Question de M. PELLEVAT Cyril (Haute-Savoie - Les Républicains-R) publiée le 20/01/2022

M. Cyril Pellevat attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation Sur l'épidémie de brucellose en Haute-Savoie et sur la nécessité de procéder à l'abattage total des bouquetins du Bargy.

Un nouveau cas de brucellose, maladie dangereuse pour l'homme qui peut être contaminé par le biais de produits laitiers, a été détecté dans un élevage de vaches laitières dans le massif du Bargy en Haute-Savoie. Les scientifiques sont unanimes, la vache séropositive a été contaminée après avoir été en contact avec des bouquetins porteur de la maladie. Il est en effet connu que la prévalence de la maladie est élevée dans le troupeau de bouquetins qui se trouve sur le massif. Pour éviter tous risques pour l'homme, le troupeau de vaches a dû être entièrement abattu, ce qui entraîne des conséquences économiques désastreuses pour l'éleveur, mais aussi pour l'ensemble de la filière du fromage non pasteurisé, et notamment celle du reblochon.

Voilà maintenant neuf ans que ce malheureux feuilleton dure, et l'agence nationale de la sécurité sanitaire alimentaire nationale (ANSES) a été saisie à de nombreuses reprises pour essayer de déterminer la solution la plus adaptée. Dans chacun de ses avis, et même si elle a proposé des solutions alternatives, qui ont d'ailleurs toutes été essayées et qui ont toutes échoué à permettre une élimination de la séroprévalence dans le troupeau de bouquetins, l'abattage total du troupeau est toujours le scénario qui présente la plus haute probabilité d'une extinction de l'épidémie. Malgré cela, c'est à nouveau la voie de la constitution d'un noyau sain qui a été retenue, malgré les nombreux échecs de cette méthode.

Il peut être avancé que la solution d'un abattage total présente un risque pour la conservation de l'espèce, mais l'ANSES elle-même relève que, d'après le groupe national bouquetins, la France compterait une quarantaine de populations de bouquetins pour environ 10 000 individus. Ainsi, l'abattage des bouquetins du massif du Bargy ne remet pas en cause la conservation de l'espèce.
Il est aussi possible d'arguer que cette solution présente un risque de fuite des bouquetins vers d'autres massifs. Pourtant, dans ce même avis, l'ANSES indiquait que l'office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) affirme qu'il est possible d'empêcher les fuites d'animaux par les couloirs identifiés en y mettant les moyens appropriés et que les experts considèrent que le risque de fuite serait en conséquence très faible si les moyens mis en œuvre étaient effectivement importants. Il s'étonne d'ailleurs que ce point n'ait pas été repris dans le dernier avis de novembre 2021.

Enfin, le dernier argument qui pourrait être opposé à cette solution est que le scénario de l'abattage total risque d'empêcher la surveillance de la maladie, car seul un petit nombre de bouquetins réussira à y échapper. Cependant, même si elle sera effectivement plus difficile, rien n'empêchera la surveillance si des bouquetins sont de nouveau repérés sur le massif.

Cette question n'a jamais été politique, elle est scientifique. Il lui demande donc s'il compte se mettre du côté de la science, ou s'il va laisser des associations dicter des solutions dont l'inefficacité a été prouvée.

Il est temps de mettre fin à la prise de risque des agents de l'office français de la biodiversité (OFB), de mettre fin à l'anxiété et la souffrance des éleveurs, de mettre fin à l'inéquité de traitement entre les troupeaux de vaches et ceux de bouquetins. Il est temps d'arrêter de jeter des millions d'euros par la fenêtre, d'arrêter les demi-mesures et tergiversations. Il est temps de prendre des décisions qui soient enfin à la hauteur des enjeux sanitaires et économiques.

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Transmise au Ministère de la transition écologique


Réponse du Secrétariat d'État auprès de la ministre de la transition écologique, chargé de la biodiversité publiée le 26/01/2022

Réponse apportée en séance publique le 25/01/2022

M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat, auteur de la question n° 2088, transmise à Mme la ministre de la transition écologique.

M. Cyril Pellevat. Ma question porte sur l'épidémie de brucellose en Haute-Savoie et sur la nécessité de trouver une réelle solution, viable et pérenne, à ce problème.

Un nouveau cas de brucellose – une maladie dangereuse pour l'homme, qui peut être contaminé par le biais de produits laitiers – a été détecté dans un élevage de vaches laitières du massif du Bargy, en Haute-Savoie.

Les scientifiques sont unanimes, la vache séropositive a été contaminée après avoir été en contact avec des bouquetins porteurs de la maladie. Il est en effet connu que la prévalence de la maladie est élevée dans le troupeau de bouquetins se trouvant sur le massif.

Pour éviter tous risques pour l'homme, le troupeau de vaches a dû être entièrement abattu, ce qui entraîne des conséquences économiques désastreuses pour l'éleveur, mais aussi pour l'ensemble de la filière du fromage non pasteurisé, notamment celle du reblochon.

Voilà maintenant neuf ans que ce malheureux feuilleton dure.

L'Anses a été saisie à de nombreuses reprises pour essayer de déterminer la solution la plus adaptée. Dans chacun de ses avis, et même si elle a proposé des solutions alternatives, qui ont d'ailleurs toutes été essayées et qui ont toutes échoué à permettre une élimination de la séroprévalence dans le troupeau de bouquetins, l'abattage total du troupeau est toujours le scénario à l'issue duquel la probabilité d'une extinction de l'épidémie est la plus haute.

Malgré cela, et en dépit des nombreux échecs de cette méthode et de nos réticences, c'est à nouveau la voie de la constitution d'un noyau sain qui a été retenue.

Vous me direz, madame la secrétaire d'État, que la solution d'un abattage total du troupeau de bouquetins présente un risque pour la conservation de l'espèce.

L'Anses, elle-même, relève que, d'après le Groupe national bouquetin, la France compterait une quarantaine de populations de bouquetins, pour environ 10 000 individus. Ainsi, l'abattage des bouquetins du massif du Bargy ne remet pas en cause la conservation de l'espèce, surtout si l'on envisage une réintroduction ultérieure.

Vous pourriez aussi dire que cette solution présente un risque de fuite des bouquetins vers d'autres massifs.

Pourtant, toujours dans le même avis, l'Anses indiquait que l'Office national de la chasse et de la faune sauvage, l'ONCFS, jugeait possible d'empêcher les fuites d'animaux par les couloirs identifiés, en y mettant les moyens appropriés. D'après cet avis, les experts considèrent le risque de fuite comme très faible si des moyens importants sont mis en œuvre. Je m'étonne, d'ailleurs, que ce point n'ait pas été repris dans le dernier avis de novembre 2021.

Enfin, le dernier argument qui pourrait être opposé à cette solution est que le scénario de l'abattage total risque d'empêcher la surveillance de la maladie, car seul un petit nombre de bouquetins réussira à y échapper. Toutefois, même si l'exercice sera moins aisé, rien n'empêchera la surveillance si des bouquetins sont de nouveau repérés sur le massif.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Cyril Pellevat. Va-t-on enfin pouvoir trouver une solution, madame la secrétaire d'État ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. La contamination par la brucellose d'un élevage en Haute-Savoie, confirmée au début du mois de novembre, a conduit à l'abattage total d'un troupeau. Les services déconcentrés de l'État se sont pleinement mobilisés dans cette opération, et je les en remercie, pour indemniser les pertes économiques, mais surtout apporter une aide psychologique et soutenir la filière du reblochon, qui est impactée.

La souche brucellique identifiée est bien la même que celle qui circule parmi la population de bouquetins du massif du Bargy.

Le foyer est surveillé depuis une dizaine d'années, et des avis scientifiques ont conduit à prendre des mesures de captures et de tirs des bouquetins. Par ces actions, la séroprévalence au sein de cette population a été divisée par dix en une décennie, passant de 40 % en 2012 à 4 % en 2021. Les bouquetins capturés sont testés, puis marqués et relâchés en cas de test favorable. Ils sont évidemment abattus, en cas de test défavorable.

L'Anses, saisie à deux reprises, a examiné neuf scénarios de gestion, couplant tirs et/ou captures sur plusieurs années, dans le but de parvenir à une extinction naturelle de la maladie, tout en conservant un noyau d'animaux sains, le bouquetin étant une espèce protégée.

Avec l'éclairage des avis les plus récents de l'agence, des mesures vont être mises en œuvre pour obtenir, à l'horizon de 2022, un noyau sain de bouquetins marqués, maintenir une surveillance et renforcer ce noyau sain dans les années suivantes, avec de larges opérations de captures et de tests.

L'obtention de ce noyau sain nécessite des opérations importantes de captures et de tirs, car la population de bouquetins demeure encore largement non marquée. Par ailleurs, la surveillance de cette population rejoint celle d'autres animaux de la faune sauvage, comme les chamois et les cervidés, qui sera également renforcée.

L'abattage total des bouquetins que vous préconisez, monsieur le sénateur Pellevat, a été modélisé par l'Anses.

Il présente, comme vous le soulignez, un risque de déplacements d'individus possiblement infectés vers d'autres massifs.

La mise en œuvre opérationnelle de cette solution n'est, de plus, pas très réaliste, puisque l'on sait les difficultés à atteindre l'ensemble d'une telle population, avec des effets collatéraux qui pourraient compromettre, à moyen terme, les chances d'éradiquer la brucellose, notamment par une baisse de la qualité de la surveillance.

Enfin, la solidité juridique de cette solution est mince en cas de recours contentieux.

Or il y va de notre crédibilité à tous ; les opérations de ce genre doivent être réalistes et juridiquement solides.

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