Question de M. BOULOUX Yves (Vienne - Les Républicains) publiée le 21/07/2022

M. Yves Bouloux attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur les conditions de prise en charge par le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI) des préjudices subis par les sapeurs-pompiers victimes d'agression.

Les sapeurs-pompiers professionnels ou volontaires bénéficient des dispositions de l'article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 qui prévoient que « la collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté ».

Dans le cadre de cette protection fonctionnelle, le sapeur-pompier victime a le droit de voir son préjudice directement réparé par le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) dont il dépend, ce dernier étant subrogé aux droits du sapeur-pompier victime pour obtenir la restitution des sommes versées auprès de son agresseur, qui, dans les faits, est bien souvent la victime pour laquelle l'intervention des secours a été déclenchée.

S'il peut en principe obtenir la réparation de son préjudice auprès du SDIS au titre de la protection fonctionnelle, le sapeur-pompier victime peut également saisir le FGTI qui indemnise les victimes d'attentats et d'infractions de droit commun. En vertu de l'article 706-11 du code de procédure pénale, le fonds est subrogé dans les droits de la victime pour obtenir des responsables du dommage ou tenus à un titre quelconque d'en assurer la réparation, le remboursement de l'indemnité versée par lui. L'article L. 422-9 du code des assurances précise que les sommes à recouvrer par le FGTI sont majorées d'une pénalité, au titre des frais de gestion, égale à un pourcentage des dommages et intérêts et des sommes allouées.

Ainsi, après avoir indemnisé l'agent en raison de l'insolvabilité de l'agresseur, le FGTI est fondé à se retourner contre le SDIS, qu'il estime redevable au titre de la protection fonctionnelle. Le SDIS peut alors être amené à devoir assumer le coût d'une pénalité justifiée par des frais de gestion, sans lien avec l'objectif premier du législateur visant à garantir le sapeur-pompier victime du risque d'insolvabilité de l'agresseur responsable du préjudice.

Peu importe ici que le SDIS n'ait commis aucune faute et que l'agent n'ait ni adressé de demande préalable d'indemnisation, ni sollicité le bénéfice de la protection fonctionnelle.

Plusieurs SDIS ont ainsi par le passé été confrontés à une demande du FGTI de remboursement des sommes versées à des sapeurs-pompiers reconnus victimes d'agressions selon des modalités parfois différentes.

En outre, l'indemnisation versée par le FGTI n'est pas forcément identique à celle que le SDIS aurait pu être amené à verser au titre de la réparation prévue par la protection fonctionnelle.

Aussi, il lui demande, d'une part, les mesures que compte prendre le Gouvernement pour clarifier la situation et la rendre cohérente, et en particulier si une position du FGTI ne pourrait pas être arrêtée dans le cas précis des agressions de sapeurs-pompiers afin de permettre aux SDIS de se positionner quant à l'opportunité de se substituer aux obligations de l'agresseur condamné et d'autre part, d'inscrire le sujet de l'indemnisation des sapeurs-pompiers victimes d'agressions en intervention et de ses procédures associées dans les réflexions des états généraux de la justice souhaités par la présidence de la République.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 02/03/2023

L'effectivité de la reconnaissance des droits des victimes et de leur accompagnement est au cœur de l'action menée par le ministère de la justice, en particulier lorsqu'il en va des personnes dépositaires de l'autorité publique. Le sapeur-pompier victime d'une agression en intervention bénéficie d'une option : s'il peut en principe obtenir la réparation de son préjudice auprès du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) au titre de la protection fonctionnelle, il peut également saisir le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI) qui indemnise les victimes d'attentats et d'infractions de droit commun. En vertu de l'article 706-11 du code de procédure pénale, le FGTI est subrogé dans les droits de la victime pour obtenir des responsables du dommage ou tenus à un titre quelconque d'en assurer la réparation, le remboursement de l'indemnité versée par lui. L'article L. 422-9 du code des assurances dispose que les sommes à recouvrer par le fonds sont majorées d'une pénalité, au titre des frais de gestion, égale à un pourcentage des dommages et intérêts et des sommes allouées. En pratique, après avoir indemnisé l'agent en raison de l'insolvabilité de l'agresseur, le FGTI se retourne prioritairement contre le SDIS, qu'il estime redevable des sommes avancées, majorées d'une pénalité justifiée par des frais de gestion, au titre de la protection fonctionnelle. La question posée soulève l'hypothèse d'une intervention de la protection fonctionnelle par priorité à celle du FGTI permettant ainsi la non application de cette pénalité, au titre des frais de gestion, qui vient grever les dommages et intérêts et sommes allouées aux pompiers victimes. Il convient de rappeler que la loi du 23 mars 2019 est venue modifier les articles L126-1 du code des assurances et 706-3 du code de procédure pénale en ajoutant « y compris tout agent public ou tout militaire », spécifiant ainsi que les agents publics victimes d'une infraction, qu'elle soit de droit commun ou à caractère terroriste, peuvent être indemnisés par le FGTI. La situation évoquée pourrait être résolue par des modifications législatives, en l'ajoutant aux exclusions légales de l'article 706-3 du code de procédure pénale et en introduisant cette exclusion dans les articles L126-1 du code des assurances et 706-15-1 du code de procédure pénale.  Chaque administration, notamment le SDIS, prendrait ainsi en charge ses agents et le FGTI serait recentré sur les victimes n'ayant pas d'autre régime indemnitaire. Ce n'est pas l'option qui a été retenue jusque-là par le législateur. Par ailleurs, il n'appartient au ministère de la justice d'apprécier les modalités de communication interne au SDIS quant à l'information délivrée aux sapeurs-pompiers sur les possibilités d'obtenir réparation de leur préjudice en mobilisant la garantie fonctionnelle dont ils bénéficient, sans avoir recours à une demande auprès du FGTI.

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