Question de M. MARIE Didier (Seine-Maritime - SER) publiée le 12/11/2020

M. Didier Marie attire l'attention de Mme la ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances au sujet de l'avenir du 3919, la ligne d'écoute nationale violences femmes info sérieusement fragilisée par l'annonce du lancement d'un marché public.

À l'occasion de son extension 24 heures sur 24, la ligne d'écoute nationale violences femmes info 3919 va faire l'objet d'un marché public. Ceci inquiète les associations de lutte contre les violences faites aux femmes qui craignent une fragilisation des services rendus. Ce dispositif d'écoute, le conseil d'information et d'orientation des femmes donne satisfaction. Par ailleurs ce numéro est propriété de la fédération nationale solidarité femmes (marque déposée à l'institut national de la propriété industrielle - INPI) la mise en oeuvre d'un marché public pour le 3919 ne semble à ce jour pas justifiée étant donné qu'il n'entre pas dans le champ de la concurrence. Cette ligne nationale est gérée avec professionnalisme et engagement depuis sa création en 1992 par la FNSF en dépit de subventions limitées. Des écoutantes formées issues de 73 associations solidarité femmes se relayent pour apporter soutien et recommandation aux femmes souvent victimes de violences familiales qui appellent le numéro d'urgence.
L'extension 24 heures sur 24 de l'écoute de cette ligne fait l'objet d'une sollicitation depuis les années 1990 par la FNSF. Sous réserve d'obtention de subventions supplémentaires cette extension pourrait se faire par le biais d'un nouveau contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens (CPOM) non pas forcément par le biais d'un marché public.
La période de confinement marquée par une hausse importante du nombre de violences intra familiales se répercutant de fait sur le nombre d'appel au 3919 n'a fait que confirmer l'expertise et la capacité de la FNSF a assurer un dispositif d'intérêt général en lien avec les associations partenaires. Malgré cette démonstration la procédure de marché public avec ouverture à la concurrence 24 heures sur 24 est toujours d'actualité.
Il tient à rappeler qu'il ne s'agit pas d'une activité économique de marché et que cette activité ne doit pas faire l'objet d'une quantification et d'un cahier des charges sensible aux coûts. Le risque est une réduction des appels pour en augmenter le nombre au détriment de la qualité de la prise en charge des femmes. La mise en concurrence de la ligne d'écoute nationale comporte un risque de privatisation d'une mission sociale et d'un dispositif d'intérêt général.
Il lui demande de revoir son choix quant à l'ouverture de la ligne 3919 au marché public compte tenu des conséquences que cela pourrait entraîner.

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Réponse du Premier ministre - Égalité entre les femmes et les hommes, diversité et égalité des chances publiée le 10/12/2020

La Fédération Nationale Solidarité Femmes (FNSF) constitue depuis plusieurs années un partenaire privilégié de l'État en matière de lutte contre les violences au sein du couple. Il n'entend nullement remettre en cause cet engagement indéniable, ni la qualité de ses interventions, constamment soutenues. Il a du reste été présent à ses côtés pour soutenir cette action depuis sa création, ainsi que pour accompagner l'évolution du dispositif d'écoute vers un numéro court, plus facilement identifiable auprès des femmes victimes de violences, porté par la seule fédération via une plateforme nationale. L'État l'a d'ailleurs soutenu systématiquement par des subventions en constante augmentation. Toutefois, comme indiqué dès fin 2019 à la FNSF, il n'est pas possible juridiquement, au vu des règles de droit de la commande publique et européennes, de soutenir ce dispositif par subvention aussi bien dans le cadre d'un appel à projets que par conventionnement. Dès lors que l'État endosse le pilotage et la responsabilité d'un dispositif d'écoute des femmes victimes de violence, qu'il en définit les besoins à satisfaire et les modalités (notamment un fonctionnement 24 heures sur 24, l'accessibilité aux personnes en situation de handicap) et qu'il le financera en totalité, le marché public est le vecteur de l'action. Dans le cas contraire, le risque de requalification de la subvention en contrat serait important, avec un remboursement de la subvention. Cela emporterait également, à la fois pour les pouvoirs publics et l'association, des conséquences lourdes, sur les plans fiscal, pénal et civil. En l'espèce, le recours au marché public n'est pas un choix mais s'impose comme une conséquence. Cela ne signifie nullement une contestation des droits et propriétés dont l'association est détentrice, s'agissant des aspects matériels ou immatériels. Il serait quelque peu paradoxal d'en conclure que l'État, en se conformant au droit en vigueur, entre dans une logique mercantile quant à la prise en charge des femmes victimes de violences et privatise ce dispositif dont le financement sera assuré à 100 % par l'État. Il est d'ailleurs noté que plusieurs dispositifs d'écoute téléphoniques dans le domaine des services sociaux relèvent déjà de marchés publics pilotés par l'État. Il s'agit par exemple du marché des numéros 116 000 pour les enfants disparus, 116 006 à destination des victimes ou encore de la plateforme 360 dédiée aux personnes en situation de handicap. Attentif par ailleurs aux risques soulevés par l'honorable parlementaire, l'État entend veiller au contraire via ce marché réservé aux acteurs de l'économie sociale et solidaire, à ce que cette future plateforme réponde à des hautes exigences qualitatives en termes de fonctionnement. Le ministère et ses services seront ainsi très vigilants sur la qualité des projets présentés, notamment pour la formation des écoutantes et écoutants sur les violences, afin de renforcer l'écoute et l'accompagnement de ce public. La FNSF peut naturellement candidater dans le cadre de la consultation qui sera lancée à cet effet, au vu en particulier de l'antériorité de son action et des compétences spécifiques développées et capitalisées. Il est enfin signalé que l'État est interpellé sur les modalités de fonctionnement de ce dispositif et, tout récemment, lorsque la plateforme d'écoute a cessé son activité pendant quelques jours lors de la crise sanitaire et y a répondu en apportant une contribution financière complémentaire répondant aux besoins de la plateforme pendant cette période. Dans ce contexte, les pouvoirs publics n'entendent donc pas se défausser de leurs responsabilités mais au contraire accroitre leur soutien à l'écoute des femmes victimes de violences.

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