Question de Mme NOËL Sylviane (Haute-Savoie - Les Républicains) publiée le 03/02/2022

Mme Sylviane Noël attire l'attention de M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes, s'agissant de la législation en vigueur applicable à la rétrocession des indemnités de chômage des frontaliers.

Aujourd'hui, le principe est le suivant : pendant leur activité professionnelle, les frontaliers cotisent auprès du régime d'assurance chômage en Suisse. En cas de chômage total, ils sont indemnisés par leur pays de résidence, soit la France.
Pourtant, il n'en a pas toujours été ainsi puisqu'avant 2009, la convention franco-suisse sur l'assurance chômage de 1978 prévoyait la rétrocession, à l'union nationale pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (UNEDIC), de 90 % des cotisations chômage prélevées sur le salaire des frontaliers.

En 2007, le montant des rétrocessions versées par la Suisse à la France s'élevait alors à 119 millions d'euros mais cette convention a pris fin en mai 2009 et depuis, s'applique le principe communautaire prévoyant l'indemnisation des frontaliers par l'État de résidence mais sans contrepartie financière, à moins que les États, en bilatéral, en décident autrement.

Tout au plus, le règlement n° 883/2004 qui a fait suite au n° 1408/71 rappelle que les indemnités chômage versées par la France restent à sa charge mais que la Suisse rembourse les trois premiers mois de prestations.
Un système qui est peu avantageux pour la France concernant les 188 650 frontaliers travaillant en Suisse qui bénéficient à la fois de salaires plus élevés et d'un marché du travail très peu touché par le chômage.

Plus que jamais, cette situation fait débat des deux côtés de la frontière puisque le frontalier au chômage total est indemnisé par son pays de résidence et non pas par son pays d'emploi.

Cette règle communautaire coûte très cher à la France, qui perd ainsi les cotisations chômage des frontaliers qui viennent accroitre encore le régime déjà déficitaire de l'UNEDIC. À cela s'ajoute le fait que la France doit financer des indemnités 1,5 à 3 fois plus élevées que la moyenne française puisque calculées sur les salaires perçus en Suisse.

Je déplore donc que notre pays subisse depuis des années cette « double peine » en finançant d'une part la formation de jeunes qui, une fois diplômés, sont aspirés par l'attractivité des salaires suisses et d'autre part en prenant en charge le chômage de ces licenciés dès que la situation économique est un peu moins favorable. Cette situation ne peut pas perdurer indéfiniment.

Elle souhaiterait donc savoir si le Gouvernement est prêt à remédier à ce système qui n'est pas équitable pour notre pays en ré-ouvrant rapidement les négociations avec la Suisse pour conclure un nouvel accord bilatéral, soit de rétrocession des cotisations des frontaliers auprès de leur État de résidence, soit de remboursement de la totalité des périodes d'indemnisation reçues au titre de la législation française.

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Réponse du Ministère auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance - Industrie publiée le 16/02/2022

Réponse apportée en séance publique le 15/02/2022

M. le président. La parole est à Mme Sylviane Noël, auteure de la question n° 2125, adressée à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes.

Mme Sylviane Noël. Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur la législation en vigueur applicable à la rétrocession des indemnités de chômage des frontaliers.

Actuellement, les frontaliers cotisent auprès du régime d'assurance chômage en Suisse. En cas de chômage total, ils sont indemnisés par leur pays de résidence, à savoir la France.

Toutefois, il n'en a pas toujours été ainsi. Avant 2009, la convention franco-suisse sur l'assurance chômage de 1978 prévoyait la rétrocession à l'Unédic de 90 % des cotisations chômage prélevées sur le salaire des frontaliers. En 2007, le montant des rétrocessions versées par la Suisse à la France s'élevait à 119 millions d'euros.

Cette convention a pris fin en mai 2009. Depuis, le principe communautaire prévoyant l'indemnisation des frontaliers par l'État de résidence s'applique, mais sans contrepartie financière, à moins que les États n'en décident autrement de manière bilatérale.

Ainsi, le règlement n° 883/2004 du 29 avril 2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale rappelle que les indemnités chômage versées par la France restent à sa charge, mais que la Suisse rembourse les trois premiers mois de prestation.

C'est un système peu avantageux pour la France au regard des 188 650 frontaliers qui travaillent en Suisse et bénéficient, de ce fait, à la fois de salaires plus élevés et d'un marché du travail très peu touché par le chômage.

Cette règle communautaire coûte très cher à notre pays. Nous perdons ainsi les cotisations chômage des frontaliers, qui viennent accroître encore le régime déjà déficitaire de l'Unédic. S'y ajoute le fait que la France doit financer des indemnités 1,5 à 3 fois plus élevées que la moyenne française, puisque calculées sur les salaires perçus en Suisse.

Je déplore que notre pays subisse depuis tant d'années cette double peine : d'une part, en finançant la formation de jeunes qui, une fois diplômés, ne peuvent résister à l'attrait des salaires suisses et, d'autre part, en prenant en charge le chômage de ces licenciés dès que la situation économique est un peu moins favorable. Cette situation ne peut perdurer indéfiniment.

Je souhaiterais donc savoir si le Gouvernement est prêt à remédier à ce système inéquitable pour notre pays, en rouvrant rapidement les négociations avec la Suisse pour conclure un nouvel accord bilatéral soit de rétrocession des cotisations des frontaliers auprès de leur État de résidence, soit de remboursement de la totalité des périodes d'indemnisation.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargée de l'industrie. Madame la sénatrice Sylviane Noël, en application de la réglementation européenne, la charge de l'indemnisation des travailleurs frontaliers résidant en France et travaillant en Suisse revient à l'État de résidence.

Ainsi, comme vous l'avez parfaitement souligné, le régime d'assurance chômage français supporte la charge de l'indemnisation des travailleurs frontaliers privés de travail, au titre de périodes d'emploi ayant donné lieu à des contributions perçues par la Suisse.

Les modalités de remboursement partiel de ces prestations sont définies dans le règlement européen n° 883/2004, auquel la Suisse a adhéré en avril 2012. Elle rembourse donc à la France trois ou cinq mois d'indemnisation des allocataires, en fonction de leur durée d'affiliation antérieure.

Le nombre de travailleurs frontaliers suisses s'étant fortement accru au cours des vingt dernières années, l'indemnisation chômage de ces derniers pèse effectivement sur le régime d'assurance chômage français.

En 2020, la France a ainsi versé 810 millions d'euros de prestations chômage à des travailleurs frontaliers résidant en France et ayant précédemment travaillé en Suisse. La Suisse ayant remboursé 143 millions d'euros de prestations, le surcoût s'élève à 667 millions d'euros.

Depuis 2016, notre pays soutient les tentatives de révision du règlement européen engagées par la Commission européenne dans la perspective d'attribuer la compétence de l'indemnisation à l'État d'emploi, et non à l'État de résidence, dans un esprit de conformité au principe général lex loci laboris, selon lequel l'application de la réglementation du pays d'emploi doit être la règle.

Ces tentatives de révision ont fait l'objet, au cours des dernières années, de négociations longues et complexes, qui n'ont pas encore abouti.

Dès lors que de nouvelles règles seront adoptées au niveau européen, elles s'appliqueront à la Suisse après modification de l'accord bilatéral conclu entre l'Union européenne et ce pays.

En résumé, madame la sénatrice, nous continuons à travailler sur le dossier, mais nous ne sommes pas encore parvenus à une solution totalement aboutie.

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