Question de Mme BORCHIO FONTIMP Alexandra (Alpes-Maritimes - Les Républicains) publiée le 28/07/2022

Mme Alexandra Borchio Fontimp attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur l'impérieuse nécessité d'ouvrir la possibilité aux associations nationales d'élus de se porter partie civile en cas de violences exercées à l'encontre d'élus.

Les chiffres sont effrayants et ne peuvent laisser indifférents les élus et représentants de l'État. Le temps passe et les avancées pour les protéger sont certes visibles mais toujours en deçà de leurs attentes. Avec une augmentation de 14 % entre 2019 et 2020 et de 47 % dans les onze premiers mois de 2021, le législateur doit à nouveau se saisir de cet enjeu rapidement pour donner tous les moyens aux associations, particulièrement nationales, de défendre au mieux l'intégrité physique, psychologique et morale de nos élus. Il n'est plus acceptable, et cela n'aurait jamais dû être accepté, que les agresseurs bénéficient de cette bienveillance qui devrait normalement revenir aux agressés.

Le président de l'association des maires de France (AMF) s'est d'ores et déjà exprimé l'année dernière, en 2021, sur le sujet. De façon claire et étayée, il a demandé la modification du code de procédure pénale afin d'y insérer une disposition permettant aux associations nationales d'élus de se porter partie civile lorsque des agressions sont commises à l'encontre de toutes celles et de tous ceux qui portent les insignes tricolores de notre République. Cela apporterait un soutien essentiel aux élus victimes de violences dans leur démarche et aurait pour vertu certaine de donner un caractère effectif aux poursuites engagées et réparations prononcées.

Plus qu'une urgence, il est aujourd'hui impensable que sa demande n'ait trouvé aucun écho au sein de l'ancien gouvernement ; il faut donc espérer qu'il saura être entendu par celui-ci.

Défendre les serviteurs de l'État, c'est défendre la France. Sans leur présence et leur travail, la vitalité politique de notre pays ne serait plus qu'un lointain souvenir. Somme toute, sans eux, notre société ne saurait plus faire dignement nation. Bien que les associations départementales des maires aient, il est vrai, déjà la possibilité de se constituer partie civile et en dépit de leur fort investissement à dénoncer autant qu'ils le peuvent cette escalade de violence, cela demeure juridiquement insuffisant pour y mettre pleinement fin.

L'effectivité de la peine est une question qui se pose tant pour nos élus que pour nos concitoyens et aucun traitement privilégié ne doit être instauré. Cela n'aurait comme conséquence que d'attiser encore la « haine » de l'élu que nous rencontrons depuis bien trop d'années désormais.

En conséquence, elle lui demande de modifier le code de procédure pénale pour y introduire cette nouvelle disposition et ainsi protéger efficacement les élus. Si la République exige légitimement de ses élus l'exemplarité, il ne serait que justice qu'ils soient pleinement soutenus et défendus lorsqu'un citoyen leur porte atteinte du simple fait de leur fonction.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 09/03/2023

La lutte contre les atteintes aux élus constitue une priorité du ministère de la Justice. En effet, de tels faits, qui portent atteinte aux représentants de notre démocratie, et par là même à nos valeurs républicaines, ne sauraient aucunement être tolérés dans un Etat de droit. A ce titre, la circulaire du 7 septembre 2020, prise dans le prolongement de la circulaire du 6 novembre 2019 relative au traitement judiciaire des infractions commises à l'encontre des personnes investies d'un mandat électif et au renforcement des échanges d'informations entre les élus locaux et les procureurs de la République, a rappelé aux procureurs généraux et procureurs de la République la nécessité de mettre en œuvre une politique pénale ferme, rapide et diligente en répression des actes commis à l'encontre des élus locaux et des parlementaires, ainsi qu'un suivi judiciaire renforcé des procédures pénales les concernant. A cet égard, les procureurs ont été invités à désigner un magistrat du parquet comme interlocuteur des élus du ressort et à organiser rapidement une réunion d'échanges avec les forces de sécurité intérieure et les élus permettant de présenter l'action du parquet relative aux infractions commises à l'encontre des personnes investies d'un mandat électif. Par ailleurs, par dépêche du 6 mai 2021, les parquets généraux et parquets ont été invités à transmettre à la direction des affaires criminelles et des grâces, semestriellement, un rapport d'analyse comportant pour chaque cour d'une part, le nombre et la nature des infractions de violences physiques et de menaces avec arme commises à l'encontre des élus et personnes investies d'un mandat électif au cours du semestre concerné, et d'autre part, une analyse des réponses pénales apportées comprenant la politique pénale mise en œuvre dans le ressort ainsi que les peines prononcées en fonction de la nature de l'infraction. Il résulte de l'analyse du second semestre de l'année 2021 que les parquets se sont saisis des instructions de politique pénale en la matière et qu'ils ont développé des relations renforcées avec les élus locaux afin d'améliorer leur information sur les procédures portant sur les faits dont ils sont victimes. En outre, par lettre de mission du 1er décembre 2021, le procureur général de Reims a été chargé de piloter un groupe de travail, composé notamment de représentants de l'association des maires de France dans le but de dessiner les voies d'approfondissement d'une relation renforcée entre les parquets et les maires, dans le respect des places et fonctions de chacun. Ce groupe de travail a rendu, le 8 mars 2022 un rapport formulant 30 recommandations, visant notamment à favoriser la connaissance réciproque des organisations et fonctionnements des parquets et des collectivités territoriales ainsi que l'accompagnement attentif des maires dans l'exercice de leurs prérogatives d'officier d'état civil ou de police judiciaire. Outre la politique pénale mise en œuvre en la matière, la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République a renforcé la répression des actes d'intimidation et menaces à l'encontre des personnes œuvrant pour une mission de service public en créant un délit de menaces séparatistes à l'article 433-3-1 du code pénal réprimant de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende les comportements visant à obtenir une exemption totale ou partielle, ou une application différenciée des règles régissant le fonctionnement du service public. Ce délit s'ajoute aux infractions déjà applicables aux infractions commises à l'encontre des élus, un grand nombre d'infractions étant susceptibles de voir leur peine aggravée en fonction de la qualité de la victime. Par ailleurs, l'article 2-19 du code de procédure pénale permet déjà à toute association départementale des maires régulièrement déclarée, affiliée à l'Association des maires de France, et dont les statuts ont été déposés depuis au moins cinq ans, d'exercer les droits reconnus à la partie civile dans toutes les instances introduites par les élus municipaux à la suite d'injures, d'outrages, de diffamations, de menaces ou de coups et blessures à raison de leurs fonctions. Elle ne sera toutefois recevable dans son action que si elle justifie avoir reçu l'accord de l'élu concerné. En outre, toute fondation reconnue d'utilité publique a la possibilité d'exercer les droits reconnus à la partie civile dans les mêmes conditions et sous les mêmes réserves que celles mentionnées à l'article visé ci-dessus. Enfin, la loi n° 2023-23 du 24 janvier 2023, adoptée à l'unanimité par les deux chambres du Parlement, vise à renforcer l'accompagnement et la protection des parlementaires et élus locaux victimes d'agression, en les soutenant dans leur action judiciaire. Elle modifie l'article 2-19 du code de procédure pénale et permet désormais à toute association nationale reconnue d'utilité publique ou régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans, dont les statuts se proposent d'assurer la défense des intérêts des élus municipaux, départementaux, régionaux, territoriaux et de l'Assemblée de Corse, et sous les mêmes conditions, toute association qui lui est affiliée, de se constituer partie civile. L'alinéa 1er de l'article 2-19 du code de procédure pénale est également modifié afin d'élargir le champ des infractions pour lesquelles la constitution de partie civile est possible à tous les crimes et délits contre les personnes ou les biens, certaines atteintes aux dépositaires de l'autorité publique et tous les délits de presse. Enfin, le nouvel article 2-19 du code de procédure pénale élargit aux associations, assemblées et collectivités visées, la possibilité de se constituer partie civile pour un proche de l'élu, victime des infractions mentionnées à l'aliéna 1er en raison des fonctions ou du mandat de l'élu.

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