Question de M. MASSON Jean Louis (Moselle - NI) publiée le 28/07/2022

Sa question écrite du 20 janvier 2022 n'ayant pas obtenu de réponse sous la précédente législature, M. Jean Louis Masson expose à nouveau à M. le garde des sceaux, ministre de la justice le cas d'une commune qui veut acquérir un terrain dont la propriété est indivise entre plusieurs frères et sœurs. La moitié de ceux-ci acceptant de vendre à la commune les droits leur appartenant, il lui demande si alors la commune peut acquérir la moitié des droits indivis sur le terrain en cause puis mettre en œuvre, une procédure d'expropriation pour acquérir le solde des droits indivis.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 20/10/2022

En premier lieu, le régime juridique de l'indivision permet à un co-indivisaire de céder ses droits indivis à titre onéreux à un tiers. L'article 815-15 du code civil conditionne toutefois une telle cession à l'exercice préalable, par les co-indivisaires, d'un droit de préemption. Le co-indivisaire qui entend vendre à une tierce personne doit tout d'abord notifier au reste de l'indivision le prix et les conditions de vente envisagés, ainsi que l'identité de l'acquéreur potentiel. Chacun des co-indivisaires destinataire de cette notification peut alors, dans le délai d'un mois, préempter les droits indivis en les achetant aux conditions énoncées. De ce fait, une commune qui entendrait acheter les droits indivis de personnes favorables à la cession du bien s'exposera à la préemption de ces droits par des co-indivisaires défavorables à l'opération. Une fois la commune devenue membre de l'indivision, ses co-indivisaires pourront à tout moment solliciter le partage des biens indivis (article 815 du code civil). S'agissant en second lieu de la possibilité d'exproprier des droits indivis, l'article L. 1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique (CECUP) prévoit que l'expropriation ne peut être prononcée qu'à la condition qu'elle réponde à une utilité publique préalablement et formellement constatée à la suite d'une enquête et qu'il ait été procédé contradictoirement à la détermination des parcelles à exproprier ainsi qu'à la recherche des propriétaires, des titulaires de droits réels et des autres personnes intéressées. A ces conditions, l'expropriation peut porter sur tout ou partie d'un immeuble mais également sur des droits réels. Les droits indivis comptant au nombre des droits réels, il est effectivement possible d'en poursuivre l'expropriation (ex : TGI Pontoise, juge de l'expropriation, 9 nov. 2016, n° 15/00059 : donner acte d'un accord sur l'indemnité d'expropriation des droits indivis d'une société au sein d'un centre-commercial). La loi le prévoit expressément en matière d'expropriation des parties communes d'un immeuble soumis au statut de la copropriété, qui sont des biens indivis entre les copropriétaires (art. L. 615-10 du code de la construction et de l'habitation). Dans l'hypothèse envisagée, l'expropriation porterait sur la moitié des droits indivis dans l'immeuble concerné, dont il conviendra de préciser les titulaires et les parts respectives dans l'acte d'expropriation. L'expropriation aurait alors pour effet de réunir entre les mains d'un seul des indivisaires (la commune, titulaire de la moitié des droits indivis en vertu des cessions antérieures), l'ensemble des droits indivis portant sur l'immeuble. L'expropriation mettrait donc fin à l'indivision portant sur cet immeuble. L'indivision successorale ne subsisterait, le cas échéant, que sur le surplus de la masse indivise.

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