Question de Mme SCHILLINGER Patricia (Haut-Rhin - RDPI) publiée le 07/07/2022

Mme Patricia Schillinger attire l'attention de Mme la secrétaire d'État auprès de la ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée de l'Europe, sur l'encadrement réglementaire du télétravail des travailleurs frontaliers et plus particulièrement de ceux exerçant en Suisse.
En raison de la crise sanitaire, les États membres de l'Union européenne, mais aussi la Suisse, ont convenu de la neutralisation des règles fiscales et sociales encadrant la pratique du télétravail pour les travailleurs frontaliers.
Alors que cette organisation du travail a, durant la période de crise, fait la preuve de ses bienfaits en termes de qualité de vie et de bien-être au travail, les frontaliers devront, à partir du 30 juin 2022, poursuivre leur activité en obéissant à la réglementation d'usage.
Cette situation s'inscrit par ailleurs en contradiction de la volonté que partage notre pays avec l'Union Européenne de sortir de notre dépendance aux énergies fossiles, ainsi que de notre engagement commun en faveur du climat.
En conséquence, elle lui demande ce qu'elle entend mettre en œuvre pour rapidement accroître la tolérance de 25 % prévue en matière sociale par les règles européennes et si, d'autre part, elle entend engager des négociations bilatérales afin de définir un taux de télétravail autorisé en matière fiscale qui soit aligné au taux toléré en matière sociale.

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Réponse du Ministère auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie publiée le 07/10/2022

Réponse apportée en séance publique le 06/10/2022

Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Schillinger, auteure de la question n° 019, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie.

Mme Patricia Schillinger. Monsieur le ministre, face à la crise sanitaire, il a fallu développer des solutions pour permettre aux citoyens et à notre économie de s'adapter aux confinements successifs.

La pandémie a ainsi accéléré le développement du télétravail. Depuis lors, cette organisation du travail est synonyme, pour bon nombre de nos concitoyens, d'amélioration de la qualité de vie et de bien-être au travail. Mieux encore, à l'heure où le prix du carburant pèse lourdement sur le pouvoir d'achat des Français et où l'urgence climatique exige de limiter l'usage des énergies fossiles, le développement du télétravail fait sens.

La capacité des travailleurs frontaliers exerçant en Suisse à travailler chez eux était jusqu'à présent limitée en raison des règles sociales et fiscales encadrant le travail frontalier.

En effet, fiscalement, le télétravail effectué en France pour le compte d'un employeur suisse est imposable en France. Aussi, dans les cantons où l'impôt est prélevé à la source, les employeurs suisses se réfugient derrière le code pénal, qui leur interdit de percevoir un impôt pour le compte d'un État étranger, et refusent toute heure de télétravail aux frontaliers.

En ce qui concerne le volet social, le droit européen fixe à 25 % le seuil au-delà duquel un frontalier peut exercer une activité salariée dans son pays de résidence. Au-delà, son employeur suisse devra s'acquitter des cotisations sociales en France.

Du fait de la crise sanitaire, la France et la Suisse ont conclu un accord amiable permettant de lever ces obstacles, accord reconduit à plusieurs reprises depuis lors. Tandis que ce dernier doit prendre fin au 31 décembre prochain, des négociations sont en cours en vue de pérenniser la possibilité de télétravailler des frontaliers exerçant en Suisse.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer où en sont ces négociations ? Ces frontaliers peuvent-ils espérer les améliorations sociales et fiscales qui leur permettront un recours accru au télétravail au-delà du 31 décembre prochain ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie. Madame la sénatrice Schillinger, je vous remercie de votre question, qui reprend les interrogations de nombre de parlementaires frontaliers.

Comme vous le savez, 300 000 à 400 000 de nos concitoyens travaillent outre-frontière, et le télétravail, vous l'avez souligné, se développe énormément.

En ce qui concerne la fiscalité, la question posée n'est pas celle d'un alignement impérieux sur les règles sociales que vous avancez. Au contraire de l'assujettissement aux cotisations sociales, les règles relatives à l'imposition de ces revenus ne font l'objet d'aucune coordination au niveau européen, car elles relèvent du droit interne de chaque État et des conventions bilatérales en vigueur.

Par nature, le télétravail n'est pas empêché par le fait que les revenus associés seraient imposés en France plutôt qu'en Suisse. Pour lever les difficultés que poserait le prélèvement d'une retenue à la source pour le compte de la France par les employeurs étrangers, nous proposons une mesure de simplification dans le projet de loi de finances pour 2023, afin de prélever l'impôt par acompte contemporain, sans intervention de l'employeur.

Votre demande va plus loin et supposerait une concession unilatérale et sans compensation. Nous ne pensons pas que ce soit souhaitable. Pour autant, les deux États discutent actuellement d'une solution que nous espérons pérenne et équilibrée, c'est-à-dire respectueuse également des intérêts budgétaires de la France – je suis de Bercy, on ne se réinvente pas ! (Sourires.) Nous espérons aboutir avant le 31 octobre 2022, date à laquelle la tolérance, que nous avons prolongée en dépit de la fin de la pandémie, cessera.

En ce qui concerne la sécurité sociale, lorsque l'activité est exercée sur le territoire d'au moins deux États membres, la législation sociale applicable est celle de l'État de résidence.

Pendant la crise sanitaire, et sur le fondement de la force majeure, une période de flexibilité a été mise en place en faveur des télétravailleurs depuis leur État de résidence.

Cette période a été prolongée jusqu'au 31 décembre 2022. Là encore, une réflexion est en cours au niveau européen sur les conséquences du télétravail sur les règles de coordination des systèmes de sécurité sociale. À cet effet, la commission administrative pour la coordination des systèmes de sécurité sociale a mis en place un groupe ad hoc, dont la France est membre.

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