Question de M. BRISSON Max (Pyrénées-Atlantiques - Les Républicains) publiée le 14/07/2022

M. Max Brisson appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire à propos des conséquences des récents aléas climatiques sur les cultures et productions agricoles françaises.

Les agriculteurs français ont été confrontés à deux épisodes de gel intense survenus dans les nuits du 6 et du 7 avril 2021, considérées par Météo France comme des nuits parmi les plus froides de ces 75 dernières années. La chute historique des températures et les gelées destructrices qui en ont découlé ont mis un coup d'arrêt à la floraison, menaçant fortement plusieurs filières de la production agricole, dont, en première ligne, les vignes, les arbres fruitiers, le colza, les céréales ainsi que les légumes de plein champ.

Pour faire face à ces deux épisodes de gel intense, les agriculteurs ont consenti à d'importants efforts nocturnes afin de limiter les dégâts du gel, à l'instar de la dispersion de braseros entre les vignes et l'arrosage des vergers pour créer une coque de glace autour des bourgeons. Néanmoins, ces efforts ne semblent pas avoir suffi à préserver les cultures, sévèrement touchées dans plusieurs régions de France. Les conséquences de ces deux épisodes sont dramatiques, aussi bien sur le plan économique que moral, et les cultivateurs se trouvent désormais dans une situation d'extrême détresse.

Si les gelées sont des aléas climatiques assurables, à l'instar des orages de grêle, ces assurances sont souvent dispendieuses et difficiles d'accès pour des agriculteurs particulièrement marqués par les conséquences de la crise sanitaire et le contexte économique actuel. De ce fait, de nombreux agriculteurs ont fait l'impasse sur leur cotisation et se trouvent, face à l'accumulation des difficultés rencontrées ces derniers mois, dans un profond désarroi.

Les fortes chaleurs prématurées ainsi que les divers orages de grêle rencontrés au printemps 2022 s'inscrivent dans la continuité de ces intempéries. Elles produisent toutes des conséquences qui pourraient se mesurer sur le long terme, notamment par des défaillances d'approvisionnement de produits nationaux sur le marché intérieur, favorisant nécessairement les importations depuis d'autres pays et affectant directement les exportations. Ainsi, au-delà de la détresse des professionnels et de la dégradation du terroir français, d'importantes répercussions pourraient être recensés sur les filières françaises de l'alimentation et l'économie du pays tout entier.

Dans l'optique de soutenir les cultivateurs, le régime de calamité agricole a été activé par le Gouvernement le 9 avril 2021. Prévu pour indemniser les pertes de récolte et les pertes de fonds causées par des variations anormales d'intensité d'un agent naturel climatique, tels que la sécheresse, les inondations, la grêle ou le gel, le fonds est alimenté par une taxe de 5,5 % sur les assurances obligatoires. Plafonné à 60 millions d'euros par an, le Premier ministre a annoncé le 10 avril 2021 son déplafonnement ainsi que des enveloppes exceptionnelles pour aider les agriculteurs à faire face.

Si ces aides sont accueillies avec soulagement par les agriculteurs, ils demeurent inquiets quant à la flexibilité des dispositifs existants et à l'adaptabilité de ces derniers à des phénomènes climatiques qui ont tendance à se répéter de plus en plus fréquemment.

Aussi, il interroge le Gouvernement sur les mesures qu'il envisage pour répondre à la détresse des cultivateurs français et la teneur des aides qui leur seront apportées pour faire face aux épisodes de fortes chaleurs et d'orages de grêles rencontrés.

En outre, il souhaiterait savoir si le Gouvernement entend mettre en œuvre une concertation avec les acteurs du terrain pour réfléchir à un nouveau dispositif, afin de garantir la pérennité des cultures et des filières concernées par des phénomènes climatiques qui ont tendance à se répéter.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire publiée le 03/11/2022

Entre la mi-mai et la fin juin 2022, de violents orages ont frappé plusieurs régions françaises, parfois à deux ou trois reprises. Localement, nombreuses ont été les exploitations agricoles ayant subi de lourdes pertes, notamment pour les productions viticoles, arboricoles, maraîchères et les grandes cultures. Afin d'évaluer le plus rapidement possible les dégâts subis par le monde agricole et identifier les mesures pertinentes pour soutenir les agriculteurs les plus touchés, une mission flash du conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) a été mise en œuvre à la demande du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire. Déployés au plus près des acteurs des territoires, les membres de la mission ont établi des recommandations pour adapter au mieux les outils actuels et futurs aux besoins des agriculteurs touchés par ces phénomènes climatiques intenses. Fort de ces préconisations, le Gouvernement a défini les outils qui permettront de répondre aux difficultés rencontrées par les exploitants affectés par ces épisodes de grêle, tout en encourageant le développement de l'assurance récolte. En premier lieu, une attention toute particulière est portée au niveau local à la prévention et à l'accompagnement des sentiments de détresse, conformément à la feuille de route interministérielle de prévention du mal-être et d'accompagnement des agriculteurs en difficulté. Ainsi, le ministère chargé de l'agriculture a demandé la réactivation des cellules départementales d'urgence, de façon à consolider la vision des dégâts et à établir un premier recensement des situations les plus délicates, notamment au plan psychologique, en vue d'un soutien et d'un déploiement au niveau local des outils existants. Aucun agriculteur ne doit rester isolé face à une situation dramatique. S'agissant des soutiens financiers, l'urgence des situations individuelles a amené à élargir le « fonds d'urgence » à la disposition des préfets depuis l'épisode de gel d'avril 2022, et à l'abonder à hauteur de 40 millions d'euros. Le montant d'aide par exploitation pourra être porté au montant estimé nécessaire pour aider les exploitations les plus en difficulté, dans la limite du plafond de minimis agricole fixé à 20 000 euros. Ces aides d'urgence ont pour but essentiel de soutenir les exploitations en extrême difficulté financière, ayant été touchées par les intempéries et dont la trésorerie ne permet plus de faire face aux dépenses immédiates, nécessaires à la poursuite de leur activité et aux besoins essentiels du foyer. Seront pris en compte dans le calcul de l'indemnisation les montants perçus ou à percevoir au titre de mécanismes assurantiels. Par ailleurs, ces évènements climatiques exceptionnels peuvent justifier des demandes par les exploitants de dégrèvement de taxes sur le foncier non bâti pour les parcelles affectées, voire la mise en œuvre d'une procédure de dégrèvement d'office de cette imposition, à l'initiative et sous la coordination des préfets, lorsque de vastes zones ont été touchées. Une instruction des ministères chargés de l'agriculture et des comptes publics a été adressée aux directions départementales des finances publiques afin de privilégier autant que possible cette procédure de dégrèvement d'office. Au-delà des aides, il convient de mobiliser la solidarité nationale et de faire en sorte que, à l'échelon national, toutes les organisations en capacité de contribuer à l'accompagnement des agriculteurs en difficulté sur le terrain, via leur réseau local, y contribuent. Ainsi, un courrier conjoint signé par le ministre chargé de l'économie et le ministre chargé de l'agriculture a été adressé aux principaux établissements bancaires pour qu'ils veillent à ce que leurs agences soient en anticipation sur le terrain eu égard aux difficultés de trésorerie et aux demandes d'échelonnement ou de report d'échéances qu'elles entraîneront, notamment concernant les prêts garantis par l'État. L'attention des entreprises d'assurance a également été appelée sur la nécessité de garantir la célérité et le bon traitement des dossiers d'indemnisation des exploitants sinistrés. Il s'agira enfin d'organiser la solidarité nationale auprès des départements touchés pour accompagner la reconstruction des bâtiments agricoles, en incitant les entreprises de territoires éloignés à proposer des devis et services sur les zones touchées. Cela sera rendu possible par la mobilisation des services de l'État, qui seront aussi attentifs à prévenir tout risque de spéculation et de surenchère sur les coûts de désamiantage et de reconstruction, en s'assurant de la disponibilité normale des matériaux. Le ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire a aussi sollicité la fédération française du bâtiment en ce sens. En outre, il a sollicité un accès facilité aux services de protection civile pour aider à mettre en place des abris provisoires, là où la reconstruction prendra du temps. À l'avenir, la réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture permettra d'améliorer l'accompagnement des exploitants face à des événements climatiques défavorables de plus en plus intenses et fréquents. Cette réforme est indispensable pour préserver la souveraineté alimentaire de la France et a pour but de favoriser la résilience de l'agriculture face à des chocs que les agriculteurs ne doivent pas affronter seuls. La loi n° 2022-298 du 2 mars 2022 prévoit que le nouveau dispositif de gestion des risques climatiques en agriculture, unique, partenarial et universel, entrera en vigueur en 2023, et reposera sur la solidarité nationale et le partage équitable du risque entre l'État, les agriculteurs et les entreprises d'assurance. Les services de l'État mettent actuellement tout en œuvre, en lien avec les parties prenantes, pour rendre ce dispositif opérationnel dès le 1er janvier 2023. Enfin, l'investissement dans la formation à la prévention et à la gestion des risques climatiques est un enjeu crucial face au défi du changement climatique, et il a en ce sens vocation à être traité par la loi d'orientation et d'avenir agricole prévue pour 2023.

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