Question de M. CAZABONNE Alain (Gironde - UC) publiée le 23/07/2020

Question posée en séance publique le 22/07/2020

M. Alain Cazabonne. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Si rien n'est fait avant le 31 juillet, une pépite technologique française passera sous le pavillon américain, une entreprise de Gironde, Photonis, leader français de la vision nocturne sur laquelle mon collègue Olivier Cadic a déjà attiré l'attention du Gouvernement à plusieurs reprises. Teledyne, une entreprise américaine, est prête à surpayer l'achat de Photonis pour acquérir sa technologie.

La transaction sera possible à partir du 31 juillet si vous ne vous y opposez pas formellement, monsieur le ministre. En effet, après vérification, l'absence de décision à cette date vaut acceptation, et non pas rejet, comme il avait été dit au Sénat.

Le Gouvernement s'apprête-t-il à autoriser cette cession, avec les précautions d'usage, dont on connaît parfois la fragilité ? L'objectif ne peut pas être d'encadrer cette vente, car cela renforcerait un mouvement de fond qui fragilise la base industrielle et technologique de défense (BITD), en laissant partir progressivement les PME qui la constituent.

Le président Macron a déclaré vouloir ramener en France les industries nécessaires à notre indépendance, c'est très bien, mais il est tout aussi nécessaire de conserver celles qui y sont déjà !

Allez-vous poser votre veto à la disparition d'une société emblématique du savoir-faire technologique français et affirmer votre volonté de sauver cette branche industrielle de la défense en créant, peut-être avec Bpifrance, un tour de table français ou, au moins, européen ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)


Réponse du Ministère auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance - Comptes publics publiée le 23/07/2020

Réponse apportée en séance publique le 22/07/2020

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.

M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. Monsieur le sénateur Cazabonne, Photonis est un groupe international implanté aux États-Unis, en France et aux Pays-Bas ; il intervient dans un secteur stratégique qui concerne les intérêts de la défense nationale.

Vous comprendrez que l'opération que vous décrivez, impliquant des sociétés cotées, emporte un devoir de confidentialité sur un certain nombre d'aspects qui m'empêcheront certainement d'être aussi précis que vous l'attendez.

Depuis l'annonce, à l'automne 2019, par le groupe Ardian, de son projet de cession, ce dossier est suivi avec la plus grande attention par le ministère de l'économie et des finances, mais aussi par le ministère des armées, avec Mme Florence Parly. Nous avons un objectif : la défense des intérêts de la France et de sa défense nationale, en donnant à Photonis un actionnariat stable, serein et qui lui permette de développer ses investissements et son activité.

Nous devons absolument éviter deux risques : le premier serait la cession à un investisseur étranger capable d'un transfert technologique rapide ou du transfert d'informations sensibles ne pouvant être portées à la connaissance de non-nationaux ; le second serait d'entériner une acquisition par un actionnaire qui ne serait pas assez solide pour permettre à Photonis de rester à la frontière technologique et de garder sa compétitivité.

Nous avons une décision à prendre ; elle est en cours d'instruction de manière extrêmement méticuleuse. Je veux vous indiquer que, si nous devions autoriser l'opération que vous avez décrite, nous le ferions en faisant jouer toutes les prérogatives de l'État : les prérogatives de droit, qui peuvent imposer au repreneur le maintien d'activités sensibles sur le territoire national, mais aussi des prérogatives susceptibles de nous amener à imposer au repreneur des modifications substantielles dans la gouvernance qu'il entrevoit, notamment en matière d'accès à l'information d'éventuels actionnaires étrangers, ou encore de maintien sur le territoire d'activités sensibles.

C'est en prenant en compte ces deux priorités que nous travaillons, que nous examinons le dossier et que nous rendrons très vite cette décision.

M. le président. La parole est à M. Alain Cazabonne, pour la réplique.

M. Alain Cazabonne. L'expérience de Ford en Gironde nous a montré la limite des engagements des entreprises et de la possibilité, pour l'État, de les obliger à les tenir.

Je voudrais vous faire une suggestion : recevez notre collègue du groupe centriste Olivier Cadic, qui a des contacts auprès de fonds apparemment intéressés par la reprise ou par le renforcement de cette société. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

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