Question de Mme COHEN Laurence (Val-de-Marne - CRCE) publiée le 18/06/2020

Mme Laurence Cohen interroge M. le ministre de l'intérieur suite à l'annonce de la possibilité de généraliser le pistolet à impulsion électrique pour remplacer la technique d'étranglement.

Son utilisation comporte de nombreux risques, notamment face à des personnes ayant des problèmes cardiaques.

Amnesty International rapporte qu'aux États-Unis, 334 personnes sont décédées entre 2001 et 2008 suite à leur usage. En France, au moins une dizaine de personnes sont mortes depuis 2010 des conséquences du pistolet à impulsion électrique, comme le recense le média indépendant Bastamag dans son étude sur les violences policières.

En 2009, le Conseil d'État dénonce les « dangers spécifiques » de cette arme. Le défenseur des droits souligne également les « blessures » qu'il peut provoquer. En 2012, le comité contre la torture des Nations unies souligne que le pistolet à impulsion électrique peut être à l'origine « d'une douleur aiguë constituant une forme de torture ».

Ainsi, elle lui demande quelles sont les raisons qui l'empêchent de mettre en place des solutions alternatives d'autant plus urgentes après les prises de position diverses et plurielles dénonçant la dangerosité de cette arme.

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Transmise au Ministère de l'intérieur


Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 01/04/2021

Dans un État de droit, le recours à la force et à l'usage des armes est nécessairement gradué et proportionné. Il s'exerce dans le respect des cadres juridiques et déontologiques propres aux missions des forces de l'ordre. Pour exercer leurs missions et faire face aux menaces auxquelles elles sont exposées, celles-ci disposent ainsi d'une législation et d'une gamme de techniques et de moyens. C'est dans ce cadre que police nationale et gendarmerie nationale sont équipées d'armes de force intermédiaire. Les armes de force intermédiaire, dont les pistolets à impulsions électriques (PIE), permettent de faire face à des situations pour lesquelles la coercition physique est insuffisante mais qui nécessitent une riposte immédiate, par exemple pour faire face à des groupes ou individus armés ou violents. Le code de la sécurité intérieure liste ces armements et définit les conditions de leur utilisation. Assorti d'importantes garanties, l'emploi de ces armes permet une réponse graduée et proportionnée lorsque l'emploi légitime de la force s'avère nécessaire. L'emploi du pistolet à impulsions électriques obéit à des règles de droit strictes et s'exerce dans le respect des droits fondamentaux des personnes. Il relève du cadre juridique général de l'usage de la force et n'est donc possible que lorsque les conditions requises par la loi l'autorisent (par exemple : légitime défense - article 122-5 du code pénal -, état de nécessité - article 122-7 du code pénal -, cas d'usage des armes prévus à l'article L. 435-1 du code de la sécurité intérieure, etc.). Dans tous les cas, il est soumis aux principes de nécessité et de proportionnalité. Par ailleurs, il répond à des conditions d'utilisation rigoureuses (précautions d'emploi, conduite à tenir après emploi, etc.) et fait l'objet de contrôles. Il est, en outre, subordonné à une formation spécifique. Le dispositif de formation initiale à l'usage du PIE est validé par la délivrance d'une habilitation individuelle qui sanctionne, outre les qualités de discernement et de sang-froid des personnels, la parfaite maîtrise des équipements tant sur le plan technique que juridique. Le maintien de cette habilitation est assujetti à une obligation de formation continue. Les obligations en matière de formation continue ont été renforcées et les exigences en la matière sont élevées, sur la base d'objectifs pédagogiques clairs et des besoins révélés par les retours d'expérience. Les instructions adressées aux services de police et de gendarmerie pour en préciser les règles d'utilisation font l'objet de la plus grande attention et sont régulièrement mises à jour pour tenir compte des retours d'expérience, des préconisations des autorités médicales et des évolutions du droit. Les instructions applicables ont ainsi été mises à jour en 2017. Une instruction commune police-gendarmerie des 27 juillet 2017 - 2 août 2017 relative à l'usage et l'emploi des armes de force intermédiaire (dont le PIE) rappelle les règles juridiques applicables et définit précisément les modalités et les précautions de leur emploi. Lorsque la décision de recourir au PIE s'impose, les agents tentent, quand le contexte et les circonstances l'autorisent, de régler la situation par le dialogue avant d'utiliser, en dernière alternative, l'arme en mode pointage, contact ou tir. Les policiers tiennent compte de l'état de la personne visée afin d'apprécier l'opportunité de l'usage du PIE. Parmi les éléments à prendre en compte figure l'état de vulnérabilité de la personne. L'usage du PIE en mode contact est lui aussi soumis aux règles de nécessité et de proportionnalité. Une traçabilité et un suivi effectif de l'utilisation de cette arme sont assurés. Depuis janvier 2012, toute utilisation du PIE doit donner lieu à une déclaration dans le traitement relatif au suivi de l'usage des armes. L'agent doit relater les circonstances des faits l'ayant conduit à faire usage de l'arme. Assorti de ces garanties, l'emploi du PIE permet d'exercer une contrainte légitime de manière strictement nécessaire et proportionnée face à des comportements parfois extrêmement violents, pour neutraliser une personne dangereuse pour elle-même ou pour autrui en minimisant les risques et surtout en évitant le recours, incomparablement plus dangereux, à une arme à feu. Le PIE a été utilisé en 2018 à 1 820 reprises, en 2019 à 2 349 reprises et, au cours du premier semestre 2020, à 1 153 reprises. Très peu de blessures sur les personnes visées sont relevées à l'issue d'une intervention au cours de laquelle le PIE a été employé. Les lésions, si elles résultent du PIE, sont très légères (point d'ancrage des ardillons). Dans la majorité des cas, les blessures constatées ne sont pas la conséquence directe de l'usage de l'arme mais résultent essentiellement d'actes d'auto-agression, d'une chute ou d'un échange de coups entre le mis en cause et les policiers qui n'ont pu maîtriser l'individu. L'application qui recense les usagers blessés ou décédés à l'occasion d'une mission de police (incapacité totale de travail judiciaire supérieure à 8 jours) permet de constater que, depuis 2018, et sur plus de 5 000 utilisations, le PIE apparaît dans des interventions ayant occasionné 4 blessés et 2 décès. L'un des décès concerne une personne en état de forte agitation conduite à l'hôpital en provenance d'une maison d'arrêt où elle avait fait une crise d'épilepsie. Ayant agressé le personnel de santé, il lui avait été administré plusieurs doses de calmant, sans succès. La police avait fait usage du PIE en mode contact sur la cuisse et l'épaule, sans résultat immédiat. Le calme était progressivement revenu sous l'effet des produits administrés à l'intéressé. Après le départ des policiers, cette personne avait fait un malaise cardiaque et était décédée deux jours plus tard. L'autopsie n'a pas permis d'identifier la cause du décès. S'agissant du second décès constaté après un usage du PIE, sur un individu en état de démence, l'autopsie a écarté cette arme comme étant la cause de la mort. Par ailleurs, aucune infirmité permanente consécutive à l'emploi du PIE n'a été relevée à ce jour. Le PIE est également utilisé sur des individus suicidaires lorsque la négociation ne permet pas de les ramener à la raison ou en situation d'urgence. Dans ces cas, le PIE a été utilisé à 96 reprises en 2018, à 131 reprises en 2019 et à 67 reprises au cours du premier semestre 2020. A ce titre, il a potentiellement permis d'éviter des décès. Il a été décidé qu'une expérimentation territoriale du PIE de dernière génération serait conduite afin d'évaluer son utilité et son efficacité. Une cinquantaine de PIE de nouvelle génération sont ainsi en cours d'expérimentation dans les services de la direction centrale de la sécurité publique. Ils sont associés lors de leur utilisation au déclenchement systématique des caméras individuelles, pour disposer d'éléments de contexte et vérifier la conformité de leur usage à leur doctrine d'emploi. Enfin, il convient de souligner que les comparaisons régulièrement mises en avant avec des chiffres concernant les Etats-Unis ne sont pas pertinentes : les contextes ne sont pas les mêmes (un policier américain intervient fréquemment seul ; forte circulation d'armes dans le pays, etc.) les cadres d'emploi sont différents (disparité du niveau de formation, largement dépendant des politiques locales ; port du PIE par quasiment chaque policier américain et en tout état de cause par chaque policier en patrouille ; multiplicité des services et agences, engendrant des règles et des comportements très disparates…) et les modèles de PIE utilisés aux Etats-Unis ne sont pas nécessairement ceux déployés en France (chaque service de police est autonome en matière de commande d'équipements).

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