Question de M. ALLIZARD Pascal (Calvados - Les Républicains) publiée le 29/07/2021

M. Pascal Allizard attire l'attention de Mme la ministre des armées à propos du temps de travail des militaires.
Il rappelle que dans une récente décision, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) relève notamment que les activités exercées par les militaires liées à des services d'administration, d'entretien, de réparation, de santé, de maintien de l'ordre ou de poursuite des infractions ne sont pas exclues des exigences imposées par la directive 2003/88 sur l'aménagement du temps de travail.
Mais pour la CJUE, les activités opérationnelles ainsi que celles liées à la formation n'entrent pas dans le cadre de la directive.
En revanche, la France, attachée à la notion de service « en tout temps et en tout lieu », a toujours considéré que les forces armées n'entraient pas dans le champ d'application de cette directive.
D'ailleurs, dans un récent avis, le haut comité d'évaluation de la condition militaire avait souligné que « les règles fixant la durée de travail tant des salariés que des fonctionnaires ne sont pas applicables aux militaires ».
Par conséquent, compte tenu de la portée de cette décision qui remettrait en cause la pratique de la France et touche à sa souveraineté, il souhaite connaitre les suites que le Gouvernement entend donner à cette décision de la CJUE, tant au niveau national qu'européen.

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Réponse du Ministère des armées publiée le 16/12/2021

Plusieurs États membres de l'Union européenne, parmi lesquels la France, n'ont pas transposé aux forces armées la directive 2003/88/CE sur le temps de travail, considérant qu'elle ne s'applique pas aux militaires du fait des stipulations du droit primaire, qui n'attribuent pas de compétence à l'Union européenne en la matière, ainsi que des exclusions qu'elle prévoit. C'est la position que la France a rappelée avec constance aux côtés d'autres États membres, faisant valoir que la santé et la sécurité des militaires étaient garanties par des règles protectrices dans le cadre d'un statut qui ménage un équilibre entre droits et devoirs, adapté à la singularité de leur engagement. L'arrêt rendu par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) juge par principe la directive applicable aux militaires, même s'il ménage certaines exceptions. Or, la directive susmentionnée prévoit un décompte individualisé du temps de travail et un plafonnement de celui-ci à 48 heures hebdomadaires, alors que l'armée française doit, pour assurer la permanence de sa mission, organiser collectivement ses activités. Le niveau d'engagement des forces françaises est particulièrement élevé et repose sur un continuum formation-entraînement-déploiement. Le contexte stratégique et la violence croissante qu'affrontent les armées sur les théâtres extérieurs rappellent combien est important le maintien de forces disponibles en tout temps et en tout lieu, de même que la préservation de l'esprit militaire. La plus grande vigilance est donc apportée à garantir la disponibilité, la combativité, l'interopérabilité et la cohésion de nos armées. La distinction proposée par la CJUE pour décider de l'application de la directive entre activités de haute intensité, d'une part, et activités dites de service ordinaire, d'autre part, n'est pas adaptée au cas d'une armée qui, comme l'armée française, est entièrement professionnalisée. L'application partielle, ou à éclipse, de ce texte n'est pas compatible avec son mode d'organisation. La libre disposition de la force armée constitue par ailleurs un principe à valeur constitutionnelle, comme le rappelle les décisions du Conseil constitutionnel n° 2014-432 QPC du 28 novembre 2014 et n° 2014-450 QPC du 27 février 2015. Par ailleurs, l'unité de sort des militaires, qui se traduit par l'unicité et la singularité du statut, est au cœur de la cohésion et de l'efficacité de nos forces armées. Conformément aux orientations données par le Président de la République, le Gouvernement est déterminé à répondre à cet arrêt de la CJUE par le droit. Les autorités françaises ont entrepris à ce sujet des échanges techniques avec la Commission européenne. 

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