Question de M. JACQUIN Olivier (Meurthe-et-Moselle - SER) publiée le 28/07/2022

M. Olivier Jacquin attire l'attention de M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion concernant le statut des travailleurs des plateformes et spécifiquement les chauffeurs de « voiture de transport avec chauffeur » (VTC).
Le 30 mai 2022, le tribunal fédéral suisse a ordonné la suspension d'activité de la plateforme de VTC Uber sur le canton de Genève tant que celle-ci ne consentirait pas à salarier les chauffeurs qu'elle emploie.
Le 10 juin 2022, Uber a signé un accord par l'intermédiaire de sa directrice générale Europe-Moyen-Orient-Afrique dans lequel la plateforme accepte de salarier ses chauffeurs aux termes des articles 319 et 320 CO qui définissent les contrats individuels de travail en Suisse.
À travers cette signature, Uber reconnaît donc pleinement le fait que ses chauffeurs sont des salariés et non des indépendants mais que cela ne pourra être fait que sous la contrainte la plus forte : la menace et l'exécution de la cessation d'activité sur toute ou partie du territoire.
Alors que la justice française a déjà rendu plusieurs obligations de requalifications, et notamment la cour de cassation le 4 mars 2020, et que de très nombreuses procédures sont actuellement en cours d'examen, il lui demande de saisir l'inspection du travail pour effectuer les contrôles nécessaires sur l'ensemble du territoire national et, par l'intermédiaire des préfets, de prononcer des obligations de cessation d'activité jusqu'à la mise en conformité de la plateforme avec le code du travail comme cela vient d'être fait en Suisse.

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Réponse du Ministère du travail, du plein emploi et de l'insertion publiée le 19/01/2023

Depuis 2016 un cadre juridique spécifique a été mis en place, afin d'accompagner le développement du travail via les plateformes numériques, tout en garantissant des droits et protections au bénéfice des travailleurs indépendants des plateformes. Le Gouvernement a fait le choix de fonder l'ensemble de ces droits et garanties sur la notion de « responsabilité sociale », qui s'applique aux plateformes qui déterminent les caractéristiques de la prestation de service fournie ou du bien vendu et fixe son prix. En vertu de cette responsabilité sociale, les travailleurs indépendants qui prestent auprès de ces plateformes bénéficient de droits renforcés, en matière notamment de protection sociale et d'accès à la formation professionnelle. Ils peuvent également constituer des syndicats, y adhérer, et mener des actions concertées de refus de prestation, sans encourir de représailles de la part des plateformes pour avoir exercé ces droits. Les plateformes de la mobilité (VTC, livraison) exerçant une responsabilité sociale sont désormais tenues de communiquer la distance, le prix minimal garanti et la destination à chaque proposition de prestation soumise à un travailleur. De manière plus générale, la loi prohibe les pratiques ayant pour effet de limiter l'indépendance effective des travailleurs, et oblige les plateformes de la mobilité à davantage de transparence. A ce titre, elles doivent publier chaque année sur leur site internet une série d'indicateurs relatifs à la durée et au revenu d'activité de leurs travailleurs indépendants. Par ailleurs, ce cadre juridique a permis de construire, de manière inédite, une représentation et un dialogue social entre les plateformes de la mobilité et les organisations de travailleurs indépendants (environ 120 000 travailleurs dans les secteurs de la conduite de véhicules de transport avec chauffeur et de la livraison de marchandises par véhicules de deux ou trois roues, motorisés ou non). A ce titre, une élection nationale a été organisée en mai dernier par l'autorité des relations sociales de plateformes d'emploi, avec pour finalité d'instaurer une représentation collective des travailleurs indépendants de plateformes de la mobilité. Ces représentants ont été désignés et des négociations entre les organisations représentatives permettront de faire émerger un socle de droits nouveaux, conjuguant les enjeux économiques et organisationnels de ces secteurs de l'économie et l'exigence de protection sociale. Des accords de secteur pourront ainsi être négociés, adoptés et le cas échéant rendus obligatoires à l'ensemble des plateformes du secteur de la mobilité. Il s'agit d'une évolution sans précédent au bénéfice de travailleurs indépendants, qui a abouti à un renforcement de leurs droits tout en préservant leur statut et leur autonomie. Enfin, le Gouvernement partage pleinement les objectifs de protection des travailleurs des plateformes, présentés en décembre 2021 par la Commission européenne dans une série de mesures visant à améliorer leurs conditions de travail. Il convient à ce titre de souligner que le système juridique français permet déjà d'assurer la correcte détermination du statut des travailleurs : d'une part, grâce aux pouvoirs d'enquêtes exercés par les corps de contrôle compétents et d'autre part, sous le contrôle du juge, auquel il revient d'apprécier souverainement l'existence d'un lien de subordination à l'occasion de litiges individuels portant sur la nature de la relation entre un travailleur et une plateforme.

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