Question de Mme DUMAS Catherine (Paris - Les Républicains) publiée le 14/07/2022

Mme Catherine Dumas attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur la directive européenne « restriction on the use of certain hazardous substances » (RoHS) et son application aux métiers du vitrail. La substance plomb, « substance of very high concern » (SVHC) ou substance préoccupante selon le règlement REACH, règlement européen qui sécurise et qui encadre la fabrication et l'utilisation des substances chimiques, fait déjà l'objet d'une surveillance particulière : son usage a été considérablement réduit et encadré. Le 2 février 2022, une nouvelle phase de consultation publique a été ouverte par l'Europe, en vue d'interdire totalement le plomb dans tous les pays européens. Cette phase sera close le 2 mai 2022. Une telle disposition entraînerait de fait la fermeture immédiate de plus de 450 entreprises artisanales en France, très petites entreprises (TPE) et petites et moyennes entreprises (PME), ainsi que la disparition et la dégradation progressive de tout le patrimoine vitrail d'Europe. À elle seule, La France concentre plus de 60 % du patrimoine vitrail européen et abrite la plus grande surface de vitraux au monde (cathédrales, églises, chapelles et châteaux, monuments publics et privés…). Ces vitraux sont traditionnellement composés de morceaux de verre assemblés entre eux par du plomb sous forme de baguettes profilées soudées entre elles à l'étain. Le plomb est ainsi utilisé depuis l'origine en raison de ses propriétés uniques, c'est un métal dense, mou et déformable et bien que des recherches soient menées depuis des années dans ce secteur d'activité, on ne dispose toujours pas de matériaux qui pourraient se substituer au plomb dans le cadre de la restauration des œuvres d'art anciennes dont les ateliers ont la charge de restauration et de conservation. Le vieillissement du patrimoine vitrail français est à l'origine d'une augmentation des besoins en réparation. Pour assurer leur pérennité, les vitraux nécessitent (hors dégâts ponctuels) des interventions tous les 100 ans en moyenne : ils sont alors déposés, nettoyés et démontés. Les anciens plombs sont remplacés par de nouveaux profilés en plomb. Ce procédé permet à des œuvres d'art créées au XIIe siècle d'être encore admirées aujourd'hui. Il n'y a, à ce jour, aucun autre matériau de substitution, raison pour laquelle le travail au plomb est le seul à être reconnu et agréé par le ministère de l'éducation nationale et les architectes des bâtiments de France. Bien que le plomb soit omniprésent dans l'activité professionnelle du vitrail, il ne présente pas un obstacle majeur à la pratique du métier. En effet les risques ont été intégrés dans les procédés techniques mis en œuvre dans les ateliers et de nombreuses mesures de prévention adaptées ont été prises au sein des entreprises. De plus, les ateliers participent activement, depuis toujours, à la collecte et au tri des plombs usagés, évitant ainsi leur dispersion dans la nature ou les ordures ménagères. L'art du vitrail a traversé les siècles depuis le Moyen-Âge. Le savoir-faire d'excellence est transmis depuis presque 1 000 ans au sein des ateliers et les œuvres d'art entretenues et restaurées par les maîtres verriers depuis des siècles. Ils pourraient ne pas survivre à une interdiction brutale du plomb en Europe. Elle souhaite donc qu'il puisse rassurer les maîtres verriers, inquiets d'une possible disparition de ce précieux savoir-faire, suivie d'une dégradation inhérente de notre patrimoine vitrail français et européen, y compris celui des vitraux de la cathédrale de Notre-Dame de Paris qui ne pourraient, de fait, être restaurés après le drame de l'incendie qui a ému le monde entier.

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Réponse du Ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique publiée le 08/09/2022

Comme souligné dans l'exposé de la question, l'utilisation du plomb fait actuellement l'objet d'une analyse au niveau européen qui pourrait aboutir à une interdiction de la substance, avec cependant la possibilité dans certains cas de déposer une demande de dérogation. Le  Gouvernement est bien conscient des retombées d'une éventuelle interdiction pour la pérennité des métiers d'art en France et en Europe qui sont l'héritage d'un savoir-faire d'excellence, ainsi que pour la préservation du patrimoine culturel de notre pays. Les services de l'administration sont mobilisés et suivent attentivement l'évolution de la procédure en cours en collaboration avec les filières concernées afin d'anticiper des solutions nécessaires pour préserver ce savoir-faire. L'état des lieux de la procédure européenne en cours vous est indiqué ci-après. Dans le cadre du règlement (CE) n° 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil du 18 décembre 2006 concernant l'enregistrement, l'évaluation et l'autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (dit règlement REACH), l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA) a publié le 2 février 2022 un projet de recommandation visant à inclure le plomb en tant que substance extrêmement préoccupante à l'annexe XIV. L'inscription d'une substance à cette annexe a pour conséquence d'interdire, sauf autorisation ad-hoc, l'usage et la mise sur le marché de la substance concernée.   Suite à cette publication, l'ECHA a ouvert jusqu'au 2 mai 2022 une consultation publique afin de recueillir les commentaires des parties prenantes. Cette consultation vise à recueillir des informations de la part des professionnels et des industriels sur leurs usages et conditions d'utilisation de la substance afin de compléter les informations dont dispose l'ECHA et à fonder la décision sur les données les plus pertinentes. A l'issue de cette phase de consultation, la recommandation sera ensuite adoptée par l'ECHA et transmise à la Commission européenne qui proposera un projet de règlement présentant les substances proposées pour inscription à l'annexe XIV, et les conditions applicables aux États membres réunis au sein du Comité REACH. Il convient de noter que la Commission européenne n'est pas tenue de reprendre toutes les substances recommandées par l'ECHA dans son projet d'inclusion. Lorsqu'une substance est inscrite à l'annexe XIV, il existe des dispositions transitoires : la substance sera interdite entre 36 et 42 mois après la date d'inclusion avec une possibilité d'introduire une demande de dérogation, aussi appelée demande d'autorisation, dans les 18 à 24 mois après la date d'inclusion ; les délais variant en fonction de la décision de la Commission. Pour ce processus de dérogation, les fabricants, importateurs ou utilisateurs en aval peuvent adresser à l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA) une demande pour un usage précis, comprenant un rapport sur la sécurité chimique (CSR) ainsi qu'une analyse des solutions de remplacement et de leurs risques potentiels. Une redevance est exigée. Après avis des comités de l'ECHA, la Commission peut proposer aux États membres d'octroyer une autorisation, s'il est démontré que les avantages socio-économiques l'emportent sur les risques liés à la poursuite de l'utilisation de la substance et qu'il n'existe aucune solution de remplacement techniquement et économiquement disponible.

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