Question de Mme IMBERT Corinne (Charente-Maritime - Les Républicains-R) publiée le 08/10/2020

Mme Corinne Imbert attire l'attention de Mme la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation au sujet des critères d'attribution des bourses au mérite. Les bourses au mérite sont versées aux élèves ayant obtenu une mention très bien au baccalauréat. Le montant annuel est de 900 euros pour tous les élèves bénéficiaires, versés en neuf mensualités de 100 euros. Cette aide est versée pour une durée de trois ans maximum et constitue une rentrée d'argent non négligeable pour les étudiants méritants. Toutefois, il est à noter que la bourse au mérite est accessible uniquement aux étudiants bénéficiaires de la bourse du centre régional des œuvres universitaires et scolaires (CROUS). Ce critère d'attribution est contraire à l'esprit même du mérite qui ne saurait se limiter uniquement au milieu social de l'étudiant. Aussi lui demande-t-elle si le Gouvernement entend modifier les critères d'attribution à la bourse au mérite afin que le terme de mérite reprenne tout son sens.

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Réponse du Ministère auprès de la ministre des armées - Mémoire et anciens combattants publiée le 02/12/2020

Réponse apportée en séance publique le 01/12/2020

Mme le président. La parole est à Mme Corinne Imbert, auteure de la question n° 1296, adressée à Mme la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.

Mme Corinne Imbert. Madame la ministre, la bourse au mérite pour les lycéens et l'aide au mérite pour les étudiants sont des aides accordées aux élèves les plus méritants.

La première est attribuée après l'obtention d'une mention « bien » ou « très bien » au diplôme national du brevet, et avec l'engagement de poursuivre avec assiduité une scolarité jusqu'au baccalauréat, tandis que la seconde est attribuée après l'obtention d'une mention « très bien » au baccalauréat et l'inscription dans un établissement supérieur.

La principale contradiction actuelle réside dans le fait qu'il est nécessaire de bénéficier de la bourse de lycée ou d'une bourse sur critères sociaux pour pouvoir prétendre à la bourse au mérite ou à l'aide au mérite.

Pour poursuivre dans les définitions, je vous donnerai, mes chers collègues, celle du terme « mérite », ainsi rédigée dans le dictionnaire Larousse : « ce qui rend quelqu'un (ou sa conduite) digne d'estime, de récompense, eu égard aux difficultés surmontées ».

Madame la ministre, la difficulté pour un jeune ou une jeune réside-t-elle nécessairement dans le statut social de ses parents ? Le mérite ne peut-il pas s'illustrer dans le fait, pour un jeune ou une jeune, de surmonter un deuil, le divorce de ses parents, de se diriger vers une voie qui n'était pas souhaitée par son cercle familial ?

Plus généralement, le mérite ne consiste-t-il pas, tout simplement, à réussir là où beaucoup échouent, et cela même sans poser la question de l'origine sociale du collégien ou du lycéen, qui, à force de travail, obtient une mention ?

À une époque où la classe moyenne éprouve un sentiment grandissant d'injustice en matière de fiscalité, il serait peut-être opportun d'envoyer un signal fort, en permettant à de nombreux élèves et étudiants issus de cette classe sociale de bénéficier de ce dispositif d'aide. En effet, bon nombre de familles sont ostracisées de toutes les aides sociales, alors même qu'elles ne respirent pas l'opulence.

Pour toutes ces raisons, madame la ministre, j'aimerais connaître votre position sur une possible modification des règles d'attribution de la bourse et de l'aide au mérite, afin que la notion même de mérite retrouve son sens originel.

Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès de la ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants. Madame la sénatrice, vous interrogez la ministre de l'enseignement supérieur sur les critères d'attribution des bourses au mérite.

Je rappelle tout d'abord que l'accompagnement social des étudiants figure parmi les priorités du Gouvernement, tout particulièrement en cette période de crise. Cette année, 2,3 milliards d'euros y sont consacrés, dont 2,2 milliards d'euros dédiés au versement des bourses sur critères sociaux, qui sont autant de garanties de la réussite étudiante et de la lutte contre la précarité.

Vous mentionnez plus précisément les bourses au mérite. Elles existent depuis 2015 et concernent, pour la rentrée 2020, 38 000 jeunes pour un budget total de 34,4 millions d'euros. En s'adressant aux boursiers, elles répondent aux dispositions législatives en vigueur. En effet, l'article L. 821-1 du code de l'éducation indique qu'il convient de privilégier « l'aide servie à l'étudiant sous condition de ressources afin de réduire les inégalités sociales ».

Nous assumons cette priorité donnée à la réduction des inégalités et aux jeunes les plus précaires. Toutefois – vous l'avez dit vous-même –, elle n'exclut pas l'engagement envers les autres familles, qui est indispensable. Je pense notamment aux classes moyennes aux revenus les plus modestes, qui doivent elles aussi bénéficier de ces dispositifs.

Plusieurs mesures réformant le système des bourses ont permis d'aider davantage les étudiants issus de ces familles. Ainsi, grâce à la création d'un échelon 0 bis, des dizaines de milliers de jeunes ont pu en bénéficier.

Les résultats sont indéniables : le nombre de bénéficiaires d'une bourse sur critère social s'est fortement accru. Il est passé de 471 000 étudiants en 2007-2008 à 718 000 étudiants en 2019-2020, soit une hausse de 52 %. Cette croissance est supérieure à celle de la population étudiante, où le taux de boursiers est passé de 21 % à 37 %. En 2007, 1,3 milliard d'euros étaient consacrés aux bourses sur critères sociaux : ce montant a été porté à 2,2 milliards d'euros en 2019, soit une augmentation de 62 %.

Madame la sénatrice, le double effet de l'élargissement du champ des boursiers et de l'augmentation du nombre de bacheliers obtenant une mention – le taux est passé de 3,2 % à 10,9 % pour la session 2020 – répond à ces objectifs.

Vous avez raison : le mérite de chacun doit être récompensé. Les cérémonies en préfectures permettent d'ailleurs d'honorer tous les jeunes qui ont obtenu d'excellents résultats !

Mme le président. La parole est à Mme Corinne Imbert, pour la réplique.

Mme Corinne Imbert. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse.

Je ne nie pas les efforts budgétaires accomplis pour récompenser les lycéens les plus méritants. Je redoute simplement que la forte augmentation du nombre de boursiers ne soit le signe d'une paupérisation : j'espère que cette hausse résulte uniquement de l'élargissement des critères.

Le Président de la République déclarait voilà quelques semaines qu'il n'était pas facile d'avoir 20 ans en 2020. Je sais qu'il s'exprimera dans deux jours face à la jeunesse. La notion de mérite doit être remise au goût du jour : ce n'est pas une valeur de l'ancien monde. C'est grâce au mérite que notre jeunesse pourra reprendre espoir en l'avenir !

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