Question de M. GUÉRINI Jean-Noël (Bouches-du-Rhône - RDSE) publiée le 14/07/2022

M. Jean-Noël Guérini appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur les inquiétantes pratiques de soumission chimique observées dans les lieux festifs.
Dans les bars, les boîtes de nuit ou les festivals, il arrive que des agresseurs se servent de boissons ou de piqûres pour droguer leurs victimes à leur insu à des fins délictuelles (vols, violences volontaires) ou criminelles (agressions sexuelles, viols). Depuis 2003, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) effectue une enquête nationale afin de recenser les cas de soumission chimique en France : en 2019, elle comptabilise ainsi 574 victimes de ce fléau, un chiffre en augmentation de 16,7 % par rapport à l'année précédente. Les substances les plus fréquemment utilisées s'avèrent les benzodiazépines, qui ont des propriétés anxiolytiques et hypnotiques et peuvent provoquer une somnolence ou une perte de mémoire. Si les effets apparaissent rapidement, le produit devient indétectable en seulement quelques heures, ce qui rend tout retard de prise en charge très dommageable. Depuis fin mars 2022, les témoignages évoquant des cas de piqûres dans les soirées festives affluent partout en France. Le 16 juin 2022, la direction de la police nationale recensait 1098 victimes et plus de 800 plaintes pour de tels faits. Les personnes concernées ressentent parfois des vertiges, des nausées, des pertes de sensibilité voire des malaises, sans que l'on n'ait pu détecter la cause de ces troubles.
En conséquence, il lui demande comment il entend lutter contre la légitime inquiétude créée par ces piqûres sauvages et contre les différentes formes de soumission chimique dans les lieux festifs.

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Réponse du Ministère de l'intérieur et des outre-mer publiée le 07/12/2023

L'administration de substances nuisibles dans le cadre de la soumission chimique est une pratique essentiellement connue dans le contexte des soirées festives ou étudiantes. Le mode opératoire consiste à glisser un médicament ou un stupéfiant dans le verre d'autrui pour en abuser (agressions sexuelles, viols). Or, un nouveau phénomène est apparu depuis quelques années, dans plusieurs pays européens, dont la France. Les substances nuisibles seraient désormais administrées via des « piqûres ». Depuis l'apparition du phénomène, les données sont recueillies par l'Office anti-stupéfiants (OFAST) et l'Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique (OCLAESP), qui assurent conjointement un suivi quantitatif du phénomène sur le plan national. En 2022, sur la base des données des services de police et de gendarmerie, 2 270 faits de piqûres avaient été déclarés (dont 921 en zone police et 1 349 en zone gendarmerie), 2598 victimes recensées (dont 1 228 en zone police et 1 370 en zone gendarmerie) et 2335 plaintes recueillies (dont 1 022 en zone police et 1 313 en zone gendarmerie). Fin septembre 2023, on recensait 116 plaintes pour l'année 2023 soit moins de 4 par semaine pouvant intégrer cette catégorie (contre 45 plaintes par semaine en moyenne en 2022). Aucun fait n'a été significatif ni n'a entraîné de conséquences graves sur le plan judiciaire ou sur le plan de la santé publique. En effet, bien que certaines victimes ont pu relater des sensations particulières (somnolence, étourdissements) dans un temps proche de la piqûre ressentie, aucune d'elles n'a, à ce stade, subi d'atteintes sexuelles ou d'infractions connexes. Dès lors qu'ils étaient possibles, des dépistages et analyses (sang, cheveux) ont été effectués. A ce jour, aucune analyse n'a pu établir formellement qu'une substance de nature à altérer le discernement ait pu être injectée aux victimes de ces piqûres. L'OCLAESP, qui peut en la matière initier des enquêtes d'envergure, appuie les unités saisies et effectue les rapprochements utiles via les directions centrales et le service d'analyse du renseignement criminel de la police judiciaire (service d'information, de renseignement et d'analyse stratégique sur la criminalité organisée – SIRASCO – de la direction nationale de la police judiciaire). Le phénomène des piqûres sauvages apparaît désormais comme épisodique et limité. Une résurgence étant toujours possible, les forces de sécurité intérieure maintiennent leur vigilance au travers de leur mission de prévention. Ce volet, associé à l'ouverture systématique d'enquêtes, demeure la meilleure solution à apporter. S'agissant d'atteintes potentielles à la santé publique, le suivi par les offices (notamment l'OCLAESP et, en local, le réseau des enquêteurs atteintes à l'environnement et à la santé publique – EAESP) permet de suivre le phénomène et de conseiller utilement les unités dans la prise en charge spécifique de ce contentieux. La Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA), placée sous l'autorité de la Première ministre, s'investit également en faveur d'actions de prévention et de sensibilisation, et contribue, par le fonds de concours « drogues », au financement de la lutte contre les drogues. Enfin, l'OFAST, en sa qualité de chef de file de la lutte contre le trafic de stupéfiants, centralise les informations de l'ensemble des services de police et de gendarmerie et travaille en concertation avec le Service national de police scientifique (SNPS) pour l'analyse des produits (sous réserve que des prélèvements mettent en évidence la présence de stupéfiants). L'Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN) travaille également sur ce type de dossiers, le spectre des molécules recherchées allant au-delà des produits stupéfiants. Ainsi, gendarmerie et police nationales restent pleinement engagées et attentives à ce phénomène.

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