiques allant bien au-delà de celles des grandes surfaces, dans lesquelles les clients peuvent circuler et manipuler librement les produits.

Pourquoi créer du gaspillage alimentaire ainsi qu'une rupture d'égalité de traitement entre les grandes surfaces et les marchés, où se trouvent des acteurs locaux porteurs de résilience ? Par cette décision, en effet, ce sont notamment des petits producteurs en vente directe, mais aussi des acteurs de la pêche artisanale et des ostréiculteurs qui voient leur survie économique menacée. Alors que l'alimentation est un secteur stratégique, n'est-il pas nécessaire de soutenir et de sécuriser les marchés et l'ensemble des initiatives de vente directe ?

La réponse du Premier ministre sur le sujet, hier à l'Assemblée nationale, n'a pas permis de clarifier la situation, et cette mesure continue de faire fortement débat dans nos territoires.

Oui, il faut faire confiance aux maires ! Mais se sentiront-ils en confiance pour demander des dérogations, alors que les préfets ont des interprétations diverses de l'arrêté et que certains ont déjà refusé des demandes ?

Pouvez-vous, madame la secrétaire d'État, avoir une parole bien claire pour encourager les maires et les préfets à maintenir les marchés et les pratiques de vente directe dans le respect des règles sanitaires ? (MM. Vincent Capo-Canellas et Hervé Marseille applaudissent.)


Réponse du Premier ministre publiée le 26/03/2020

Réponse apportée en séance publique le 25/03/2020

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le sénateur, je tiens à répondre à votre question, car je sais qu'elle suscite beaucoup d'interrogations et d'appréhension chez les agriculteurs et nombre de nos concitoyens, les uns ayant besoin de ces marchés pour écouler leur production, les autres pour s'approvisionner en produits frais, mais aussi chez les élus et parfois même les préfets, lesquels doivent prendre ces décisions délicates. J'essaierai d'être le plus clair possible.

Le principe général est celui de l'interdiction des marchés. Il nous semble en effet qu'il vaut mieux être prudent sur le plan sanitaire en posant ce principe auquel, cependant, il est possible d'apporter des dérogations.

Ces dérogations doivent être accordées par les préfets, après demande et avis des maires, lesquels sont mieux placés que quiconque pour apprécier si, dans telle commune, le marché est à la fois nécessaire et susceptible d'être organisé dans le respect des conditions de sécurité sanitaire exigées par le Gouvernement.

Les maires, j'y insiste, sont les mieux placés pour porter cette appréciation pour ce qui concerne leur commune, ou tel ou tel quartier de ladite commune. Vous le savez, monsieur le sénateur, j'ai été maire. Je sais donc que, dans une grande ville, il est impossible de faire respecter dans certains marchés les bonnes conditions sanitaires du fait de la disposition des lieux. Je sais aussi qu'à d'autres endroits de ladite ville de petits marchés locaux qui permettent à la population de s'approvisionner en produits frais peuvent parfaitement être organisés en ce sens. Il appartiendra donc au maire de faire une demande d'autorisation pour ces marchés, en justifiant de cette bonne organisation, auprès du préfet, qui pourra accorder une dérogation.

Vous avez évoqué la question de l'interprétation par les préfets de la règle générale et de la possibilité de dérogation. Il nous faut, évidemment, bien expliquer cette règle ; je l'ai fait et le ministre de l'intérieur continuera de le faire.

Les préfets – comment le leur en faire le reproche ? – sont en premier lieu préoccupés par les impératifs de préservation de la santé et, donc, par la limitation maximale des risques. Si telle n'était pas leur préoccupation première, certains leur adresseraient sans aucun doute le reproche inverse.

M. René-Paul Savary. Absolument !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Nous allons expliquer le sens de cette règle.

Dans les communes rurales et dans les quartiers des grandes villes où le marché est indispensable et peut être organisé dans de bonnes conditions, mon objectif est qu'il puisse se tenir, et ce pour une raison simple : nos agriculteurs ont besoin d'écouler leur production et nos concitoyens ont besoin de s'approvisionner en produits frais. Ce n'est ni un luxe ni un accessoire : c'est indispensable ! Mais, pour que ces dérogations soient possibles, les conditions de civisme et de respect des règles sanitaires doivent être suffisantes.

J'ai plaisir à le répéter devant le Sénat, les maires sont les mieux armés et les mieux placés pour faire de telles propositions.

M. René-Paul Savary. C'est vrai !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Nous adresserons aux préfets des consignes d'écoute et de bon sens, et il leur appartiendra de prendre les décisions, ce qu'ils sauront faire de façon satisfaisante.

Il est vrai que, entre l'annonce de cette mesure relative aux marchés et le moment de sa mise en œuvre, des questionnements se sont fait jour.

M. René-Paul Savary. En effet !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Nous y répondrons le plus rapidement possible.

M. René-Paul Savary. Merci !

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour la réplique.

M. Joël Labbé. L'urgence est aujourd'hui à la souveraineté alimentaire des territoires et non à la seule concentration des pouvoirs des grandes surfaces. Car, malgré tout, il y a distorsion de concurrence.

Pour les temps « d'après », qui ne ressembleront plus jamais à ceux « d'avant », notre agriculture paysanne, nos producteurs locaux et nos territoires ruraux sont porteurs d'avenir. Préservons-les dès maintenant !

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