Question de M. LONGEOT Jean-François (Doubs - UC) publiée le 14/01/2021

Question posée en séance publique le 13/01/2021

M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Jean-François Longeot. Ma question, que je pose au nom de mon collègue Gérard Poadja, s'adresse à M. le Premier ministre.

En Nouvelle-Calédonie, dans un contexte où l'écart entre indépendantistes et non-indépendantistes s'est considérablement resserré lors du référendum du 4 octobre dernier, Vale a décidé de vendre son usine métallurgique dans le sud du pays.

La Nouvelle-Calédonie s'est alors enflammée et l'on a assisté à des scènes rappelant les heures terribles des « événements » des années 1980.

Conscients de la gravité de la situation, nous étions intervenus afin que l'État pilote désormais au plus haut niveau ce dossier. Nous avions notamment suggéré que le champ du dialogue soit ouvert afin de construire un projet consensuel pour la reprise de l'usine, au-delà de l'offre à l'origine du conflit.

Il nous avait alors été indiqué qu'il n'y avait qu'une seule offre viable sur la table et que le Gouvernement la soutenait.

Depuis lors, il semblerait que la situation ait évolué puisque le ministre des outre-mer a précisé dans ses vœux aux Calédoniens que le Gouvernement ferait une nouvelle proposition très prochainement et que celle-ci prévoirait une implication plus forte de l'État.

Nous ne pouvons que nous en féliciter.

Notre collègue Gérard Poadja et les députés calédoniens défendaient depuis plusieurs semaines l'idée d'une participation ou d'une prise de contrôle temporaire de l'État au capital de Vale afin que les acteurs disposent du temps nécessaire à la construction d'un consensus politique et industriel sur la poursuite de l'activité.

De la capacité du Gouvernement à donner véritablement corps à cette nouvelle perspective dépend le maintien de 3 000 emplois, le retour à la paix civile, ainsi que la reprise de l'activité. De cette impulsion dépend surtout la reprise du dialogue politique entre indépendantistes et non- indépendantistes, dialogue essentiel dans le cadre de la préparation du troisième référendum d'autodétermination prévu par l'accord de Nouméa.

Monsieur le Premier ministre, ma question est la suivante : comment le Gouvernement entend-il organiser l'implication plus forte de l'État dans le dossier de reprise de l'usine du Sud ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)


Réponse du Premier ministre publiée le 14/01/2021

Réponse apportée en séance publique le 13/01/2021

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean Castex, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, messieurs les sénateurs Longeot et Poadja, je vous remercie de me donner l'occasion de m'exprimer sur le dossier extrêmement sensible de la Nouvelle-Calédonie, que je suis très directement, avec le concours actif de Sébastien Lecornu, ministre des outre-mer.

Vous le savez tous, la question du nickel est hautement stratégique pour ce territoire. Une usine Vale est en cours de cession au sud de l'île : 3 000 emplois sont concernés au seul titre des salariés et des sous-traitants et un seul repreneur est en lice.

L'État, qui intervient déjà très massivement dans cette entreprise, a décidé de maintenir son aide au bénéfice de tout repreneur, ce qui correspond à plus de 500 millions d'euros sous forme de prêts, de garanties de prêts et de défiscalisation.

Le projet de reprise a néanmoins fait l'objet d'une opposition violente, qui a conduit à des troubles très graves dans l'île au début du mois de décembre.

La réponse de l'État, par les forces de l'ordre et l'autorité judiciaire, a été très claire et très bien conduite. Je tiens à la saluer devant la Haute Assemblée. Elle n'a malheureusement pas pu empêcher de très nombreuses dégradations commises dans l'usine. J'observe avec vous qu'une partie des opposants au projet de cession, pourtant tout à fait satisfaisant, opposants qui sont plutôt de tendance indépendantiste, ont finalement demandé la nationalisation de l'usine par l'État… (Rires sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)

Le problème ne s'est malheureusement pas arrêté là puisque d'autres opposants ont fait le choix de bloquer une autre usine, la SLN (Société Le Nickel), dont l'État est actionnaire minoritaire via Eramet, pour « mettre la pression sur l'État dans le dossier de l'usine du Sud ». Ce faisant, ils ont placé cette usine au bord de la faillite, alors que 10 000 emplois sont concernés.

Sur ces dossiers, et dans l'affaire calédonienne plus généralement, le Gouvernement cherche avant tout la voie du dialogue.

Le ministre des outre-mer a passé trois semaines en Nouvelle-Calédonie, en octobre, immédiatement après la consultation référendaire. Après avoir rencontré tous les acteurs, il avait réussi à mettre tout le monde autour de la table. Le sujet du nickel, sans surprise, faisait partie de l'échéancier des concertations appelées à se tenir en novembre et en décembre, évidemment par visioconférence, pour les raisons que vous connaissez, la Nouvelle-Calédonie n'étant pas épargnée par la crise sanitaire. L'État a avancé des propositions pour faire évoluer l'offre de l'entreprise, rassurer les populations locales et apaiser les tensions.

Ces discussions se poursuivent et les autorités politiques locales compétentes y sont associées pour mettre au point définitivement les modalités de reprise du site, son accompagnement par l'État et son acceptabilité sociale, dans l'intérêt commun.

Mais pour pouvoir dialoguer – je le dis très tranquillement devant le Sénat –, encore faut-il réunir les conditions du dialogue, en Nouvelle-Calédonie comme partout. On ne dialogue pas, monsieur le sénateur, sous la menace ! Les blocages en cours, notamment sur le site de l'usine SLN, doivent cesser. La paix civile et l'ordre républicain ne sont pas négociables. Cette affirmation, loin d'affaiblir la volonté de dialogue du Gouvernement, contribue au contraire à la renforcer. On ne peut ni transiger ni tergiverser avec la tentation de la violence.

De même, je veux indiquer au Sénat que les décisions de justice qui ont été rendues ces dernières semaines pour condamner les casseurs doivent être appliquées et respectées. Si l'on condamne les violences, comme je me plais à constater que d'aucuns le font, on accepte que leurs auteurs soient condamnés.

Par ailleurs, pour dialoguer, il faut que tout le monde soit présent autour de la table. Je le redis ici publiquement devant le Sénat : tout en étant ferme sur le respect de certains principes, le Gouvernement continuera inlassablement d'appeler autour de la table l'ensemble des responsables politiques de l'île.

Monsieur le sénateur, vous avez fait le parallèle avec les terribles violences qui ont marqué ce territoire au début des années 1980. Je crois que nous devons résister à la tentation d'enfermer la Nouvelle-Calédonie dans cette référence ; le contexte n'est plus du tout le même. Trente années de rééquilibrage, de partage du pouvoir, de dialogue sont passées par là. Surtout, mesdames, messieurs les sénateurs, la moitié de la population du Caillou a aujourd'hui moins de 30 ans !

Voilà la responsabilité historique devant laquelle la République et l'ensemble des acteurs politiques calédoniens se trouvent. Nous ne devons pas revenir vers le passé que vous avez évoqué dans votre question, monsieur le sénateur, ni le reproduire. Nous devons au contraire inventer une solution politique nouvelle pour la Calédonie, dans le cadre de la République française. Vous pouvez pour cela compter sur l'engagement de mon gouvernement ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe UC. - M. Bruno Retailleau applaudit également.)

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