Question de M. LONGUET Gérard (Meuse - Les Républicains) publiée le 03/06/2021

Question posée en séance publique le 02/06/2021

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. Gérard Longuet. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Cher Jean Castex, vous avez commencé par annoncer, de manière surprenante, que vous vouliez supprimer les préfets et les sous-préfets…

M. Jean Castex, Premier ministre. Jamais !

M. Gérard Longuet. Puis, vous vous êtes ravisé en disant : « Pas du tout : c'est le statut que je veux supprimer. »

Il se trouve que vous êtes énarque : moi aussi ; que vous avez servi le Président Sarkozy : moi aussi (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.) ; que vous êtes membre de la Cour des comptes : pas moi. (Rires et exclamations sur les mêmes travées.) Je suis membre du corps préfectoral et je peux vous dire que votre initiative vient détruire l'un des piliers de la République sur le terrain. (Mme Sophie Primas acquiesce.)

M. Bruno Retailleau. Très bien !

M. Gérard Longuet. Pourquoi ?

Tout d'abord, le corps préfectoral exige une compétence interministérielle. Cela ne s'improvise pas ; cela demande de la durée. Or qui dit « durée » dit « carrière » et, donc, « statut ». (M. François Calvet opine.)

Ensuite, l'exercice des fonctions préfectorales suppose de l'autorité ; cette autorité se fonde, elle aussi, à l'épreuve des faits. Elle demande de la durée, une carrière et, donc, un statut.

Enfin, pour occuper de tels postes, il faut du sang-froid. Les expériences très récentes de mes collègues le montrent : gérer l'ordre public, ce n'est pas faire un grand oral de sortie de Sciences politiques !

Il faut donc de la durée ; il faut de la carrière ; il faut du statut.

En agissant avec désinvolture, vous semblez totalement mépriser cette réalité. Pourtant, vous en avez été bénéficiaire pendant la crise des gilets jaunes comme pendant la pandémie actuelle ; d'ailleurs, vous mobilisez à présent les préfets et les sous-préfets pour mettre en œuvre le plan de relance et vous êtes bien content de les trouver.

Ma question est d'une grande simplicité.

Parmi les préfets, on peut nommer n'importe qui – d'ailleurs, certains gouvernements ne s'en sont pas privés. (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.) Parmi les sous-préfets, il y a une minorité d'énarques et une immense majorité de magistrats, de cadres de préfecture, de policiers et de militaires : voilà un corps ouvert, voilà un élément de promotion, voilà un truc qui marche et votre seule idée c'est de le foutre en l'air ! (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et SER.)


Réponse du Premier ministre publiée le 03/06/2021

Réponse apportée en séance publique le 02/06/2021

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean Castex, Premier ministre. Monsieur le sénateur Gérard Longuet, je vous ai senti très sincère…

M. Gérard Longuet. C'est ma vie !

M. Jean Castex, Premier ministre. C'est la mienne aussi. (Murmures sur des travées du groupe Les Républicains.)

Avant tout, je n'ai jamais dit que je voulais supprimer les préfets et les sous-préfets. (Protestations sur les mêmes travées.)

Mme Dominique Estrosi Sassone. Si !

M. Jean Castex, Premier ministre. Jamais ! Je veux, au contraire, les renforcer et les conforter… (Exclamations ironiques sur des travées des groupes Les Républicains, SER et CRCE.)

M. Vincent Éblé. On y croirait presque !

M. Jean Castex, Premier ministre. Vous riez : vous considérez que cela passe forcément par un statut et par un corps.

M. Gérard Longuet. Eh oui !

M. Jean Castex, Premier ministre. Soyons précis : vous avez parlé des sous-préfets. La plupart d'entre eux – les deux tiers, pour être exact – préfigurent déjà, et depuis longtemps, la réforme que nous voulons faire : ce sont des administrateurs civils détachés dans le corps des sous-préfets.

Demain, tous seront des administrateurs de l'État, mieux formés et mieux payés…

M. Bruno Sido. Ah !

M. Jean Castex, Premier ministre. … compte tenu des responsabilités qu'ils vont exercer, affectés au métier de sous-préfet. Ces personnes auront donc toutes un statut et un corps : toutes !

Je l'ai déjà dit dans cet hémicycle et je le répète : peut-être la crainte d'une politisation est-elle le fruit d'une ambiguïté. Soyons très clairs : ce que nous voulons, c'est la fonctionnalisation, c'est-à-dire la gestion des ressources humaines (GRH) autour d'une filière et d'un métier. Je vais y revenir à propos de l'expérience accumulée, question majeure que vous avez relevée à fort juste titre.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la fonctionnalisation n'est en aucun cas la contractualisation, qui – vous le savez – existe dans 80 % des pays. Bien des États disposent d'une haute fonction publique, préfectorale ou non, entièrement constituée de contractuels – en bon français, cela s'appelle le spoil system – que l'on change régulièrement.

Mme Laurence Rossignol. Ah !

M. Jean Castex, Premier ministre. Ce n'est pas du tout notre modèle ; ce n'est pas du tout ce vers quoi nous allons !

Monsieur Longuet, je vous en supplie, prenez le temps de relire les travaux préparatoires à l'ordonnance de 1945, qui est l'œuvre de Michel Debré et du général de Gaulle : leur nom, ici ou ailleurs, n'a certainement rien d'infamant. Ils voulaient que le corps des administrateurs civils soit le plus interministériel possible et ce principe restera : les administrateurs de l'État iront dans des filières, par exemple la diplomatie ou l'administration préfectorale.

Cette assemblée réunit beaucoup d'élus locaux qui ont occupé des fonctions exécutives.

M. Bruno Sido. Oui !

M. Jean Castex, Premier ministre. Ils le savent très bien : cela s'appelle des cadres d'emplois – ce n'est pas nous qui l'avons inventé ! –, au sein desquels on procède par affectation.

Ces administrateurs conserveront un corps et disposeront d'un statut beaucoup plus interministériel. Cela ne pose aucun problème, d'autant que le corps préfectoral a déjà largement ouvert la voie ! Il est sans doute l'un des grands corps les plus interministériels et les plus « accueillants »,…

M. Gérard Longuet. Un peu trop…

M. Jean Castex, Premier ministre. … sans être pour autant le seul.

Si j'osais – je parle sous le contrôle de la ministre de la transformation et de la fonction publiques –, je vous dirais même : le but de la réforme, c'est d'étendre ce qui existe pour le corps préfectoral à l'ensemble de la haute fonction publique !

Il s'agit de raisonner, désormais, sur la base des métiers et des fonctions.

Aujourd'hui, dans la logique de corps, vous avancez à l'ancienneté. De préfet du Gers, vous passez préfet de l'Isère, puis de la Seine-Saint-Denis. C'est comme cela.

Or l'intérêt de l'État employeur serait de dire : « En ce moment, il y a de graves problèmes en Guyane : il est absolument nécessaire d'y affecter telle personne, qui a le grade de préfet de région, eu égard à la situation sanitaire et économique de ce territoire. » Mais la GRH actuelle ne le permet pas : on considérerait que l'intéressé rétrograde, car on adopte une approche statutaire.

Bien entendu nous allons conserver les préfets et les sous-préfets : la République a besoin d'eux. Mais nous allons améliorer leur gestion…

Mme Sophie Primas. Pas du tout convaincant !

M. Jean Castex, Premier ministre. Surtout – c'est la vraie question, je l'ai déjà dit ici –, nous allons renforcer leurs moyens d'action et leur autorité, car l'État s'est démembré sur le plan territorial. C'est ce que nous allons faire ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

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