Question de M. LAURENT Daniel (Charente-Maritime - Les Républicains) publiée le 07/07/2022

M. Daniel Laurent attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur les vives préoccupations des éleveurs de bovins français à l'annonce de la conclusion d'un accord de libre-échange entre l'Union européenne et la Nouvelle-Zélande, qui viendrait mettre à mal les efforts de la filière pour produire une viande de qualité et dans un souci de protection environnementale. Alors que la France avait fait de la réciprocité des normes de production agricole dans la politique commerciale européenne l'une des priorités de la présidence de l'Union européenne, afin de mettre en cohérence les politiques agricoles, environnementales et commerciales et donner de la visibilité pour les futures générations d'éleveurs, l'ouverture du marché européen à des viandes produites à des milliers de kilomètres sans conditionner leur importation au respect des « clauses miroir » est incompréhensible. En effet, la production de viande bovine en Nouvelle-Zélande est moins encadrée, avec l'utilisation de substances interdites en Europe comme l'atrazine, ou concernant les normes de transport. Cette décision si elle devait être entérinée irait à l'encontre des enjeux de souveraineté alimentaire et de durabilité. En conséquence, il lui demande quelles sont les actions que le Gouvernement compte mettre en œuvre pour s'opposer à la ratification de cet accord.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire publiée le 29/09/2022

L'ouverture de marchés dans les pays tiers offre des débouchés supplémentaires aux filières et constitue un relais de croissance important. Le Gouvernement est donc favorable aux accords de libre-échange et au commerce, pour autant que les accords signés soient équilibrés et respectent les filières sensibles. Tout produit importé dans l'Union européenne (UE) doit être sûr, ne représenter aucun danger pour la santé des consommateurs et être conforme à la législation sanitaire et phytosanitaire (SPS) de l'UE. Cependant, pour répondre aux interrogations légitimes des agriculteurs et de la société civile, le Gouvernement est attaché à obtenir une meilleure application des normes liées aux procédés et aux modes de production afin de renforcer la protection de la santé ou de l'environnement à la plus grande échelle possible, dans le respect des règles de l'organisation mondiale du commerce (OMC). Le Gouvernement a ainsi fait de la thématique de la réciprocité des normes une priorité de la présidence française du Conseil de l'UE au premier semestre 2022. Un échange de vues a été organisé dans ce cadre en février 2022 au conseil agriculture et pêche, sur la nécessité de renforcer la cohérence entre le pacte vert, la politique agricole commune et la politique commerciale pour soutenir la transition vers des systèmes alimentaires durables. La publication, le 3 juin 2022, d'un rapport de la Commission européenne sur l'application des normes sanitaires et environnementales de l'UE aux produits agricoles et agroalimentaires importés représente une avancée notable car il confirme la possibilité d'agir aux niveaux multilatéral et bilatéral mais également au niveau unilatéral, sous certaines conditions, via l'adoption de mesures miroirs visant à appliquer les normes de production européennes aux produits importés. Le Gouvernement veillera à ce que les travaux de la Commission, du Conseil et du Parlement européen se poursuivent, notamment afin de mettre en place à chaque fois que cela est nécessaire et pertinent des mesures miroirs dans la législation sectorielle de l'UE. Ces mesures doivent notamment être légitimes, nécessaires, proportionnées et non discriminatoires pour être conformes aux règles de l'OMC. Elles s'appliquent à tous les flux commerciaux, y compris à ceux qui s'inscrivent dans le cadre d'un accord de commerce. L'accord avec la Nouvelle-Zélande présente une avancée inédite en matière de cohérence des politiques européennes en conditionnant l'accès au contingent bilatéral de viande bovine au respect de standards de durabilité, qui exclut les bovins élevés en parcs d'engraissement (feedlots). Cela n'aurait pas été possible sans la mobilisation constante du Gouvernement pour l'introduction de conditionnalités tarifaires relatives à des modes de production durables dans les accords commerciaux. En outre, l'accord protège les filières sensibles, en particulier bovine, ovine, laitière, contre des ouvertures trop importantes en prévoyant des contingents aux volumes limités, qui sont ouverts progressivement avec maintien des droits de douane pour la majorité d'entre eux. Par ailleurs, la Nouvelle-Zélande est un partenaire qui partage les ambitions européennes en matière de développement durable, permettant à l'accord d'être le plus ambitieux jamais négocié sur ce point : il intègre l'accord de Paris comme clause essentielle et comporte un chapitre nouveau sur les systèmes alimentaires durables permettant de coopérer davantage notamment en matière de réduction des pertes et gaspillages, de fertilisation ou de produits phytosanitaires. La Nouvelle-Zélande est consciente des enjeux de déforestation. Plus de 60 % de la forêt naturelle du pays est protégée et n'admet aucune exploitation. Les produits forestiers néozélandais proviennent essentiellement de forêts de plantation. Le futur règlement européen sur la lutte contre la déforestation s'appliquera à la Nouvelle-Zélande et devrait interdire bientôt la mise sur le marché européen de tourteaux de palmiste issus de la déforestation ou les importations indirectes de tourteaux de palmistes via celles de produits animaux couverts par le règlement, comme la viande de bœuf. Pour l'instant, les produits laitiers ne sont pas intégrés dans le règlement, mais le périmètre de ce dernier pourra être révisé deux ans après son entrée en vigueur, si cela est jugé nécessaire. Enfin, cet accord, comme tous les accords de commerce de l'UE, ne remet pas en cause le principe selon lequel tout produit qui entre dans l'UE doit être conforme à ses normes et standards. Ainsi, les limites maximales de résidus (LMR) pour l'atrazine et le diflubenzuron (produits phytopharmaceutiques) ont été fixées dans l'UE au seuil de quantification. Le Gouvernement évaluera le projet d'accord avec la Nouvelle-Zélande de manière exhaustive en vue de sa présentation au Conseil. Il sera invité à se prononcer à la majorité qualifiée sur la décision de signature de l'accord, puis après approbation du Parlement européen, sur la décision de conclusion de l'accord en vue de son entrée en vigueur.

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