Question de Mme PLUCHET Kristina (Eure - Les Républicains) publiée le 21/01/2021

Question posée en séance publique le 20/01/2021

M. le président. La parole est à Mme Kristina Pluchet, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Kristina Pluchet. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à Mme la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation ; ce sont mes contacts récents avec de nombreux étudiants qui l'alimentent.

Voilà plus de dix mois que nos étudiants sont contraints à l'enseignement à distance et à l'isolement, lesquels affectent leur moral, les plongeant dans une immense détresse psychologique, qui peut conduire aux drames que nous avons connus ces derniers jours.

Nos étudiants décrochent, et des signes inquiétants de paupérisation apparaissent en raison de la disparition des jobs étudiants. Certains sont contraints d'abandonner leur cursus et d'autres, obligés de rentrer chez eux, n'ont même pas d'accès numérique suffisant pour suivre leurs cours.

Madame la ministre, faisons-leur confiance ! Les jeunes sont prêts à accomplir les efforts nécessaires et à respecter les protocoles sanitaires pour retrouver les bancs de l'université.

Les écoliers, collégiens, lycéens et élèves des BTS et classes préparatoires peuvent aller en cours ; les étudiants n'y ont pas droit. Il y a là une différence de traitement et une injustice qui sont mal vécues.

Le présentiel en demi-groupe, prévu à compter du 25 janvier pour les étudiants en première année, doit être étendu sans délai à l'ensemble des étudiants. Il y va de la santé psychologique d'une génération, de sa capacité à se projeter dans l'avenir et de son insertion professionnelle.

Ce que vous avez annoncé jeudi dernier pour répondre à la détresse étudiante est inapproprié. Ce n'est pas seulement de psychologues dont ont besoin les étudiants ; c'est surtout d'aller en cours !

La situation sanitaire – nous le comprenons tous – ne permet pas un retour à la normale à l'université, mais il est temps de renouer un lien réel, et non virtuel, avec les étudiants.

De nombreux présidents d'université sont prêts à accueillir tous les étudiants par petits groupes. Ne pensez-vous donc pas qu'il est temps d'écouter ces responsables qui, mieux que quiconque, sont en mesure d'évaluer la détresse de leurs étudiants, et demandent un cap clair et des mesures pérennes ; d'ouvrir les yeux sur la vie très difficile que vivent aujourd'hui beaucoup de nos jeunes ; enfin, de mettre un terme à l'isolement et aux difficultés pédagogiques qu'ils subissent ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)


Réponse du Premier ministre publiée le 21/01/2021

Réponse apportée en séance publique le 20/01/2021

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et SER.)

M. Laurent Duplomb. Quel plaisir !

M. Jean Castex, Premier ministre. Madame la sénatrice, je choisis de vous répondre directement moi-même, tant le sujet que vous évoquez est un sujet grave et important, qui mobilise le Gouvernement.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C'est gentil pour les autres !

M. Jean Castex, Premier ministre. Je voudrais commencer par vous rappeler, une fois encore, que si nous en sommes là – la même remarque vaudrait à propos des commerces ou des lieux culturels –, c'est parce que, voyez-vous, un virus circule, provoquant une crise sanitaire. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes Les Républicains, SER et CRCE.)

M. Bernard Jomier. Ah bon ?…

M. Pierre Ouzoulias. Et il ne circule pas dans les classes préparatoires ?

M. Jean Castex, Premier ministre. Eh oui ! C'est ce virus qui est la cause de toutes les difficultés que nous rencontrons, lesquelles nécessitent une approche solidaire.

Je rappelle au Sénat que, hier, nous comptions 70 686 morts, que plus de 2 800 personnes étaient en réanimation,…

M. Laurent Duplomb. Où vous n'avez créé aucun lit supplémentaire !

M. Jean Castex, Premier ministre. … et que l'incidence moyenne sur sept jours est de près de 19 000 cas.

Alors que dans tous les pays qui nous entourent l'enseignement dans les universités se fait aussi en distanciel, tous ces chiffres, mesdames, messieurs les sénateurs, appellent pour le moins une vision raisonnable et raisonnée de la situation !

Oui, les conséquences sont parfois dramatiques – vous avez parfaitement raison, madame la sénatrice ; mais ce sont des conséquences de la circulation du virus.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Nous allons mourir guéris !

M. Jean Castex, Premier ministre. Pour autant, on ne peut pas, comme je le souhaiterais, comme vous toutes et tous le souhaiteraient, donner satisfaction à toutes les demandes.

M. Pierre Ouzoulias. Et les transports ? Et les commerces ?

M. Jean Castex, Premier ministre. Vous avez raison de le dire : la France – le ministre de l'éducation nationale l'a rappel頖 a fait le choix, avec l'accord du Sénat, de tenir le plus possible sur l'ouverture des écoles, des collèges et des lycées. Malheureusement, la situation sanitaire ne permet pas de faire de même pour l'enseignement supérieur. Je dis « malheureusement », mais nous devons être responsables !

Après avoir conduit, avec la ministre de l'enseignement supérieur, des concertations avec la communauté universitaire, nous avons relâché autant que faire se peut et que le tolère la situation sanitaire les conditions d'accès en présentiel des étudiants à l'université ; vous avez d'ailleurs bien voulu le rappeler.

Toutefois, je ne saurais, comme vous l'avez fait de manière péremptoire, dire qu'il faut aller au-delà. On ne peut pas dire cela, madame la sénatrice, croyez-moi ! D'ailleurs, les autres pays ne le font pas, ce qui, du moins, devrait tous nous inciter à la modestie et à la réflexion.

Évidemment, comme dans tous les secteurs où nous devons prendre les mesures que la situation sanitaire exige, nous avons le devoir d'accompagner ces situations parfois difficiles. Nous l'avons fait sur le plan pécuniaire, nous l'avons fait sur le plan de l'emploi, nous le faisons sur le terrain de l'accompagnement psychologique. Et nous renforcerons encore, si nécessaire, cet accompagnement.

Notre objectif est de gérer de la façon la plus proportionnée, la plus appropriée, cette crise extrêmement difficile, alors même – cela ne vous a pas échappé, madame la sénatrice – que de nouvelles évolutions virales, loin de nous conduire dans la direction que vous proposez, nous incitent à la plus grande prudence, dans l'intérêt même des étudiants et de la population.

Voyez où nous en étions, mesdames, messieurs les sénateurs, avant que nous ne reconfinions : il y avait 50 000 contaminations par jour à la fin du mois d'octobre !

J'ai pris des mesures difficiles ; par exemple, j'ai fermé les commerces. Que n'ai-je entendu ici ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Un mois après, quand nous avons rouvert les commerces, nous étions retombés à 15 000 contaminations par jour ; depuis lors, nous plafonnons, et même ce chiffre a un peu augmenté… Nous devons donc calmement expliquer à nos concitoyens, aux étudiants notamment, pourquoi nous devons prendre ces mesures difficiles.

M. Laurent Duplomb. Et si cela dure dix ans ?

M. Jean Castex, Premier ministre. Nous invectiver ici ne fera pas progresser d'un iota leur situation – je vous le dis très calmement, mais très fermement.

La cause des étudiants et, plus généralement, de la jeunesse nous réunit toutes et tous et préoccupe considérablement le Gouvernement. Nous agissons et nous allons continuer à agir, mais nous devons le faire de manière extrêmement responsable et raisonnable. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

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