Question de M. KERN Claude (Bas-Rhin - UC) publiée le 22/09/2022

M. Claude Kern attire l'attention de Mme la ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques sur l'évolution du décret dit de protection des « événements sportifs d'importance majeure » (EIM) n° 2004-1392 du 22 décembre 2004 pris pour l'application de l'article 20-2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, suite à la récente polémique au sujet de la diffusion sur Amazon Prime du match très attendu de quart de finale de tennis le 31 mai 2022 en session de nuit dans le cadre du tournoi de Roland-Garros.
Aujourd'hui la liste de ces EIM comprend 21 événements, comme les jeux Olympiques, le tournoi des six nations, les demi-finales et la finale du championnat d'Europe de football, le tour de France masculin ou encore le grand prix de France de formule 1 et les seules finales des simples messieurs et dames du tournoi de tennis de Roland-Garros. En vertu de cette réglementation, une chaîne payante ne peut pas se réserver l'exclusivité de la retransmission de l'un de ces événements et les chaînes gratuites nationales doivent pouvoir en obtenir les droits de retransmission pour une exposition au plus grand nombre avec une large accessibilité.
Il est aujourd'hui regrettable que France-télévisions, diffuseur historique depuis plus de 30 ans de Roland-Garros, qui a tant contribué à la popularité et au développement du tennis se voit privé de la diffusion des matchs les plus mythiques du tournoi au profit d'un opérateur américain et payant.
Les conséquences en sont multiples.
En effet, la mise en avant de la diffusion gratuite du match sur Amazon Prime ne leurre personne, dans la mesure où la plateforme a récupéré pléthore de données (une inscription ou création de compte simple sur Amazon était au préalable nécessaire) qui seront, à n'en pas douter, exploitées à des fins de prospection.
Par ailleurs, n'oublions pas que les plateformes de diffusion sont inaccessibles à ceux qui habitent dans des territoires non desservis par internet, ou ne disposant pas d'un débit suffisant.
C'est donc la privatisation des grands événements sportifs, en partie financés par l'argent public, qui se profile si l'État ne joue pas son rôle de régulateur.
Ainsi, au vu du récent communiqué des ministères des sports et de la culture actant leur volonté de « moderniser » cette liste, il souhaite attirer son attention sur l'importance d'y inclure les quart et demi-finales du tournoi de Roland-Garros et à tout le moins connaître les mesures que le Gouvernement compte prendre afin que soit garantie une diffusion en clair à la télévision de ces évènements sportifs majeurs, que ce soit en journée ou en soirée et ainsi permettre à tous les Français de continuer à suivre de pareils moments.

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Réponse du Ministère des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques publiée le 08/12/2022

Pour la transposition des dispositions de la directive 89/552/CEE du Conseil du 3 octobre 1989, dite directive « Télévision sans frontières », aujourd'hui reprise à l'article 14 de la directive 2010/13/UE du Parlement européen et du Conseil du 10 mars 2010 dite directive « Services de médias audiovisuels », l'article 20-2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication dispose que « Les événements d'importance majeure ne peuvent être retransmis en exclusivité d'une manière qui aboutit à priver une partie importante du public de la possibilité de les suivre en direct ou en différé sur un service de télévision à accès libre  ». Le décret n° 2004-1392 du 22 décembre 2004 pris pour l'application de ces mêmes dispositions législatives fixe la liste limitative de ces événements d'importance majeure (EIM) et détermine notamment les conditions s'imposant aux éditeurs de services de télévision pour la diffusion de ces événements sur le territoire français. Cette liste, qui comprend aujourd'hui uniquement des événements sportifs au nombre de 21 (dont certains sont constitués de plusieurs épreuves ou rencontres, soit 26 (1) compétitions sportives à ce jour), a été élaborée conjointement par le ministère de la Culture et le ministère en charge des sports en concertation avec les professionnels des secteurs audiovisuel et sportif. Pour répondre à la qualification d'événements sportifs d'importance majeure (EIM), un événement doit répondre aux critères fixés par la directive « Services de médias audiovisuels », lesquels ont été précisés par la Commission européenne et sont contrôlés par elle à l'occasion de la notification par un État membre d'un projet de modification de sa liste d'évènements. La Commission européenne vérifie ainsi que l'évènement répond à deux des quatre critères suivants :  il rencontre un écho particulier dans l'État membre ; il participe à l'identité culturelle nationale ; l'équipe nationale y participe s'agissant d'une compétition de sport collectif ; il fait traditionnellement l'objet d'une retransmission sur une télévision à accès libre et mobilise un large public dans l'État membre. S'agissant des conditions garantissant l'accès du plus grand nombre de téléspectateurs aux EIM, le décret du 22 décembre 2004 prévoit que ces événements doivent bénéficier d'une diffusion télévisuelle en principe en direct et en intégralité sur un service de télévision à accès libre de la télévision numérique terrestre (TNT), c'est-à-dire sur une chaîne nationale de la TNT en clair ou une plage en clair d'une chaîne nationale de la TNT à péage. Ce même décret édicte par ailleurs une obligation de moyens à l'égard des services de télévision à accès restreint qui, s'ils ne peuvent assurer eux-mêmes la retransmission de l'EIM dans des conditions équivalentes aux services de télévision à accès libre, doivent leur proposer la cession des droits de diffusion de ces événements dans un délai raisonnable et selon des conditions de marché équitables, raisonnables et non discriminatoires. Aucune obligation d'achat de ces droits ne pèse cependant sur les services de télévision à accès libre. La distinction classique sur laquelle repose le régime protecteur des EIM, entre services gratuits et payants de télévision, est aujourd'hui largement remise en cause par l'émergence des acteurs de l'internet sur le marché des droits d'exploitation audiovisuelle de compétitions sportives. C'est en ce sens que la problématique ouverte par la diffusion par Amazon Prime, le 31 mai dernier, de la rencontre des Internationaux de France de tennis Djokovic-Nadal, se heurte à l'inopposabilité du dispositif de protection de l'accès du plus large public aux EIM à une plateforme audiovisuelle établie dans un autre État membre de l'Union européenne, quelque modification qu'il puisse être envisagé à la liste française des EIM. Or, une modification de la réglementation relative aux EIM dans le sens d'une extension de son champ d'application au-delà des seuls services de télévision, quelque pertinente qu'elle puisse apparaître, appelle nécessairement une évolution du cadre juridique au niveau européen qui nécessite, dans le plus optimiste des cas, un délai significatif d'élaboration. Sans attendre toutefois cette réforme importante du cadre juridique européen, le Gouvernement procède actuellement, comme indiqué à la représentation nationale lors des travaux préparatoires à l'adoption de la loi n° 2022-296 du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport en France, à l'actualisation de la liste des EIM. Cette modification réglementaire a été précédée d'une consultation des professionnels de l'audiovisuel et du sport et donnera lieu dans les semaines qui viennent à une notification à la Commission européenne afin qu'elle se prononce sur la compatibilité des compléments ainsi proposés à la liste. (1) Le Grand Prix de France de Formule 1 ne se disputera pas en 2023 et son organisation les années ultérieures reste à ce stade hypothétique.

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