Question de M. LAURENT Pierre (Paris - CRCE) publiée le 08/04/2021

M. Pierre Laurent attire l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur le fonctionnement des droits de tirage spéciaux (DTS).
Les DTS sont un instrument monétaire international créé par le fonds monétaire international (FMI) en 1969 pour compléter les réserves officielles existantes des pays membres. Leurs taux d'intérêt sont bas. Chaque pays membre se voit attribuer une quote-part de DTS en fonction de sa position relative dans l'économie mondiale. Le FMI fait appel à une formule de calcul des quotes-parts pour aider à déterminer la position relative d'un pays membre. La formule de calcul des quotes-parts est une moyenne pondérée en fonction du produit intérieur brut (PIB) (à 50 %), du degré d'ouverture de l'économie (à 30 %), des variations économiques (à 15 %) et des réserves officielles de change (à 5 %). Il est par ailleurs à noter que des banques centrales comme la Réserve fédérale des États-Unis (FED) et la Banque centrale européenne (BCE) et plus généralement celles des pays de l'organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), dans le contexte pandémique actuel, se donnent les moyens d'une création monétaire de milliers de milliards de dollars à des taux très faibles, voire négatifs. Les marchés prêtent à ces États, pour l'instant, dans des conditions similaires même si toute cette masse monétaire n'est pas suffisamment utilisée à bon escient, loin s'en faut. Par conséquent tous ces pays n'utilisent pas leurs quotas de DTS. Des centaines de milliards de DTS « dorment » ainsi dans les coffres du FMI et ne sont pas utilisés alors que les besoins humains dans les pays en développement, dont les pays africains, sont immenses et aujourd'hui asphyxiés par les taux d'intérêt élevés d'emprunts extérieurs.
Face à cette situation de plus en plus de voix se font entendre en faveur d'une forte augmentation de l'émission de DTS. Un ancien premier ministre britannique estimait le 16 décembre 2020 que de cette façon quelque 1200 milliards de dollars pourraient être libérés en deux tranches en 2021 et 2023 et que les montant dégagés d'une telle initiative pourraient atteindre les 2000 milliards dollars permettant ainsi de financer l'Afrique à travers les banques de développement régionale. D'autres acteurs, dont des économistes, partagent une analyse similaire. La dirigeante du FMI, quant à elle, a indiqué le 23 mars dernier que son institution envisage d'émettre 650 milliards de dollars de nouveaux DTS. De telles mesures peuvent être prises par le Conseil des Gouverneurs du FMI, dans lequel la France est influente. Celui-ci peut également approuver des augmentations de quotes-parts, des allocations de DTS et des amendements aux statuts ou à la réglementation générale. Il lui demande par conséquent ce qu'il compte faire en vue, pour le moins, d'une réaffectation des DTS non utilisés par les pays de l'OCDE au profit des pays du Sud. Il lui demande également ce que la France compte faire en vue de réviser le mode de calcul des quotes-parts de DTS, lequel désavantage les pays qui en ont le plus besoin et avantage ceux qui mettent en cause leurs services publics alors que plus que jamais ces derniers démontrent leur utilité notamment face à la crise sanitaire actuelle. Ces DTS supplémentaires en faveur des pays en développement ne devraient pas être utilisés comme un instrument pour augmenter leur dette extérieure voire pour garantir les rendements des détenteurs de titres de dette souveraine mais plutôt servir à renforcer leurs capacités productives au niveau national voire à l'échelle régionale ou continentale en vue de relever leurs défis sociaux et environnementaux.

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Transmise au Ministère de l'économie, des finances et de la relance


Réponse du Ministère de l'économie, des finances et de la relance publiée le 07/10/2021

La France soutient depuis le déclenchement de la crise liée à la Covid-19 une nouvelle allocation générale de droits de tirage spéciaux (DTS) afin d'aider les économies les plus vulnérables à faire face à leurs besoins de financement. Une DTS en vertu des statuts du Fonds monétaire international (FMI) doit répondre à un besoin de long terme d'augmentation du niveau mondial des réserves, et ne peut se dérouler qu'au prorata des quotes-parts de chacun des 190 États membres du FMI. Sous l'impulsion notamment de la France, un consensus a progressivement émergé au sein du G20 en faveur d'une telle allocation générale. Il s'est concrétisé par un accord politique en avril 2021 autour d'une allocation de 650 milliards de dollars, un montant historique en comparaison notamment de l'allocation générale de DTS d'environ 230 Md USD qui avait été décidée au cœur de la grande crise financière de 2008-2010. En se basant sur le calendrier prévisionnel défini par le FMI, une telle allocation pourrait être effective d'ici la fin de l'été 2021. En particulier, cette allocation bénéficiera à hauteur de plus de 33 Mds USD aux 54 pays africains, dont environ 24 Mds USD pour l'Afrique subsaharienne. Le bénéfice direct de l'allocation pour les pays à faible revenu est ainsi très significatif, rapide et sans coût pour les bailleurs traditionnels. En raison des règles d'allocation des DTS, les économies avancées recevront une part importante des DTS alloués (43 % environ du total pour le G7 notamment). Celles-ci n'ayant pas besoin à court-terme de ces DTS, la France et nombre de ses partenaires soutiennent l'idée de réallouer une partie de leurs DTS au bénéfice des pays en ayant le plus besoin : dans le cadre du sommet sur le financement des économies africaines que la France a organisé le 18 mai dernier à Paris, les participants issus du G7, du G20 et du continent africain sont convenus de travailler de concert à décupler le bénéfice de cette allocation pour l'Afrique. Les discussions se poursuivent à ce sujet au sein du G7 et du G20. Les modalités de ces réallocations sont également en cours de discussions. Contrairement à l'allocation, la réallocation de DTS peut avoir des implications légales et budgétaires pour les pays prêteurs, notamment liées à la propriété fiduciaire des droits de tirage par les banques centrales dans de nombreux pays. La France soutient plusieurs options de réallocation. D'abord, le fonds pour la réduction de la pauvreté et la croissance du FMI (PRGT) constitue certainement l'option de réallocation des DTS la plus facile à mettre en œuvre, mais selon des modalités qui restent à préciser. Le PRGT permet de fournir des financements concessionnels (à taux zéro aujourd'hui) aux pays les plus pauvres. La France, qui a doublé sa contribution au PRGT au début de la crise pour la porter à 4 milliards de DTS (environ 5 Mds EUR), soutient en parallèle une réforme ambitieuse de celui-ci, pour significativement augmenter le soutien à taux concessionnel du FMI aux économies les plus vulnérables. En sus et comme le suggère le parlementaire, la France soutient également l'exploration d'options de réallocation des DTS qui permettraient de financer des défis de long terme, comme la transition environnementale et climatique, l'accès à l'éducation et la résilience des systèmes de santé.

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