Question de M. VALLINI André (Isère - SER) publiée le 07/07/2022

M. André Vallini appelle l'attention de Mme la ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur le sort de ces deux cents enfants français retenus dans des camps en Syrie que la France refuse de rapatrier collectivement.

Ces deux cents enfants français, dont une dizaine d'orphelins, sont actuellement détenus dans les camps du nord-est syrien.
Les plus petits y sont nés, la plupart y sont entrés à l'âge de deux ou trois ans.
Ils vivent entourés de barbelés, sous des tentes, sans accès aux soins ni à l'école.
Peu et mal nourris, ils subissent le froid extrême de l'hiver et les chaleurs écrasantes de l'été. Désœuvrés, livrés à eux-mêmes, témoins et otages de la cruauté de la vie dans les camps, ils peuvent à tout moment faire l'objet de prédations physiques et sexuelles.

Les autorités kurdes de Syrie, gardiennes des camps, demandent que l'État français les rapatrie, à l'instar des états belge, allemand, danois, finlandais, suédois et d'autres qui ont fait revenir les enfants avec leurs mères.

En France, tout est prêt pour les prendre en charge : structures judiciaires, sociales et sanitaires, magistrats, éducateurs, psychiatres, associations et bien sûr leurs familles usées par une attente qui dure depuis des années.

Ces enfants vivent sans soin digne de ce nom, sans nourriture digne de ce nom, sans école ni soutien psychologique : ils sont donc maltraités physiquement et psychiquement parce que leurs parents ont fait le choix évidemment condamnable du djihadisme.

Mais depuis quand punit-on des enfants pour les crimes de leurs parents ?

Quant à leurs mères, parce qu'elles sont des ressortissantes françaises sous le coup d'un mandat d'arrêt international français, elles devront être jugées en France.

Alors que les gouvernements des états démocratiques voisins de la France font prévaloir la justice et la raison sur la vengeance, rien ne justifie l'entêtement du Gouvernement français, sauf la crainte inavouable d'une opinion publique dont on suppose à tort qu'elle serait inaccessible à une mesure de justice et d'humanité, alors même que les victimes du terrorisme et leurs associations (13onze15, Life for Paris, Fenvac) appellent elles aussi au rapatriement de ces enfants et de leurs mères.

La liste est longue des organisations qui demandent à la France ne pas abandonner ces enfants : le haut-commissaire des nations unies aux droits de l'homme, la Croix-rouge internationale, le commissariat aux réfugiés, la défenseure des droits, la commission consultative des droits de l'homme, le Parlement européen, le coordonnateur des juges d'instruction antiterroristes, le comité des droits de l'enfant de l'organisation des nations unies (ONU), Amnesty international, Human watch rights, la ligue des droits de l'homme.

Le 24 février 2022, la France a été condamnée par le comité des droits de l'enfant de l'ONU pour avoir violé la convention internationale des droits de l'enfant : « Le refus de la France de rapatrier des enfants français détenus […] dans des conditions mettant leur vie en danger depuis des années viole leur droit à la vie, ainsi que leur droit à ne pas subir de traitements inhumains et dégradants. »

Le Président de la République réélu a déclaré : « La protection de l'enfance sera au cœur des cinq années qui viennent. »

Il lui demande quand elle compte mettre en œuvre cet engagement en rapatriant ces deux cents petits Français.

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Réponse du Ministère de l'Europe et des affaires étrangères publiée le 29/09/2022

La situation des personnes qui se trouvent actuellement détenues ou retenues dans le Nord-Est syrien fait l'objet d'un suivi détaillé. Les personnes adultes, hommes et femmes, ont pris la décision de rejoindre Daech et de se battre dans une zone de guerre. Il convient, dans ce contexte, d'assurer la lutte contre l'impunité des crimes commis par les combattants de Daech qui doivent être jugés au plus près des lieux où ils ont perpétré leurs crimes. C'est à la fois une question de sécurité et un devoir de justice à l'égard des victimes. Cette position est étroitement concertée avec ceux de nos partenaires européens qui sont également concernés. La France s'est toujours efforcée de prendre en compte l'intérêt supérieur des enfants qui, à  la différence de leurs parents, n'ont pas choisi de rejoindre l'Irak et la Syrie. Ils n'ont pas choisi de rejoindre la cause d'une organisation terroriste. Ils sont passés de l'enfer de Daech à la vie dans ces camps. C'est la raison pour laquelle la priorité des autorités françaises est de ramener ces enfants. Les opérations de rapatriement sont extrêmement difficiles à mener, car il s'agit d'une zone de guerre, encore très dangereuse, sur laquelle le gouvernement n'exerce aucun contrôle effectif. Dès que cela est possible, le gouvernement organise de telles opérations mais cela demande un travail de négociation et de préparation très ardu. Depuis 2019, cette position a conduit le gouvernement à procéder à des opérations successives de rapatriement qui ont permis le retour de 35 enfants français. Le 5 juillet 2022, une nouvelle opération a permis le rapatriement de 35 mineurs français supplémentaires et de 16 mères retenus dans les camps du nord-est de la Syrie. Lorsque le rapatriement des enfants impliquait le retour de leur mère et que les conditions sur le terrain le rendaient possible, celui-ci a pu être organisé, dès lors qu'elles l'acceptaient en toute connaissance de cause. Plusieurs mères refusent la proposition qui leur est faite, que leurs enfants puissent retourner en France avec elle. L'intégralité des mères rapatriées ont été, dès leur arrivée sur le sol français, remises aux autorités judiciaires, soit au titre d'un mandat d'arrêt – auquel cas elles ont été placées directement en détention – soit au titre d'un mandat de recherche pour être placées en garde à vue puis en détention, dans l'attente de leur jugement. L'application rigoureuse de la loi pénale est de mise. Les enfants ont fait l'objet d'un suivi médical particulier et d'une prise en charge par les services sociaux. Malgré les difficultés de ces opérations, la détermination et les efforts du gouvernement restent intacts pour les mener à bien.

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