Question de M. BIGNON Jérôme (Somme - Les Indépendants) publiée le 23/04/2020

Question posée en séance publique le 22/04/2020

M. le président. La parole est à M. Jérôme Bignon, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants. – Mme Nadia Sollogoub applaudit également.)

M. Jérôme Bignon. Ma question s'adresse à M. le ministre des solidarités et de la santé.

Monsieur le ministre, alors que le confinement semble produire ses premiers effets et autorise un optimisme prudent, les professionnels de santé s'alarment de la désertification de leurs cabinets. Le directeur de la caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) a observé un recul de 40 % à 50 % de la consommation de soins, aussi bien en médecine générale que dans différentes spécialités. Vous l'avez vous-même souligné récemment.

La filière cancérologie est particulièrement touchée. Dans la Somme, aucun dépistage de cancer du sein n'a été réalisé depuis le début du confinement. De nombreux patients renoncent à se rendre aux urgences par peur de la contagion. Le président des chirurgiens de l'Assistance publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP) a observé une chute de 74 % des appendicectomies dans les établissements parisiens. Les victimes d'AVC ou d'infarctus, les malades du diabète et d'autres pathologies de longue durée comme les personnes atteintes de troubles psychiatriques voient leur état s'aggraver. De nombreux praticiens appellent à une réévaluation de l'urgence des soins déprogrammés

La rupture dans la continuité des soins est particulièrement dommageable pour les personnes âgées et/ou handicapées. Faute d'équipements de protection suffisants, les aides à domicile n'assurent plus les soins courants pour ces personnes. Dans les maternités, le dépistage néonatal réalisé au troisième jour après la naissance – il permet une prise en charge précoce de cinq maladies graves – est désorganisé faute de portage postal efficace. Des retards de vaccination sont aussi observés chez les nourrissons et les jeunes enfants.

Monsieur le ministre, une nouvelle vague de mortalité, différente, pourrait se dessiner. Pourriez-vous dresser un bilan de l'impact sanitaire du renoncement aux soins ?

Il existe par ailleurs un extraordinaire paradoxe, sur lequel j'aimerais connaître votre avis : nos compatriotes ne se soignent plus assez pour beaucoup de maux pourtant graves, mais ils se précipitent de façon déraisonnable, me semble-t-il, sur la nicotine à la moindre rumeur. Les personnes atteintes de diabète ou d'hypertension devraient se soigner, les vaccinations nécessaires devraient être réalisées, mais on préfère discuter de la nicotine… Y a-t-il un bénéfice à choisir ce nouveau sujet de conversation ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants. – M. Pierre Louault et Mme Nadia Sollogoub applaudissent également.)


Réponse du Ministère des solidarités et de la santé publiée le 23/04/2020

Réponse apportée en séance publique le 22/04/2020

M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Il est vrai, monsieur le sénateur Bignon, que nous sommes inquiets, parce qu'un certain nombre de Français semblent renoncer à des soins essentiels. Certains sont atteints de maladies chroniques ; d'autres ne sont pas malades, mais renoncent à des dépistages de cancers – cancer du sein, cancer colorectal. Des femmes enceintes n'ont pas forcément eu toutes les échographies obstétricales, dont elles doivent pourtant bénéficier. La vaccination diminue de manière inquiétante.

C'est pourquoi nous multiplions depuis plusieurs semaines les messages à la population. Aller consulter son médecin est un droit et constitue une dérogation absolue à l'obligation de rester chez soi. Par ailleurs, la télémédecine a été mise en place très tôt et très vite ; nous avons dépassé la semaine dernière le seuil du million de consultations ainsi réalisées. Cette solution peut aussi être proposée par les médecins, lorsqu'ils ne souhaitent pas que leur patient se déplace. Enfin, les présidents des syndicats de médecins m'ont dit promouvoir des démarches visant à contacter les patients, dont les professionnels sont sans nouvelles depuis un certain temps. Je vous remercie donc de votre salutaire rappel.

Vous m'avez également interrogé sur la nicotine. Une équipe de chercheurs français a effectivement écrit un article scientifique intéressant, qui fait état d'une étude observationnelle tendant à montrer qu'il y a moins de malades chez les personnes consommatrices de nicotine, en l'occurrence parmi les fumeurs, que dans le reste de la population.

Mais nous devons faire attention et vous avez raison de le souligner. Cette étude ne veut pas dire que le tabac protège. Au contraire, le tabac tue ! Plus de 70 000 morts bien réels par an sont dus au tabac dans notre pays.

Cette étude ouvre cependant une piste intéressante, parmi d'autres, pour la recherche clinique : comprendre les mécanismes biochimiques grâce auxquels la nicotine pourrait être un marqueur de résistance à cette maladie.

Mais j'attire vraiment l'attention de nos concitoyens, parce que nous ne disposons pas de toutes les réponses. Ils ont peur, ils sont inquiets, ils sont donc prompts, vous l'avez dit, à se précipiter sur toutes les informations qui sortent.

Des études cliniques menées dans des hôpitaux français par des équipes universitaires de très grand talent sont désormais en cours ; elles vont nous permettre de mieux comprendre et décrypter le fonctionnement du virus, en vue d'identifier dans quelles conditions la nicotine aurait des effets positifs chez un certain nombre de malades.

Il ne faut surtout pas pratiquer de l'automédication en la matière : si une personne se pose un patch de nicotine sans être fumeuse, elle va le sentir passer ! Vomissements, étourdissements, malaises, etc. Il faut vraiment faire très attention, parce que c'est un produit addictif.

Nous ne fermons cependant aucune porte en ce qui concerne les traitements contre cette maladie, y compris celle de la nicotine, d'autant que, je le répète, des études portées par des équipes de grand talent des hôpitaux français sont en cours. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et Les Indépendants. – M. Pierre Louault applaudit également.)

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