Question de M. MASSON Jean Louis (Moselle - NI) publiée le 11/03/2021

M. Jean Louis Masson rappelle à M. le garde des sceaux, ministre de la justice les termes de sa question n°19418 posée le 10/12/2020 sous le titre : " Renonciation d'une commune au bénéfice d'un jugement ", qui n'a pas obtenu de réponse à ce jour. Il s'étonne tout particulièrement de ce retard important et il souhaiterait qu'il lui indique les raisons d'une telle carence.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 22/07/2021

Il convient de distinguer l'hypothèse d'une construction illégale sur le domaine public d'une construction illégale sur le domaine privé de la commune. Lorsqu'une construction a été illégalement édifiée sur le domaine public, c'est au juge administratif qu'il appartient d'ordonner sa suppression, en vertu de sa compétence exclusive en matière de contraventions de grande voirie. En amont de l'intervention du juge, le préfet est tenu d'engager les poursuites et de dresser un procès-verbal d'infraction, sauf si d'autres intérêts généraux, notamment les nécessités de l'ordre public, s'y opposent. Les autorités chargées de la police et de la conservation du domaine public sont en effet par principe tenues, par application des principes régissant la domanialité publique, de veiller à l'utilisation normale du domaine public et d'exercer à cet effet les pouvoirs qu'elles tiennent de la législation en vigueur, y compris celui de saisir le juge des contraventions de grande voirie, pour faire cesser les occupations sans titre et enlever les obstacles créés de manière illicite (CE, 30 septembre 2005, Cacheux, n° 263443). De même, lorsqu'il est saisi par le préfet d'un procès-verbal constatant une occupation irrégulière du domaine public, le juge administratif est tenu d'y faire droit sous réserve que des intérêts généraux, tenant notamment aux nécessités d'ordre public, n'y fassent obstacle (CE, 23 décembre 2010, n° 306544, A). Seul le représentant de l'Etat – et non une commune – peut se désister en cours d'instance de la procédure de contravention de grande voirie, uniquement si au regard de la balance des intérêts en présence, la démolition entraînerait une atteinte excessive aux autres intérêts généraux dont l'autorité de police a la charge. Le représentant de l'Etat, qui se trouve en situation de compétence liée pour poursuivre les contraventions de grande voirie, n'est donc pas non plus libre de renoncer au bénéfice d'un jugement ordonnant la démolition d'un bien illégalement bâti sur le domaine public. Il résulte par ailleurs des principes gouvernant la responsabilité des personnes publiques que le représentant de l'Etat, saisi d'une demande en ce sens, doit prêter le concours de la force publique en vue de l'exécution d'une décision de justice ayant force exécutoire, la responsabilité de l'Etat étant susceptible d'être engagée en cas de refus pour faute ou même sans faute, lorsque le refus est notamment fondé sur des considérations impérieuses tenant à la sauvegarde de l'ordre public (CE, 30 septembre 2019, n° 416615, B). Lorsqu'une construction a été illégalement édifiée sur une propriété privée, le juge pénal est par principe compétent pour en ordonner la démolition (articles L. 480-5 code de l'urbanisme). En application de l'article 707 du code de procédure pénale, « les peines prononcées par les juridictions pénales sont, sauf circonstances insurmontables, mises à exécution de façon effective et dans les meilleurs délais ». L'administration a donc l'obligation de faire procéder à tous travaux, notamment de démolition, nécessaires à l'exécution de la décision de justice, sauf si des motifs tenant à la sauvegarde de l'ordre ou de la sécurité publics justifient un refus (CE, 13 mars 2019, n° 408123, B). Dans le cas où, sans motif légal, l'administration refuse de faire procéder d'office aux travaux nécessaires à l'exécution de la décision du juge pénal, sa responsabilité pour faute peut être poursuivie. Même en cas de refus légal, et donc en l'absence de toute faute de l'administration, la responsabilité sans faute de l'Etat peut être recherchée, sur le fondement du principe d'égalité devant les charges publiques par un tiers qui se prévaut d'un préjudice revêtant un caractère grave et spécial. L'administration ne peut donc renoncer au bénéfice du jugement prononcé en sa faveur sans engager la responsabilité de l'Etat pour faute, ou sans faute si le refus d'exécuter le jugement repose sur un motif légal, tenant par exemple à des nécessités d'ordre public. En revanche, l'administration peut décider – compte tenu de la nature et de la gravité de l'infraction, des caractéristiques du projet soumis à son examen et des règles d'urbanisme applicables – de délivrer une autorisation d'urbanisme visant à régulariser les travaux dont la démolition a été ordonnée par le juge pénal (CE, 13 mars 2019, n° 408123, B). Il existe également des hypothèses où le juge civil est compétent pour ordonner la démolition d'une construction : si le permis de construire a été annulé par la juridiction administrative et que la construction se situe dans l'une des zones énumérées à l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme, ou si la construction n'est pas conforme à l'autorisation de construire (article L. 480-14 du code de l'urbanisme). En vertu de l'article L. 153-1 du code des procédures civiles d'exécution : « L'Etat est tenu de prêter son concours à l'exécution des jugements et des autres titres exécutoires. Le refus de l'Etat de prêter son concours ouvre droit à réparation ». Là encore, ces dispositions imposent au représentant de l'Etat de prêter le concours de la force publique en vue de l'exécution d'une décision de justice ayant force exécutoire, à défaut de quoi la responsabilité de l'Etat est susceptible d'être engagée en cas de refus pour faute ou même sans faute, lorsque le refus est notamment fondé sur des considérations impérieuses tenant à la sauvegarde de l'ordre public (CE, 30 septembre 2019, n° 416615, B). L'administration peut en revanche également prendre la décision – sur présentation d'un nouveau dossier et si la construction est susceptible d'être autorisée en vertu de la règlementation applicable – de régulariser l'autorisation de la construction dont la démolition a été ordonnée. 

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