Question de Mme LIENEMANN Marie-Noëlle (Paris - CRCE-R) publiée le 17/09/2020

Mme Marie-Noëlle Lienemann attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports sur les marchés publics ciblés vers des produits Microsoft.
Il semble ainsi que les ministères de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur ne soient sortis de leurs errements antérieur, lorsqu'elle avait interpellé en janvier 2017 le précédent gouvernement par deux questions écrites (n° 24806 et n° 24808) restées sans réponse. Elle pointait déjà à l'époque les graves écarts constatés en termes de marchés publics pour l'équipement en logiciels, notamment dans l'éducation nationale, au profit d'entreprises étrangères dont les pratiques fiscales sont par ailleurs problématiques.

La presse s'est récemment fait l'écho d'un appel d'offres des ministères de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur d'un montant de 8,3 millions d'euros concernant la « concession de droits d'usage à titre non exclusif, en mode perpétuel ou en mode locatif, de solutions Microsoft et services associés. » En clair, les lauréats de cet appel d'offres devront fournir des licences Microsoft aux 800 000 postes de travail concernés, mais aussi des prestations de services associées aux « solutions » Microsoft. Avec une telle méthode, aucune entreprise concurrente – a fortiori, aucune entreprise française ou européenne –, et aucune entreprise de logiciels libres ne pourront remplacer les logiciels et « solutions » Microsoft ; aucune entreprise de logiciels libres ne pourra structurellement répondre à cet appel d'offres.

Cette pratique est particulièrement choquante et néfaste pour notre pays. Elle contourne les règles des marchés publics, en se référant à une marque spécifique, ce qui favorise ou élimine certains opérateurs. L'objet de l'appel d'offres aurait dû par exemple porter la mention « solutions Microsoft ou équivalentes ». Mais surtout, alors qu'il est de bon ton dans les discours de vanter le « produire en France » et le retour de notre « souveraineté économique », une fois encore, l'État préfère ainsi verser des rentes de situation à Microsoft, société soumise au droit américain et qui n'apporte donc pas les garanties d'autonomie stratégique pour notre pays, plutôt que de se tourner vers des entreprises françaises parfaitement capables de leur fournir les services demandés et qui, elles, ne pratiquent pas l'optimisation fiscale.

Elle lui demande donc quelle mesure compte prendre le Gouvernement pour mettre fin à de telles dérives qui contreviennent à l'intérêt national et qui sont en contradiction avec les intentions affichées complaisamment par l'exécutif.

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Réponse du Ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports publiée le 24/12/2020

Il est utile de rappeler que le ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports (MENJS) s'appuie pour ses systèmes d'information sur la mise en œuvre d'une diversité de solutions informatiques, notamment sur des logiciels libres qui représentent 98 % de la base du parc des serveurs installés et des produits d'un grand nombre d'éditeurs ou distributeurs. S'agissant des logiciels libres, le MENJS s'appuie sur un marché pour bénéficier des solutions REHDAT Linux, et d'un marché interministériel pour bénéficier d'un support (assistance) sur certains logiciels libres. Il dispose par ailleurs d'un pôle national logiciels libres et ne se contente pas de consommer du logiciel libre puisqu'il en produit avec des agents ou des prestataires. Comme pour les autres logiciels propriétaires, ceux de l'éditeur Microsoft qui équipent les systèmes informatiques doivent pouvoir être maintenus et suivre les évolutions pour rendre des services déjà en place ou les compléter. La passation du marché spécifique a pour objectif de répondre à ce besoin, principalement pour couvrir les postes de travail (Windows et Office) et les serveurs associés à la gestion des postes de travail. Il a pour objet : « Concession de droits d'usage à titre non exclusif, en mode perpétuel ou en mode locatif, de solutions Microsoft et services associés couvrant les usages des agents des services centraux et déconcentrés des ministères chargés de l'éducation nationale, de la jeunesse, des sports, de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation ainsi que des établissements de formation, d'enseignement et de recherche. » Il concerne les deux ministères (l'éducation nationale, jeunesse et sports et l'enseignement supérieur, recherche et innovation), les académies, les établissements d'enseignement supérieur et de recherche, et des opérateurs qui au travers de ce marché commun leur permet d'optimiser leurs processus d'achat et de mutualiser les besoins de l'ensemble de leurs services en prenant en compte à la fois l'existant et les nouveaux projets. Le marché est composé de 2 lots : lot n° 1 : Fourniture de solutions Microsoft ; lot n° 2 : Prestations de services associés aux solutions Microsoft. Pour répondre à une partie de leurs besoins, les acteurs cités ci-dessus, investissent depuis plusieurs années dans des solutions collaboratives (dont les suites bureautiques), de gestion des postes de travail et des serveurs d'infrastructures Microsoft, et de leur évolution constante, pour faciliter l'exercice de leurs missions pédagogique, administrative et de recherche. Ils font aussi régulièrement appel à des prestations de conseil et d'accompagnement autour de ces technologies. Le regroupement de ces acteurs permet de bénéficier : sur le lot 1 de tarifs éducation avantageux sur le support ou les droits d'usages pour toutes les parties prenantes, conditions les plus favorables en comparaison d'autres secteurs (secteur privé ou autres ministères) ; sur le lot 2 de tarifs de prestations de services attractifs au regard du volume d'activité potentiellement généré par les bénéficiaires. Le MENJS n'a pas précisé, dans l'objet de ce marché, la mention « solutions Microsoft ou équivalentes ». Il ne s'agit pas d'un marché visant à remplacer les solutions mais d'un marché qui vise à pérenniser des investissements préalables et un existant pour les bénéficiaires. En l'occurrence la base des postes de travail Windows, les licences Office, ou les serveurs d'infrastructures installées afin de bénéficier des évolutions, du support ou de pouvoir compléter cette base installée qui a fait l'objet d'investissements préalables importants (droits d'usage logiciels, équipements matériels). Ces investissements ont porté également sur la formation des agents (utilisateurs des services) ou des informaticiens en charge de construire ou maintenir les services délivrés aux utilisateurs. La réglementation des marchés publics permet ainsi au pouvoir adjudicateur de faire référence à une marque lorsqu'il justifie d'un investissement préalable ce qui est le cas. Pour information, l'éditeur Microsoft n'a pas d'exclusivité commerciale, ce sont donc des sociétés spécialisées « distributeurs de logiciels » qui sont amenées à répondre au lot 1 et sur le lot 2 des sociétés spécialisées en ingénierie sur les solutions de l'éditeur en capacité d'accompagner les bénéficiaires dans l'usage des solutions Microsoft. Ce marché n'indique pas ou n'appelle pas à une exclusivité de recours aux solutions Microsoft pour répondre à l'ensemble des besoins du MENJS et des établissements d'enseignement supérieur et de recherche en matière de système d'exploitation ou de suite bureautique. Nous avons d'ailleurs des appels d'offres et des marchés qui concernent les logiciels libres. Comme indiqué plus haut, 98 % des serveurs du MENJS sont sous Linux et 60 % dans les établissements de l'enseignement supérieur et recherche (ESR) avec une base importante à maintenir également. Dans l'ESR, la Cellule nationale Logiciels évalue à 11 % les postes de travail sous MacOSX (Apple) et 9 % sous Linux (avec de multiples distributions).

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