Question de Mme BENBASSA Esther (Paris - CRCE-R) publiée le 21/05/2020

Mme Esther Benbassa attire l'attention de Mme la secrétaire d'État, auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées sur la question de la désolidarisation des revenus du conjoint pour le calcul de l'allocation aux adultes handicapés (AAH).

Déjà demandée depuis plusieurs années par les associations d'aide aux personnes handicapées, cette revendication est d'autant plus prégnante en période de crise sanitaire.

Actuellement, l'AAH est calculée sur la base des revenus d'un couple à N-2, c'est-à-dire que ce sont les revenus du foyer d'il y deux ans qui sont pris en compte.

Un tel calcul ne saurait être juste, tout simplement parce que la situation du couple peut évoluer drastiquement en l'espace de deux ans.

Comment expliquer par exemple qu'un foyer, dont l'un des membres est récemment parti à la retraite et a donc vu ses revenus baisser, bénéficie d'une AAH correspondant aux salaires pleins qu'il percevait deux ans auparavant ?

Comment trouver équitable qu'actuellement, certains foyers bénéficient d'une AAH fondée sur les revenus à N-2, alors qu'ils ne perçoivent plus de rémunérations en raison de la pandémie ?

Grâce à la récente mise en place du prélèvement à la source et des déclarations sociales nominatives (DSN), il est tout à fait possible de connaître le revenu actuel du citoyen et donc d'adapter le montant de l'AAH en conséquence, afin qu'il soit davantage en phase avec la situation sociale actuelle du bénéficiaire.

Dans le cadre d'une audition en date du 10 avril 2020, la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées a dit avoir « bien entendu les revendications des associations » en la matière.

Ainsi, elle lui demande si elle va soutenir les initiatives parlementaires visant à la mise en œuvre d'une désolidarisation entre les revenus des conjoints, dans le cadre du calcul de l'AAH. Une proposition de loi en ce sens a été votée à l'Assemblée nationale en février 2020 et pourrait dans les mois à venir être inscrite à l'ordre du jour du Sénat. Un soutien de l'exécutif en la matière est souhaité pour de nombreuses personnes handicapées, sujettes à une situation financière difficile.

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Transmise au Secrétariat d'État auprès du Premier ministre, chargé des personnes handicapées


Réponse du Secrétariat d'État auprès du Premier ministre, chargé des personnes handicapées publiée le 01/04/2021

L'AAH a été créée par la loi du 30 juin 1975 afin d'assurer des conditions de vie dignes aux personnes en situation de handicap dont les ressources sont les plus faibles. Elle repose sur les principes d'équité et de partage des charges entre les membres du foyer. Par ailleurs, elle constitue un minima social, c'est-à-dire, qu'elle vise à garantir un niveau de ressource minimum pour vivre en complément d'autres sources de revenus éventuelles. L'AAH représente, à elle seule, 11,1 milliards d'euros de dépenses en 2020 dans le budget global de 51 milliards d'euros consacrés aux politiques publiques de soutien et d'accompagnement des personnes en situation de handicap. Conformément à l'engagement du Président de la République, le niveau de l'AAH a été augmenté de manière conséquente. En effet, s'établissant à 810 euros par mois en avril 2018, le Gouvernement a porté l'AAH à 902,70 euros par mois depuis novembre 2019. Cela représente une augmentation de pouvoir d'achat de près de 12 % pour les 1,2 millions de personnes bénéficiaires de l'AAH. Le coût de cette augmentation est estimé à plus de 2 milliards d'euros sur l'ensemble du quinquennat. Depuis 2017, le Gouvernement s'est engagé dans une politique qui place au cœur de ses principes la société inclusive, en considérant les personnes en situation de handicap comme des citoyens de droit commun. Nous ne pouvons demander légitimement que les personnes en situation de handicap soient des citoyens à part entière s'ils ne s'inscrivent pas dans les dispositifs même de notre contrat social basé sur le droit commun. Le fait de déconjugaliser viendrait remettre en cause l'ensemble de notre système socio-fiscal, fondé sur la solidarité familiale, conjugale et nationale. En effet, la solidarité nationale s'appuie sur la solidarité conjugale pour adapter son soutien aux personnes précaires. Cette solidarité conjugale est consacrée par l'article 212 du code civil, qui précise que « les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours et assistance » : les principes sur lesquels se basent le calcul de l'AAH ne lui sont donc pas spécifiques et concernent l'ensemble des minimas sociaux. La déconjugalisation viendrait alors créer un précédent qui pourrait entrainer l'ensemble des minimas sociaux dans son nouveau mode de calcul. A titre d'exemple, le coût d'une individualisation totale du RSA avait été estimé à près de 9 milliards d'euros en 2016. Par ailleurs, la déconjugalisation n'est pas la réponse à l'accompagnement de l'autonomie qui accompagne parfois le handicap, car celle-ci est déjà prise en compte par la prestation de compensation du handicap (PCH). En effet, près d'un tiers des personnes percevant l'AAH peuvent avoir en moyenne 500 euros de plus au titre de la PCH. La fixation d'un montant plus élevé pour l'AAH (902,7 euros) que pour le RSA-socle (564,8 euros) correspond bien à la prise en compte de la spécificité du handicap, et non à une logique de compensation. Les abattements sur les ressources prises en compte pour l'AAH sont nettement supérieurs à toutes autres allocations, que ce soit s'agissant des revenus du conjoint mais aussi du bénéficiaire, afin de rendre plus favorable le cumul d'un emploi avec l'AAH pour les personnes en situation de handicap. Actuellement, le plafond pour percevoir l'AAH lorsqu'on est en couple est de 3000 euros si c'est la personne handicapée qui travaille, et de 2270 euros si c'est son conjoint qui travaille en raison d'un abattement supérieur à 50% sur les revenus du bénéficiaire. Néanmoins, la demande de déconjugalisation de l'AAH est révélatrice de la nécessité d'une prise en charge spécifique des femmes en situation de handicap victimes de violences et sous emprise de leur conjoint. Nous devons leur apporter une réponse concrète et opérationnelle. Actuellement, lorsqu'une séparation est signalée à une CAF, elle rentre dans les situations prioritaires, que la CAF s'engage à traiter en dix jours au plus tard. Ce mécanisme nécessite néanmoins un accompagnement massif des femmes violentées pour leur permettre de se loger, de sortir de l'emprise de leur conjoint.  Afin de proposer des mesures destinées à améliorer le repérage et l'accompagnement des femmes, des travaux sur plusieurs territoires d'expérimentation devront permettre de déterminer puis expérimenter un cadre permettant une plus grande réactivité du montant de l'AAH aux situations de violence conjugale. Les premiers jalons de ces travaux ont été lancés à l'occasion de la journée internationale des droits des femmes du 8 mars dernier, avec l'aide du département de la Gironde. Ce groupe de pilotage départemental comprenant la Délégation départementale aux droits des femmes et à l'égalité, le Conseil Départemental, l'Agence régionale de santé, la Caisse d'allocations familiales et les associations sera appuyé au niveau national par la Direction générale de la cohésion sociale, la Caisse nationale d'allocations familiales ainsi que Secrétariat Général du Comité interministériel du Handicap avec l'appui et l'expertise du Ministère de la Justice y associant l'expertise du groupe de travail « handicap » mis en place dans le groupe de travail du Grenelle.

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