Question de M. CHARON Pierre (Paris - Les Républicains) publiée le 07/07/2022

M. Pierre Charon attire l'attention de M. le ministre de la santé et de la prévention sur l'absence de délai de prescription concernant l'action disciplinaire des professionnels de santé. En effet, à ce jour, aucune disposition législative et réglementaire n'enferme l'action disciplinaire dans un délai, comme le soulignent régulièrement le Conseil d'État mais également les juridictions ordinales (voir, par exemple, chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins, 26 juin 2013, Dr Raymond L, n° 11464). Cela implique l'imprescriptibilité des contentieux relatifs aux manquements disciplinaires des professionnels de santé. Ces derniers sont ainsi dans une situation d'insécurité juridique tout au long de leur carrière, ce qui est particulièrement inique. Le Conseil constitutionnel a déjà été saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) concernant cette absence de précision à l'occasion de contentieux relatifs au droit disciplinaire des vétérinaires. Cependant, faute de dispositions constitutionnelles imposant des règles de prescription des poursuites en matière disciplinaire (CC, 25 novembre 2011, M. Gourmelon, n° 2011-199 QPC, cons. 5), il n'a pas été en mesure de censurer cette absence. Seul le législateur pourrait combler une telle carence. Il l'a d'ailleurs fait récemment au sujet de l'action disciplinaire exercée à l'encontre des agents publics grâce à l'institution d'une prescription de trois ans pour l'engagement des poursuites disciplinaires (nouvel article 19 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires modifié par l'article 36 de la loi du 20 avril 2016). En conséquence, il souhaiterait savoir s'il envisage d'établir une prescription raisonnable pour les plaintes susceptibles d'être déposées à l'encontre des professionnels de santé.

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Réponse du Ministère de la santé et de la prévention publiée le 12/01/2023

En fonction de la nature de la faute commise, deux types de procédures disciplinaires peuvent être engagées à l'encontre des personnels médicaux des établissements publics de santé. La chambre disciplinaire de l'ordre concerné est compétente pour prononcer une sanction à l'égard d'un professionnel de santé en cas de manquement au code de déontologie. Les autres sanctions disciplinaires sont prononcées, selon le statut concerné et la sanction envisagée, par le directeur de l'établissement, le directeur général de l'agence régionale de santé (ARS), ou le directeur général du centre national de gestion (CNG) parfois après avis du conseil de discipline. Si aucune norme européenne ou constitutionnelle n'impose l'instauration d'une règle de prescription des faits en matière disciplinaire, le code de la santé publique entoure ces procédures de garanties afin de protéger les personnels médicaux hospitaliers du risque d'arbitraire et d'iniquité. Ainsi, s'agissant des praticiens hospitaliers, les sanctions disciplinaires dites de premier niveau (avertissement et blâme) sont prononcées par le directeur général du CNG, après avis du directeur général de l'ARS, du directeur de l'établissement, et de la Commission médicale d'établissement (CME). Les sanctions plus graves (réduction d'ancienneté, suspension, mutation d'office et révocation), sont prononcées par le directeur général du CNG après avis du conseil de discipline composé notamment de praticiens élus par leurs pairs, au terme d'une procédure contradictoire. De même, certains principes encadrent la sanction disciplinaire : le principe majeur de la légalité des peines disciplinaires offre ainsi une garantie, à savoir que toute sanction qui s'affranchirait de ce principe est annulable pour violation de la loi ; le principe non bis in idem, selon lequel il n'est pas possible d'être sanctionné deux fois pour un même fait. Enfin, les personnels enseignants et hospitaliers des centres hospitaliers universitaires (CHU), les personnels de soins non médicaux comme l'ensemble des corps de la fonction publique hospitalière, sont soumis à l'article L. 532-2 du code général de la fonction publique qui prévoit qu'aucune procédure disciplinaire ne peut être engagée au-delà d'un délai de trois ans à compter du jour où l'administration a eu une connaissance effective de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits passibles de sanction, cet article codifiant l'article 19 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. La même durée de prescription a été étendue aux agents contractuels des établissements de la fonction publique hospitalière par décret du 16 mai 2022 modifiant les dispositions générales applicables aux agents contractuels de la fonction publique hospitalière. S'il n'y a pas de prescription, les sanctions ne sont pas les mêmes que celles des juridictions pénales ou civiles. Cette absence de prescription est la garantie, tout au long de l'exercice du professionnel de santé, du respect des droits et devoirs de celui-ci envers ses patients et confrères. En outre, dès lors qu'un apprentissage de la déontologie est prévu pendant ses études, le professionnel a connaissance de ses devoirs lorsqu'il commence son exercice et s'inscrit au tableau de l'ordre. Le fait que le contrôle des comportements professionnels ne soit pas contraint par un délai de prescription est ainsi inhérent à la nature particulière des règles déontologiques.

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