Question de M. LE NAY Jacques (Morbihan - UC) publiée le 01/04/2021

Question posée en séance publique le 31/03/2021

M. le président. La parole est à M. Jacques Le Nay, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Jacques Le Nay. Ma question s'adresse à M. ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

En tant que président du groupe d'amitié France-Afghanistan, il est de mon devoir d'exprimer notre inquiétude concernant la situation dans ce pays. Le retrait des troupes américaines, prévu au 1er mai, fait craindre une nouvelle déstabilisation et le risque est réel de voir les talibans revenir au pouvoir. C'est ce que nous a confié le fils du commandant Massoud, reçu ce matin par le président Gérard Larcher.

Dans le même temps, monsieur le ministre, vous avez rencontré vos homologues de l'OTAN pour aborder le dossier afghan. Parallèlement, des négociations sont en cours entre les États-Unis, la Chine, la Russie, le Pakistan, l'Inde, le gouvernement afghan et les talibans, négociations dont la France et l'Europe sont exclues. Pourtant, nous serions bien concernés si ce pays sombrait de nouveau dans le chaos.

Lorsqu'ils s'exilent, c'est en Europe que vont la majorité des Afghans. En France, les ressortissants de nationalité afghane constituent le groupe le plus important parmi les demandeurs d'asile adultes.

M. Abdullah Abdullah, suivant les orientations américaines, négocie avec les talibans au nom du gouvernement afghan. Il nous a confié être personnellement favorable à la participation des Européens aux négociations.

Monsieur le secrétaire d'État, la France et l'Europe peuvent-elles intégrer la table des négociations sur le devenir de l'Afghanistan ? Est-ce la position que vous avez défendue à Bruxelles la semaine dernière ? Comment la France peut-elle peser dans cette crise ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)


Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes publiée le 01/04/2021

Réponse apportée en séance publique le 31/03/2021

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des affaires européennes.

M. Clément Beaune, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur Jacques Le Nay, vous avez tout à fait raison, la situation en Afghanistan est extrêmement préoccupante. La décision de retrait des troupes américaines n'est pas remise en cause, mais sa date reste incertaine, alors même qu'approche l'échéance du 1er mai.

Notre priorité reste, aux côtés des Américains, de parvenir à un cessez-le-feu et à l'instauration d'une paix durable. Comme vous, nous avons réitéré notre engagement aux côtés de l'Afghanistan lors de la cérémonie, à laquelle j'ai assisté au nom du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, donnée samedi matin en hommage au commandant Massoud en présence de son fils et du docteur Abdullah Abdullah.

Lors de la réunion ministérielle de l'OTAN qui s'est tenue la semaine dernière, Jean-Yves Le Drian, qui représentait notre pays, a rappelé qu'un retrait des troupes alliées devait être conditionné aux progrès de la stabilisation de la situation politique et sécuritaire, et très étroitement coordonné entre alliés.

Le ministre de l'Europe et des affaires étrangères a également échangé avec la partie afghane pour essayer de débloquer les négociations interafghanes qui ont très peu progressé depuis leur lancement à Doha en septembre 2020. À l'occasion de ces entretiens avec son homologue M. Atmar et avec M. Abdullah Abdullah, qui préside le Haut Conseil pour la réconciliation nationale, le ministre a rappelé le soutien de la France au processus de paix et a insisté pour que les discussions soient élargies et inclusives. Il a souligné qu'il était dans l'intérêt des parties afghanes, notamment des républicains afghans, que l'Union européenne participe à ces discussions compte tenu de l'importance que nous attachons à la préservation des acquis démocratiques et aux droits de l'homme.

Par ailleurs, notre pays participe aux processus de dialogues régionaux. Nous avons tenu le même discours, hier, lors de la conférence ministérielle.

Nous avons également plaidé à cette occasion pour que les Européens qui – je le rappelle – sont les principaux donateurs et dont la somme des acteurs sur place fournit la majorité des personnels de l'OTAN, soient associés aux discussions interafghanes. Nous portons donc déjà et nous continuerons à porter la revendication au sujet de laquelle vous m'avez interpellé.

Permettez-moi enfin de souligner que notre compatriote Jean Arnault, qui a été nommé mi-mars envoyé personnel du Secrétaire général des Nations unies pour l'Afghanistan et les questions régionales, contribuera aussi à cet effort d'élargissement de la participation européenne.

M. le président. La parole est à M. Jacques Le Nay, pour la réplique.

M. Jacques Le Nay. Un retour des talibans sans élection serait une catastrophe pour la démocratie, les droits fondamentaux et les droits des femmes. La population risque d'être soumise à une charia très dure, comme entre 1996 et 2001. Fawzia Koofi, membre de l'équipe de négociation, a qualifié son pays de « pire pays du monde où naître pour une fille », une déclaration qui en dit long. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

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