Question de M. DALLIER Philippe (Seine-Saint-Denis - Les Républicains) publiée le 26/03/2020

Question posée en séance publique le 25/03/2020

M. Philippe Dallier. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Le Sénat a adopté à la quasi-unanimité, sans vote contre, les mesures d'urgence pour soutenir l'activité et l'emploi lors de cette crise sanitaire, qui sera aussi une crise économique majeure. Cependant, il nous semble qu'il y a quelques trous dans la raquette, comme nous l'avions dit en séance et comme semblent le confirmer les remontées du terrain.

Concernant le chômage partiel, il faudrait, puisque toutes les entreprises vont être touchées par cette crise, étendre les mesures aux TPE, commerçants et artisans qui vont rester ouverts parce que leur activité est considérée comme essentielle, mais qui subiront tout de même une perte de chiffre d'affaires. Il faudrait les aider : êtes-vous prêt à agir en ce sens, monsieur le Premier ministre ?

Le dispositif des 1 500 euros pour ceux qui ont perdu 70 % de leur chiffre d'affaires par rapport à mars 2019 sera de peu d'effet. Le report des charges ou des factures de gaz ou d'électricité à quelques mois ne sera pas non plus suffisant.

La bonne mesure, ce sont les 300 milliards d'euros du fonds de garantie, à la condition que les banques puissent accorder ces prêts rapidement, largement et partout sur le territoire. Il semble qu'il y ait déjà certains secteurs dans lesquels les agences sont fermées. Il est donc difficile de déposer des chèques ou des fonds. Quelles assurances pourriez-vous nous apporter sur ce sujet ?

Ceux qui sont au travail, que nous saluons tous, doivent être encouragés. Or les mesures qui ont été adoptées sont limitées aux salariés, probablement des grandes entreprises. Êtes-vous prêt à prendre des dispositions pour le secteur public, pour les hôpitaux, pour tous ceux qui sont au travail et que nous devons soutenir ?

Je terminerai mon intervention par une question très particulière. Nombreux sont ceux qui ont pu commander des masques en Chine, notamment les collectivités locales, mais il semble qu'il y ait des problèmes d'acheminement. On parle de la mise en place d'un pont aérien. Qu'en est-il ?


Réponse du Premier ministre publiée le 26/03/2020

Réponse apportée en séance publique le 25/03/2020

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le sénateur, votre question comporte beaucoup de questions.

D'abord, je voudrais relever les points positifs.

Je vous remercie de souligner que la garantie d'emprunt apportée par l'État, à hauteur de 300 milliards d'euros, est un élément favorable qui doit évidemment être mis en œuvre avec le soutien des banques. J'ai cru comprendre, à la lecture d'un certain nombre de messages ce matin, que les banques, ayant constaté, à la fois, le vote favorable du Sénat que vous avez mentionné et la promulgation de la loi, avaient déjà commencé à faire part à leurs clients de leur disponibilité à accorder ces emprunts. Je sais que certaines banques ont été très réactives. Notre objectif est évidemment que cet instrument serve, car les entreprises en ont besoin.

Je ne méconnais pas les difficultés qui, çà et là, peuvent se poser compte tenu du plan de charges des agences ou de la difficulté à faire en sorte que l'ensemble de celles-ci fonctionnent dans de bonnes conditions. Mais je peux vous faire état, monsieur le sénateur, de la grande mobilisation du secteur bancaire et de la volonté que cet instrument puisse porter tous ses fruits.

Vous avez évoqué un certain nombre de limites s'agissant des instruments d'urgence que nous avons mis en place. Peut-être pouvons-nous néanmoins convenir que le dispositif d'activité partielle que nous allons instaurer est inédit en France ? Nous avons créé – pardonnez-moi cette expression – le « paquet » le plus généreux d'Europe : dans notre dispositif, les entreprises ne subissent aucune perte si elles décident de passer en chômage partiel et les salariés voient leur revenu garanti à une hauteur qui est supérieure à ce qui se fait dans d'autres pays, y compris l'Allemagne.

Nous sommes donc allés très loin dans le dispositif d'activité partielle, de façon, là encore, à permettre aux entreprises et bien entendu aux salariés de passer ce cap difficile. Je comprends qu'on puisse se dire qu'il en faudrait encore plus – ce sera peut-être d'ailleurs le cas –, mais, je le redis, il s'agit là de mesures d'urgence qui permettent de franchir le cap.

Sur la question du fonds de solidarité pour les TPE, n'oubliez pas, mais je sais que vous ne le ferez pas, que ce fonds est à deux étages.

Le premier étage est automatique : dès lors que l'on remplit un certain nombre de conditions, les 1 500 euros sont versés automatiquement par la DGFiP (direction générale des finances publiques), dans des conditions de délais extrêmement restreints.

Le deuxième étage fera, quant à lui, l'objet d'une appréciation, notamment grâce à l'instruction des conseils régionaux. Nous allons en effet travailler avec les régions pour qu'elles puissent nous aider à apprécier la situation régionale et individuelle de chaque entreprise. Pour le deuxième étage du fonds de solidarité, il y aura donc une appréciation générale, mais aussi un accompagnement.

Si je peux me permettre d'insister, nous ne réduisons pas le fonds de solidarité au simple premier étage : les deux étages doivent durer aussi longtemps que la crise sanitaire et, donc, les difficultés économiques.

Je voudrais répondre à la question spécifique que vous avez posée à la fin de votre propos sur le pont aérien.

Un certain nombre de commandes de masques ont été passées par l'État et d'autres acteurs, publics ou privés. Il faut pouvoir les acheminer dans de bonnes conditions. Nous avons donc fait appel aux meilleurs logisticiens pour nous assister et nous conseiller.

Des avions-cargos iront en Chine chercher ces masques ; ces avions sont affrétés. On peut effectivement prendre l'image d'un pont aérien, car c'est de fait ce qui va se passer.

Je l'ai dit, dans la mesure où il nous manquerait des avions pour aller chercher ces masques – pour l'instant, rien n'indique que ce soit le cas –, nous pourrions, non pas réquisitionner, comme le proposerait Mme la présidente Assassi (Sourires.), mais faire appel aux capacités, aujourd'hui beaucoup moins utilisées, des compagnies nationales, qui nous ont indiqué leur disponibilité. Nous leur avons répondu que nous ferions appel à elles si nous avons besoin de faire revenir des Français bloqués à l'étranger, dans un pays dont les liaisons commerciales ont été interrompues, ou d'aller chercher ces masques.

De ce point de vue, les choses sont donc claires : les commandes sont passées, les avions sont affrétés et ils devraient servir dans des délais très brefs. Croyez-moi, je suis le premier à faire en sorte que cela se passe ainsi, puisque nous avons besoin de cette ressource. Je pense que tout se passera correctement, mais permettez-moi, monsieur le sénateur, de faire preuve d'un optimisme mesuré : en la matière, j'aime mieux tenir qu'espérer.

M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour la réplique.

M. Philippe Dallier. Monsieur le Premier ministre, il y a juste un point sur lequel vous n'avez pas répondu, mais que je vous demande de garder à l'esprit : pensez à encourager financièrement, d'une manière ou d'une autre, ceux qui sont en poste, au travail, dans des conditions souvent difficiles, et ce dans tous les secteurs. Ils le méritent ! (M. le Premier ministre opine.)

M. le président. Je vois que le Premier ministre a parfaitement entendu ce message.

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