Question de Mme PROCACCIA Catherine (Val-de-Marne - Les Républicains) publiée le 01/04/2021

Mme Catherine Procaccia attire l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur la situation que rencontrent de plus en plus de citoyens français, qualifiés « d'Américains accidentels » par les États-Unis, se voyant menacés de fermeture de leur compte courant par les banques.
Le foreign account tax compliance act (FATCA) édité par le Gouvernement américain en 2010 oblige les banques, notamment européennes, à exiger des personnes de nationalité américaine un « social security number » (SSN) pour conserver leurs comptes bancaires.
Le problème des Français américains accidentels, autrement dit les personnes qui n'ont fait que naître sur le sol américain et qui ont bien la double nationalité, ne date pas d'hier. Le Sénat avait d'ailleurs alerté le Gouvernement sur ce sujet en 2018, à travers le vote d'une résolution car les obligations qui leur incombent sont démesurées et incompréhensibles puisque la plupart d'entre eux n'ont jamais travaillé aux USA et n'ont aucun revenu dans ce pays.
Dernièrement, les difficultés ont été décuplées en raison de la crise sanitaire qui a fait fermer le bureau de l'ambassade américaine chargé de fournir ces SSN.
Or, de plus en plus de banques françaises menacent les personnes qui vivent et travaillent en France de clôturer unilatéralement leurs comptes, si ces derniers ne présentent pas de SSN. Certaines se sont d'ailleurs vu notifier cette clôture.
Cette situation a été rapportée par l'association française des Américains accidentels, qui recense ces derniers mois de plus en plus de plaintes, alors que près de 300 000 personnes sont concernées au niveau de l'Union européenne.
En attendant que les deux gouvernements s'accordent pour régler ce problème, elle souhaiterait d'une part savoir si le Gouvernement a demandé la réouverture du bureau parisien chargé des SSN, ou la mise en service d'un traitement dématérialisé des demandes, et d'autre part si une action a été lancée auprès des banques françaises pour exiger qu'elle ne clôturent pas les comptes de ces Français pris dans cet imbroglio fiscal.

- page 2121


Réponse du Ministère de l'Europe et des affaires étrangères publiée le 08/04/2021

Les « Américains accidentels », citoyens français également ressortissants américains du fait de leur lieu de naissance, sont assujettis à des obligations au regard de la législation fiscale américaine, en dépit de l'absence de lien particulier effectif avec ce pays. En 2010, une loi américaine (Foreign Account Tax Compliance Act ou « loi Fatca ») a créé l'obligation, pour tous les établissements financiers, de transmettre, à l'administration fiscale américaine, des informations détaillées sur les comptes détenus directement ou indirectement par des contribuables américains. Le 14 novembre 2013, la France a signé l'accord intergouvernemental « Fatca » qui permet d'éviter une transmission directe, puisqu'il charge la direction générale des finances publiques (DGFiP) de la réception de ces données auprès des établissements financiers, puis de leur envoi à l'Internal Revenue Service (IRS), l'agence fédérale américaine chargée du recouvrement de l'impôt. Cet accord intergouvernemental apporte des garanties aux titulaires de comptes (protection des données personnelles, limitations des comptes financiers devant faire l'objet d'une déclaration). En l'absence d'accord, ces garanties seraient supprimées et les « Américains accidentels » continueraient d'être assujettis à l'obligation de déclarer leurs revenus à l'IRS et, le cas échéant, de payer l'impôt correspondant, puisque cette obligation découle du principe américain même d'imposition. En outre, les banques, placées dans une relation directe avec l'IRS, seraient alors susceptibles de redoubler de prudence vis-à-vis de leurs clients de nationalité américaine, ce qui renforcerait les difficultés bancaires qu'ils peuvent rencontrer à ce jour. Depuis plusieurs années, le Gouvernement, par le biais du ministère de l'Europe et des affaires étrangères et du ministère de l'économie, des finances et de la relance, sollicite l'attention des autorités américaines sur ces situations particulières et plaide en faveur d'une renonciation à la nationalité américaine facilitée pour ces « Américains accidentels », étant entendu que les conditions d'octroi de la nationalité et le principe de l'imposition sur la base de la citoyenneté relèvent de la compétence souveraine des États-Unis. Les demandes relayées à de nombreuses reprises, à Paris comme aux États-Unis, qui ont également mobilisé d'autres États européens dans le même sens, ont abouti à des avancées significatives, sur plusieurs plans : sur le plan administratif, les services de l'ambassade et des consulats des États-Unis en France ont été réceptifs aux arguments français et ont mis en place un guichet spécial et une page internet dédiée en langue française afin de faciliter les démarches des personnes souhaitant renoncer à la nationalité américaine. Des informations sont également disponibles sur le site de l'ambassade de France aux États-Unis. La procédure a également été allégée et l'obtention d'un numéro de sécurité sociale n'est ainsi plus nécessaire pour ce faire. Le service chargé des renonciations à la nationalité américaine de l'ambassade des États-Unis en France est actuellement fermé et rouvrira lorsque la situation sanitaire le permettra. L'ambassade des États-Unis en France a indiqué au ministère de l'Europe et des affaires étrangères que les personnes concernées peuvent l'interroger sur ce sujet via l'adresse courriel : citizeninfo@state.gov ; sur le plan fiscal, l'IRS a présenté le 6 septembre 2019 une procédure d'amnistie particulière, et compte tenu de seuils élevés, de nombreux binationaux décidant de renoncer à leur nationalité américaine peuvent échapper aux arriérés d'impôts américains. Le 15 octobre 2019, l'IRS a également étayé ses instructions existantes pour préciser les obligations des institutions financières en matière de collecte et de transmission du numéro d'identifiant fiscal (Tax identification number, TIN) auprès de leurs clients détenant la nationalité américaine. Elles ont été reprises et commentées dans la doctrine de l'administration fiscale française, et expressément rappelées à la Fédération bancaire française (FBF). Depuis ces précisions, l'administration française n'a pas eu connaissance - sinon de manière très limitée - de cas de clôtures forcées de comptes détenus par des "Américains accidentels" de la part de leurs établissements bancaires, même si des complications administratives peuvent subsister pour ces personnes. Le Gouvernement va poursuivre, en lien avec ses partenaires européens, un dialogue actif avec la nouvelle administration américaine afin d'obtenir des avancées complémentaires, aussi bien dans le sens d'une réciprocité accrue des échanges d'informations fiscales avec les États-Unis que d'une facilitation des démarches pour les « Américains accidentels ».

- page 2395

Page mise à jour le