Question de M. VALLINI André (Isère - SER) publiée le 15/07/2021

M. André Vallini attire l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères au sujet de la déclaration de la commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH), adoptée le 24 juin 2021, pour un engagement politique ambitieux à la hauteur des enjeux humanitaires concernant les armes explosives utilisées en zones peuplées.
Au vu de la mobilisation internationale pour l'adoption d'une déclaration politique visant à mettre fin à l'utilisation d'armes explosives en zones peuplées, la CNCDH a émis plusieurs recommandations aux autorités françaises. En effet, la France fait partie des États réticents à l'égard de cette déclaration politique, considérant que le respect du droit international humanitaire est suffisant et peut permettre un emploi légitime de ces armes.
Dans sa déclaration, la CNCDH exhorte la France de reconnaître sans équivoque les effets directs et indirects sur les populations touchées par l'utilisation de telles armes. Comme le réglemente le droit international humanitaire, la France se doit d'évaluer les dommages aux personnes et aux biens civils que peut causer l'usage de ces armes.
À ce stade du processus diplomatique, la déclaration politique reste en-deçà des attentes. Ladite commission demande ainsi au Gouvernement de prendre des engagements ambitieux face à l'urgence à agir et surtout de respecter ses engagements déjà pris antérieurement.
Il souhaite donc savoir comment le Gouvernement compte mettre en œuvre les recommandations de la CNCDH.

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Réponse du Ministère de l'Europe et des affaires étrangères publiée le 30/09/2021

La Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNDCH), qui exerce un rôle de conseil, de protection et de promotion des droits fondamentaux, a pour mission de veiller au respect par la France de ses engagements institutionnels et internationaux. La Commission assure, dans les limites de ses compétences, un rôle de conseil et de proposition dans le domaine du droit international humanitaire (DIH). A ce titre, par sa déclaration du 24 juin 2021, elle recommande à la France « de peser de tout son poids, d'une manière constructive, pour aboutir à l'adoption d'une déclaration permettant de renforcer la protection des civils en zones peuplées.  ». La France partage les graves préoccupations humanitaires exprimées par la CNCDH concernant les souffrances des civils dans les conflits armés. Ces souffrances sont fréquemment liées aux méthodes employées par certaines parties aux conflits en violation du DIH, dont l'emploi indiscriminé d'armes explosives dans des zones habitées. Ces graves préoccupations humanitaires trouvent ainsi leur origine non pas dans une défaillance du DIH, mais dans le non-respect de ce droit, souvent dans l'intention d'en tirer un avantage opérationnel. L'usage indiscriminé de ces armes par certaines parties aux conflits a des conséquences directes et indirectes majeures sur les populations civiles : il est de nature à provoquer des victimes civiles et la destruction de biens civils, notamment des infrastructures essentielles empêchant durablement le retour des populations déplacées et le rétablissement de conditions de vie normales. Comme souligné à juste titre par la Commission, le « DIH règlemente l'emploi d'armes explosives en zones peuplées par ses dispositions relatives à la conduite des hostilités ». Il est essentiel, en effet, de rappeler que l'emploi d'armes explosives de tout type, en particulier dans des zones où des civils sont présents en grand nombre, n'échappe pas aux règles fondamentales du DIH, lequel prohibe les attaques dirigées contre la population civile et les biens de caractère civil, ainsi que les attaques ciblant indistinctement la population et les biens civils et les objectifs militaires. Ces règles imposent en tout temps d'opérer une distinction entre civils et combattants et entre biens civils et objectifs militaires, de veiller constamment à épargner les civils en application du principe de précaution dans l'attaque, et d'observer un principe de proportionnalité dans la conduite des hostilités. Ces principes, s'ils étaient universellement respectés par toutes les parties aux conflits, États comme acteurs non-étatiques, limiteraient efficacement et durablement les pertes, les dommages incidents, directs et indirects, causés par les conflits armés en zone urbaine et permettraient, ainsi, de réduire les souffrances civiles. Afin de faire cesser les violations imputables aux acteurs qui s'affranchissent du respect du DIH, l'enjeu réside dans l'application pleine et entière de ce droit dont les principes conservent toute leur pertinence pour assurer la protection des civils en situation de conflit armé. La France est profondément attachée au DIH et place le respect et la promotion de ces principes au cœur de son action diplomatique. A ce titre, elle salue toute mobilisation de la communauté internationale visant à assurer le plein respect du DIH et à assurer la protection des civils lors de conflits armés. Elle participe activement au processus initié à l'automne 2019 en vue de l'adoption d'une déclaration politique visant à renforcer la protection des populations civiles lors de la conduite d'opérations en zones habitées. Dans le cadre de cette déclaration politique, la France appelle les États à réaffirmer leur soutien inconditionnel au DIH, à s'engager à l'appliquer de manière rigoureuse, et à respecter les obligations qui leur incombent, notamment celle de veiller constamment à épargner la population civile, les personnes civiles et les biens à caractère civil. Pour se faire, des procédures strictes en matière d'organisation de la chaîne de commandement, de règles d'engagement, de ciblage ou encore de formation de leurs forces armées doivent être mises en œuvre. La France appelle également les États à condamner les parties au conflit qui violent délibérément les obligations qui sont les leurs au regard du DIH et à en poursuivre les auteurs. Au-delà, la France souhaite que, dans le cadre de cette déclaration politique, les États reconnaissent et prennent en compte les défis inhérents à la conduite d'opérations militaires en milieu urbain. A cette fin, elle a formulé des propositions concrètes, ancrées notamment dans l'expérience opérationnelle de ses forces armées, strictement adaptées au milieu urbain et contribuant à un emploi maîtrisé de la force et à une protection plus efficace des populations civiles et de leur cadre de vie, dans le respect des obligations internationales. Il s'agit plus particulièrement de définir et d'adopter des concepts doctrinaux, des modes d'actions et des parcours de formation spécifiques et rigoureusement adaptés à la conduite d'opérations en zones habitées ; d'appliquer des règles strictes relatives à l'emploi d'armes et de munitions déclinant les principes du DIH et tenant compte de la présence de la population sur les lieux de l'action ainsi que de l'obligation de veiller constamment à épargner la population civile tout comme les biens civils, notamment les infrastructures essentielles. Ces mesures sont d'ores et déjà mises en œuvre par les forces armées françaises qui ont adapté leurs procédures et formations aux spécificités et contraintes posées par l'environnement urbain. La France appelle également les États à s'engager en faveur de la conduite d'actions visant à la protection, à la sécurité et à l'assistance aux populations. Enfin pour la France, cette déclaration doit ouvrir la voie à un renforcement de la coopération et de l'échange de savoir-faire techniques et tactiques entre les États et leurs forces armées. La mise en œuvre, la promotion et le partage des meilleures pratiques dans ces domaines contribueront à mieux traduire les principes du DIH dans la réalité des opérations militaires et à améliorer de façon concrète la protection des civils. Interrompues en 2020 en raison de la situation sanitaire internationale, les négociations de la déclaration politique ont repris récemment. La France a pris part aux dernières consultations organisées en mars dernier et souhaite que les négociations puissent se poursuivre dans le respect des règles du multilatéralisme. Elle entend donc, comme proposé par la CNCDH, continuer à y participer activement, conformément à l'engagement en faveur du DIH.

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