Question de Mme LIENEMANN Marie-Noëlle (Paris - CRCE-R) publiée le 20/01/2022

Mme Marie-Noëlle Lienemann attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance sur les inquiétudes grandissantes quant au financement de la recherche spatiale. En 2020, la tutelle du secteur spatial français est passée du ministère de la recherche au ministère de l'économie, pour la première fois depuis 60 ans. Pour le centre national d'études spatiales (CNES), ce transfert constitue un changement sans précédent. Chargé de la mise en œuvre des programmes spatiaux publics, contributeur essentiel du développement des lanceurs (Ariane) et de l'innovation, le CNES a toujours été un acteur-clé de la recherche scientifique à l'échelle nationale, européenne et internationale. Il s'appuie sur un vaste réseau de laboratoires universitaires – avec le CNRS et le CEA – et d'entreprises industrielles. Cet écosystème est « l'une des grandes originalités du CNES » et « l'une de ses forces principales », selon les mots mêmes du Premier ministre.
Or le ministre de l'économie, le 6 décembre 2021, a livré un discours précisant sa vision de la stratégie spatiale française, semblant opposer recherche scientifique spatiale et nouvelles applications commerciales : la priorité du programme spatial français devrait être désormais l'« aventure industrielle » et de rejoindre le « monde de la compétitivité et du financement ».
On ne peut que souhaiter que notre économie tire profit du savoir-faire français dans le spatial. Mais ce projet ne pourra réussir dans la durée si l'État se détourne de la recherche spatiale sous prétexte de favoriser l'innovation industrielle.
Au-delà des connaissances et des services qu'elle apporte, la recherche a toujours été le principal moteur de l'innovation dans l'espace. De nombreuses start-up se créent sur des développements issus de la recherche. Les sciences de l'espace doivent continuer à jouer ce rôle pour que l'écosystème spatial français continue de se développer.
L'évolution du secteur spatial français ne doit donc pas se faire aux dépens de la recherche scientifique. Or, dès 2021, les ressources allouées aux missions scientifiques du CNES annoncées sont telles que tous les projets qui devaient commencer dans les 4 prochaines années pourraient être annulés.
Ce serait un retrait déshonorant de la France des collaborations internationales dans lesquelles elle vient de s'engager. Il est à craindre une perte de confiance de nos partenaires étrangers comme de la communauté scientifique française, suivie d'une perte des compétences dans les laboratoires. Cet assèchement de notre tissu scientifique affectera la formation des jeunes et la coopération européenne. Ce serait une erreur stratégique grave.
Pourquoi, à l'inverse, ne pas mobiliser la communauté scientifique dans le renouveau de l'aventure spatiale ? Les projets de recherche peuvent impliquer des entreprises de toute taille. On pourrait ainsi concevoir qu'une partie volet spatial du plan France 2030 – 1,5 milliard d'euros sur les 30 milliards engagés – soit ouverte à des projets de recherche scientifique, comme le demande une soixantaine de grands noms de la recherche française, et ne soit pas réservée aux seuls développements industriels commerciaux. Des partenariats laboratoires-CNES-entreprises trouveraient là des applications utiles et inspirantes.
Elle lui demande donc ce que le Gouvernement entend mettre en œuvre pour garantir les financements de la recherche spatiale, tout en dégageant de nouveaux fonds pour soutenir le développement des applications industrielles. Elle lui demande de bien vouloir lui indiquer si le ministère de l'économie compte bien respecter la parole du Premier ministre qui a tenu à réaffirmer la spécificité du CNES lors de son 60ème anniversaire.

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Transmise au Ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique


Réponse du Ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique publiée le 02/06/2022

Les grandes puissances de notre monde se lancent de nouveau dans l'exploration et dans le développement de nouveaux usages de l'espace. Et ces grandes puissances ne sont plus seules. Financés par des fonds publics et privés, de nouveaux géants les ont rejoints dans cette course, pour installer une concurrence nouvelle au niveau mondial : SpaceX, Blue Origin, OneWeb et d'autres. Ces nouveaux acteurs sont en train de transformer, en profondeur, l'accès à l'espace et la valorisation de services et d'applications qui en sont issus, par l'usage de technologies de rupture et de méthodes inspirées du numérique. Face à cette concurrence nouvelle, la France et l'Europe doivent réagir, en renforçant la compétitivité et l'innovation de leur filière spatiale. Pionnière parmi les puissances spatiales du monde, la France dispose de capacités de recherche et d'innovation de premier rang, et d'une industrie spatiale présente sur toute la chaîne de valeur. Notre pays a toujours su faire preuve d'innovation, pour s'adapter aux enjeux spatiaux de son époque. Le Centre national d'études spatiales (CNES), qui célèbre soixante ans d'excellence scientifique et opérationnelle, contribue depuis toujours au rayonnement de notre politique spatiale et au développement de notre industrie. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a renforcé son rôle et lui a attribué plus de moyens financiers pour les années à venir. La révolution spatiale se fera grâce au CNES et grâce à la recherche française sur tous les domaines du spatial. Elle se fera aussi grâce à nos fleurons industriels – Arianegroup, Airbus, Thalès - qui sont des gisements incroyablement précieux d'innovations et d'activité. L'industrie spatiale française a généré 3,4 Mds€ de ventes finales en 2020, dont la moitié sur les marchés commerciaux et export, et permis de créer 17 700 emplois directs de haut niveau sur toute la chaîne de valeur. Il réalise près de 45 % des ventes de l'industrie spatiale européenne. Enfin, et c'est peut être une nouveauté, la révolution spatiale se fera davantage grâce aux start-ups et aux petites et moyennes entreprises (PME) du nouvel espace : il y a, en France, des pépites qui ont la capacité de devenir des leaders européens et mondiaux, notamment dans les services innovants ou pour la gestion des données spatiales. Ainsi, bien qu'une dimension industrielle plus forte s'avère indispensable dans un contexte de concurrence exacerbée, l'évolution du secteur spatial français ne se fera pas aux dépens de la recherche scientifique, indispensable pour les industriels du secteur. Le programme « Recherche spatiale » relevant du Programme 193 a pour finalité d'assurer à la France et à l'Europe la maîtrise des technologies et des systèmes spatiaux nécessaires pour faire face aux défis de recherche scientifique, de sécurité, de développement économique, d'aménagement du territoire ou encore d'environnement qui se posent ou qui sont susceptibles de se poser à elles. A l'été 2020, ce programme a été transféré au ministère de l'économie, des finances et de la relance tout en restant inscrit dans la Loi de « Programmation de la Recherche » garantissant ainsi une trajectoire ambitieuse au secteur spatial français : le cadre budgétaire du programme 193 atteindra ainsi 2,063 Md€ pour l'année 2030, soit une hausse en cumulé de 1,5 Md€ sur la période 2021-2030.

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