Question de M. DÉTRAIGNE Yves (Marne - UC) publiée le 07/07/2022

M. Yves Détraigne souhaite appeler l'attention de Mme la ministre de la culture sur la campagne #UnePhotoÇaSePaie lancée par des organisations professionnelles et associatives pour alerter sur le manque de reconnaissance du métier de photographe.
En effet, cette profession traverse une forte crise économique, liée à la recrudescence des recours aux banques d'images à bas coûts, au non-respect du droit d'auteur et au soutien trop timide des pouvoirs publics.
La France, berceau de la photographie, compte aujourd'hui plus de 25 000 photographes professionnels exerçant sous différents statuts (photographes-auteurs, salariés et pigistes de presse, autoentrepreneurs, artisans, agents de l'État ou des collectivités territoriales) et dans divers secteurs (presse, institutionnel, mode, tourisme, création artistique, etc.).
Selon un récent rapport du Conseil d'État, consacré au financement de la production et de la diffusion d'œuvres photographiques, la photographie est au cœur de la culture française, la circulation des images étant intensifiée par la révolution numérique. Cependant, les photographes ne bénéficient toujours pas d'un partage équitable de la valeur ainsi générée.
On assiste à une véritable précarisation du métier de photographe, accentuée par le développement de microstocks et autres banques d'images, offrant un grand nombre de photographies à très bas prix (voire gratuites), dans lesquels même les institutions publiques ou les médias piochent, sans s'interroger sur les conséquences préjudiciables pour les photographes.
Plusieurs préconisations dudit rapport – notamment rendre effectif et systématique le droit d'auteur des photographes et empêcher le recours abusif à la mention « droits réservés » (DR) dans la presse – sont intéressantes mais elles restent soumises à la bonne volonté des diffuseurs et exploitants, donc incertaines.
Le secteur demande aujourd'hui des mesures concrètes : un fonds permettant de recueillir les « droits réservés » par la presse et l'édition, afin de financer la création photographique, des sanctions limitant les aides allouées en cas de non-respect des obligations fixées dans ces conventions et plus largement, du code de la propriété intellectuelle ou encore une taxe parafiscale sur le chiffre d'affaires réalisé par les plateformes numériques pour la diffusion d'images…
Considérant qu'il faut apporter un soutien concret et durable à la création photographique française, il lui demande quelles sont ses intentions en la matière.

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Réponse du Ministère de la culture publiée le 17/11/2022

Le ministère de la culture mesure la crise que traverse le secteur de la photographie depuis plusieurs années. Grâce au rapport sur le financement de la production et de la diffusion d'œuvres photographiques commandé en 2021 à Madame Laurence Franceschini, conseillère d'État, et publié au début de l'année 2022, un bilan précis et documenté de la profession a pu être établi. Le constat est sans appel : l'essor du numérique et le manque de soutien ont provoqué une utilisation massive, anarchique et gracieuse des images, fragilisant la création, quel que soit le secteur (presse, illustration, édition, social). Ce rapport préconise 31 dispositifs pour pallier les problèmes que rencontre le secteur de la photographie, selon cinq grands axes : renforcer le respect du droit d'auteur et permettre des avancées quant au statut des photographes, soutenir la création photographique, consolider spécifiquement les différents acteurs de la chaîne, protéger le patrimoine photographique et développer les actions d'éducation à l'image. Des premières mesures ont été réalisées, parmi lesquelles : Le lancement d'une étude sur les droits réservés (DR), mise en œuvre depuis le mois de juin dernier avec la collaboration de la direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC), afin d'empêcher les recours abusifs à cette mention et permettre une meilleure authentification des images et une plus juste rémunération de leurs auteurs. Les résultats de cette étude permettront au ministère d'engager les mesures nécessaires, notamment par la réactivation du comité Brun-Buisson ; Une meilleure sensibilisation aux enjeux de la photographie dans la presse, à l'occasion du renouvellement des conventions-cadre triennales entre les éditeurs de presse et l'État (veiller aux délais de paiement, au droit au refus de syndication et à la conservation des métadonnées) ; La protection des droits des auteurs. La place de la photographie sur internet est un enjeu majeur de ces dernières années. La France est la première à avoir transposé dans la loi la directive sur les droits d'auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique, qui renforce la position des auteurs et leur permet leur juste rémunération. Les négociations avec les GAFA (Google/Apple/Facebook/Amazon) viendraient de débuter et les organismes de gestion collective en sont les premiers acteurs. Le ministère est plus que jamais conscient de cet enjeu. Il est mobilisé pour protéger et revendiquer les droits des auteurs ; Le soutien aux investissements technologiques dans le cadre du programme d'investissements d'avenir (PIA4) pour encourager le développement des outils de marquage et de traçabilité des images sur internet ; La protection du patrimoine photographique. En accord avec la direction générale des patrimoines et de l'architecture (DGPA), la médiathèque de l'architecture et du patrimoine a changé de nom pour devenir la médiathèque du patrimoine et de la photographie. Ce changement de nom reconnaît la dynamique de la médiathèque dans la collecte, la conservation et la diffusion des fonds photographiques et positionne la photographie parmi les grandes politiques patrimoniales du ministère. Par ailleurs, la direction générale de la création artistique (DGCA) apportera en 2022 un soutien à la société française de photographie, afin qu'elle opère une action de coordination des lieux d'archives et des collections photographiques, en étroite liaison avec la mission qu'elle mène sur la création du portail numérique ICONOS. La consolidation du réseau Diagonal, unique réseau en France réunissant 25 structures de production et de diffusion dédiées à la photographie, pour mieux organiser ses missions, notamment celle de la co production des expositions, ainsi que son programme d'éducation à l'image « Entre les Images » ; Une attention renforcée sur la présence de la scène française dans les grandes institutions, centres d'art et festivals, avec l'intégration de cet objectif dans les conventions pluriannuelles. C'est un enjeu majeur afin de faire mieux rayonner les artistes français en France et à l'étranger ; La reconduction, en 2022, du plan d'urgence pour le livre de photographie ; Une attention et un soutien aux femmes photographes, avec notamment le partenariat consolidé du ministère de la culture avec la foire Paris Photo à travers le programme « Elles X Paris Photo », qui fête sa 5ème édition au mois de novembre. Un plan de bourses pour des femmes photographes en milieu de carrière est également à l'étude. Les autres préconisations du rapport sont actuellement en cours d'examen. Par ailleurs, la campagne « #UnePhotoCaSePaie », parue le 30 juin dernier dans le journal Libération, a bien été entendue par le ministère de la culture. La DGCA a reçu les organisations professionnelles signataires lors d'une réunion de travail aux Rencontres d'Arles et engagé un dialogue avec celles-ci autour des problématiques du secteur. Le département de la photographie/délégation aux arts visuels au sein de la DGCA met par ailleurs tout en œuvre pour poursuivre et intensifier l'action du ministère en faveur de la photographie et reste à l'écoute de toute la profession, dans sa diversité, en étroite collaboration avec les autres directions du ministère concernées (DGMIC, DGPA, direction générale à la transmission, aux territoires et à la démocratie culturelle).

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