Question de M. COZIC Thierry (Sarthe - SER) publiée le 20/01/2022

Question posée en séance publique le 19/01/2022

M. le président. La parole est à M. Thierry Cozic, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Thierry Cozic. Monsieur le ministre de l'économie, alors que les prix de l'énergie font l'objet d'une hausse très significative, vous avez choisi, en pleine campagne présidentielle, et au nom de la défense du pouvoir d'achat, de faire – disons-le franchement – les poches d'EDF !

Tout le monde l'aura compris : la seule réponse que vous êtes en mesure d'apporter face à la flambée des prix de l'énergie relève au mieux de l'improvisation, au pire du cynisme électoral. Vous faites peser sur EDF l'entière responsabilité de la soutenabilité financière des mesures gouvernementales de campagne.

Après avoir tardivement compris que votre chèque énergie de 100 euros n'aurait que peu d'effets face à la hausse des prix, vous vous êtes aventurés dans d'autres dispositifs.

Votre décision pourrait coûter 8 milliards d'euros à EDF, alors que l'urgence est de financer le renouvellement et l'entretien du parc productif.

Force est de constater que le marché de l'énergie en France est devenu le royaume de la financiarisation : le parc de production d'électricité n'a jamais été réellement agrandi et la production d'énergies renouvelables stagne toujours.

Sur les quarante fournisseurs actuels, plus de trente-cinq sont des fournisseurs virtuels, qui ne produisent pas un kilowatt et spéculent à partir des approvisionnements garantis par EDF, le tout en empochant la différence, et que l'on retrouve domiciliés dans des paradis fiscaux.

Monsieur le ministre, quand allez-vous mettre en œuvre les mesures nécessaires afin d'arrêter de subventionner une concurrence factice, qui se développe au mépris de l'intérêt général et qui ne contribue qu'à l'enrichissement privé ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe CRCE. – M. Guy Benarroche applaudit également.)


Réponse du Ministère de l'économie, des finances et de la relance publiée le 20/01/2022

Réponse apportée en séance publique le 19/01/2022

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance.

M. Marc-Philippe Daubresse. Il n'est pas venu pour rien ! (Sourires.)

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la relance. Monsieur le sénateur, vous me demandez quand le Premier ministre, le Président de la République et moi-même allons prendre les mesures nécessaires pour faire cesser cette situation. La réponse est simple : maintenant !

Gouverner c'est choisir. (M. Michel Savin s'exclame.) Notre choix, nous l'avons déjà fait : protéger les Français contre l'augmentation massive des prix de l'électricité et protéger nos entreprises contre une augmentation insupportable de leurs coûts de production. (M. Jean-François Husson proteste.)

Contrairement à ce que vous dites, monsieur le sénateur, le premier à avoir dû payer, ce n'est pas EDF, c'est l'État,…

M. Jean-François Husson. Les contribuables !

M. Bruno Le Maire, ministre. … puisque celui-ci a dû renoncer à 8 milliards d'euros de produit de la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité pour aider les consommateurs à supporter la hausse des prix de l'électricité. Ce n'est que par la suite que nous avons effectivement décidé de mettre EDF à contribution.

M. Fabien Gay. Et TotalEnergies dans tout ça ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Je rappelle que, quand les prix sont très bas et les revenus insuffisants, EDF peut compter sur le soutien de l'État.

Mme Sophie Primas. C'est normal : l'État est actionnaire !

M. Bruno Le Maire, ministre. L'entreprise a d'ailleurs pu compter sur ce soutien, puisque, depuis 2015, l'État lui a versé 10 milliards d'euros d'aides en finançant une partie de sa capitalisation et en renonçant à ses dividendes.

M. Fabien Gay. C'est le rôle de l'État actionnaire !

M. Bruno Le Maire, ministre. Il me paraît juste et normal qu'une entreprise publique comme EDF vienne en soutien des Français, des ménages et des entreprises, quand les prix de l'électricité flambent. C'est là ma conception des services publics et d'une grande entreprise publique comme EDF ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Nous avons donc décidé d'augmenter le volume de l'électricité vendue à prix réduit. Cette décision sera intégralement répercutée sur le consommateur final ; du reste, les fournisseurs ne s'en mettront pas plein les poches, puisque nous avons demandé à la Commission de régulation de l'énergie de faire la transparence totale, d'ici au mois de juin, sur les incidences de cette baisse des prix de l'électricité sur les entreprises, en particulier les grandes entreprises industrielles, qui avaient besoin de ce soutien.

Ce qui vous surprend en fait, monsieur le sénateur, c'est que, pour une fois, vous avez affaire à des responsables politiques qui tiennent leurs promesses ! (Rires ironiques sur les travées des groupes SER et CRCE. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Le Premier ministre avait promis que les tarifs de l'électricité n'augmenteraient pas de plus de 4 % pour les consommateurs français. Promesse tenue ! Ce sera le cas et cela nous change de la politique du passé ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe UC. – Protestations sur diverses autres travées.)

M. Jean-François Husson. Bruno, c'est trop !

M. le président. La parole est à M. Thierry Cozic, pour la réplique.

M. Thierry Cozic. Monsieur le ministre, votre réponse ne me convainc pas.

Je vous parle des problèmes systémiques et structurants d'EDF, et vous n'apportez qu'une réponse conjoncturelle.

Le marché de l'énergie est devenu en France un gigantesque far west financier, qui ne sert que ses intérêts ! Où est l'intérêt public dans tout cela ? Cette spéculation est une lame de fond, qui grève le pouvoir d'achat de nos concitoyens et place EDF dans une situation intenable pour les années à venir.

Avec cette opération, vous détruisez notre fleuron industriel. Comme le dit l'adage, quand on veut tuer son chien, on l'accuse de la rage. Avec cette mesure, monsieur le ministre, vous venez d'« enrager » EDF, et c'est bien regrettable ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe CRCE. – Mme Frédérique Puissat applaudit également.)

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