Question de M. MASSON Jean Louis (Moselle - NI) publiée le 21/07/2022

Sa question écrite du 21 avril 2022 n'ayant pas obtenu de réponse sous la précédente législature, M. Jean Louis Masson attire à nouveau l'attention de Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales, sur le cas d'un élu municipal ou départemental susceptible d'être concerné par la notion de prise illégale d'intérêts telle qu'elle est dorénavant délimitée par la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (dite loi 3DS) . Il lui demande si cet élu peut se contenter de ne pas participer au vote d'une subvention par le conseil de la collectivité ou s'il doit quitter la séance avant le début de l'examen du point concerné ou s'il doit en plus, ne participer ni de près ni de loin à la préparation de la délibération en cause.

- page 3800

Transmise au Ministère auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des collectivités territoriales et de la ruralité


Réponse du Ministère auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des collectivités territoriales et de la ruralité publiée le 02/02/2023

L'article L. 1111-6 du code général des collectivités territoriales (CGCT) a été introduit par l'article 217 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (loi dite « 3DS »). Cet article pose le principe selon lequel la seule désignation d'un élu local, représentant sa collectivité territoriale ou un groupement au sein de l'instance décisionnelle d'une autre personne morale en application de la loi, ne suffit pas à considérer l'élu comme intéressé à l'affaire lorsque la collectivité territoriale ou le groupement délibère sur une affaire concernant cette personne morale. En outre, le même article énumère les cas dans lesquels le déport de cet élu est obligatoire lorsqu'il siège à l'organe délibérant de la collectivité ou du groupement. Figurent notamment parmi les cas de déport obligatoire les délibérations ou décisions attribuant une aide revêtant la forme d'une subvention. Par conséquent, l'élu représentant sa collectivité ou le groupement auprès d'une personne morale en application de la loi devra s'abstenir de participer aux délibérations attribuant une subvention à cette personne morale. De manière générale, les élus doivent se déporter dans le cadre de ces délibérations dans le cas d'une situation manifeste d'interférence entre intérêts publics ou entre intérêts publics et privés, de nature à compromettre leur impartialité, leur indépendance ou leur objectivité dans leurs fonctions (aux termes de l'article 2 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique et de l'article 432-12 du code pénal). Le non-respect de cette obligation est susceptible de fonder, d'une part, la qualification pénale de prise illégale d'intérêts et, d'autre part, l'illégalité de la délibération. S'agissant du délit de prise illégale d'intérêts, celui-ci est constitué, aux termes de l'article 432-12 du code pénal, par « le fait, par une personne […] investie d'un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt de nature à compromettre son impartialité, son indépendance ou son objectivité dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l'acte, en tout ou partie, la charge d'assurer la surveillance, l'administration, la liquidation ou le paiement ». La Cour de cassation a ainsi jugé que des élus municipaux qui avaient participé aux votes ou aux délibérations concernant les subventions allouées par la commune aux associations qu'ils président s'étaient rendus coupables de prise illégale d'intérêts, alors même qu'ils n'en avaient retiré aucun bénéfice et que la collectivité n'avait souffert d'aucun préjudice. Le juge a en effet considéré que les élus municipaux sont soumis à l'obligation de veiller à la parfaite neutralité des décisions d'attribution des subventions à ces associations (Cour de cassation, chambre criminelle, 22 octobre 2008, req. n° 08-82.068). En outre, il a été jugé que la participation, même exclusive de tout vote, d'un conseiller d'une collectivité territoriale à un organe délibérant d'une association, lorsque la délibération porte sur une affaire dans laquelle il a un intérêt, vaut surveillance ou administration de l'opération au sens de l'article 432-12 du code pénal (Cour de cassation, chambre criminelle, 9 février 2011, req. n° 10-82988). Le délit de prise illégale d'intérêts peut être constitué lorsque l'élu participe aux seules étapes du processus de décision (Cour de cassation, chambre criminelle, 5 avril 2018, req. n° 17-81.912) ou à une réunion informelle (Cour de cassation, chambre criminelle, 20 janvier 2021, req. n° 19-86.702). S'agissant par ailleurs du risque d'annulation de la délibération prévu à l'article L. 2131-11 du CGCT, la jurisprudence administrative retient l'illégalité de la délibération si l'élu intéressé à l'affaire a un intérêt qui ne se confond pas avec ceux de la généralité des habitants (Conseil d'État, 1er juillet 2019, req. n° 410714) et, de manière cumulative, s'il a été en mesure d'exercer une influence sur la délibération (Conseil d'État, 12 octobre 2016, req. n° 387308). Ainsi, le Conseil d'État a jugé que les conseillers municipaux, président et membres du conseil d'administration d'une association gérant une maison de retraite, ont intérêt à l'affaire et que leur participation entache d'illégalité les délibérations accordant des garanties d'emprunt à l'association (Conseil d'État, 9 juillet 2003, req. n° 248344). Par ailleurs, la participation de l'élu intéressé, même exclusive de tout vote, aux travaux préparatoires et aux débats précédant l'adoption d'une délibération est susceptible de vicier sa légalité, si le conseiller municipal intéressé a été en mesure d'exercer une influence sur la délibération (Conseil d'État, 12 octobre 2016, req. n° 388232). A ainsi été jugée illégale une délibération prise par la commune sur le rapport de l'élu intéressé, qui a également présidé la séance et pris part activement aux débats, exerçant ainsi une influence sur cette décision (Cour administrative d'appel de Lyon, 29 avril 2021, req. n° 19LY02640). De manière générale, le respect du code pénal et de la loi de 2013 pour la transparence de la vie publique implique pour les élus locaux intéressés à une affaire de ne pas prendre part au vote de la délibération concernée comme de s'abstenir d'intervenir dans les travaux préparatoires de la délibération.

- page 730

Page mise à jour le