Question de Mme MORIN-DESAILLY Catherine (Seine-Maritime - UC) publiée le 27/10/2022

Question posée en séance publique le 26/10/2022

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Catherine Morin-Desailly. Ma question concerne plusieurs ministères, mais s'adresse d'abord à Mme la ministre de la culture, qui a la tutelle sur les collections publiques.

En juillet 2020, pour célébrer le cinquante-huitième anniversaire de l'indépendance de l'Algérie, la France a restitué à Alger 24 crânes détenus au musée de l'Homme, supposés être ceux de chefs de la résistance tués pendant la conquête coloniale. Or une enquête du New York Times vient de révéler que la majorité de ces crânes seraient non identifiés ou d'origine incertaine.

Certains parlent d'imbroglio ou de procédure imparfaite, d'autres de scandale d'État. Il semble que le travail du comité d'experts scientifiques franco-algérien qui œuvrait depuis 2018 à l'identification des crânes, condamné à la plus stricte confidentialité, ait été écourté. Pourquoi ? Si nous ne contestons nullement sur le fond ce geste hautement symbolique de réconciliation, pourquoi a-t-il été dénaturé ? Pourquoi le Gouvernement a-t-il formellement décidé seul d'une convention de dépôt, et non d'un acte législatif de restitution, tout en en revendiquant l'appellation ?

Madame la ministre, le Parlement, pourtant garant des collections nationales, a été totalement contourné dans cette affaire, et je le regrette. Nous sommes en droit d'obtenir des réponses. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – MM. Rachid Temal et Rémi Féraud applaudissent également.)


Réponse du Ministère de la culture publiée le 27/10/2022

Réponse apportée en séance publique le 26/10/2022

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la culture.

Mme Rima Abdul-Malak, ministre de la culture. Madame la sénatrice Morin-Desailly, je vous remercie de votre engagement de longue date sur ce sujet.

Cet enjeu me tient également à cœur. La politique de restitution consiste à regarder notre histoire en face et à nouer des relations de partenariat et d'amitié nouvelles avec d'autres pays et d'autres peuples. C'est un chemin subtil, respectueux, qui n'est celui ni du déni ni de la repentance, mais celui de la reconnaissance.

Les crânes algériens que vous mentionnez ont été déposés, et non restitués. Les autorités françaises et algériennes ont mis en place en décembre 2017 un comité mixte, qui était chargé d'identifier formellement ces restes humains dans les réserves du Muséum national d'histoire naturelle.

Un travail d'étude rigoureux a duré dix-huit mois. La commission est arrivée à la conclusion que 24 crânes sur 45 remplissaient toutes les conditions pour être restitués, et c'est sur cette base consensuelle et documentée qu'ils ont été remis sous la forme d'un dépôt à l'Algérie. Il n'a jamais été dit le contraire.

Je vous renvoie d'ailleurs au communiqué final du comité intergouvernemental de haut niveau, qui, dans son paragraphe 19, mentionne précisément des « restes humains présumés algériens conservés dans les collections publiques françaises ». Toutes les précautions nécessaires avaient donc été prises.

Au-delà de ce cas spécifique, dont nous aurons l'occasion de reparler, nous allons travailler ensemble à une loi-cadre fixant une doctrine, une méthode et des critères de restitution sur ce sujet des restes humains, mais aussi sur ceux des biens spoliés juifs – un cas très différent –, des biens pillés pendant la colonisation en Afrique ou de ceux qui ont été pris de façon illégale ou illégitime.

Je ne doute pas que nous aurons de riches débats lors de l'examen de ce projet de loi. (M. Alain Richard applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour la réplique.

Mme Catherine Morin-Desailly. Je me réjouis de ce travail partagé, enfin !

Le Sénat, comme vous le savez, a déjà engagé des travaux très importants en la matière. Pierre Ouzoulias, Max Brisson et moi-même, avec le soutien de notre président de commission Laurent Lafon, avons d'ores et déjà formulé des propositions.

Par ailleurs, un texte de loi a été voté à l'unanimité de notre assemblée en janvier dernier sur la question des restes humains dits « sensibles ». Si ce texte avait été définitivement voté, il aurait totalement résolu la question des restitutions de crânes à l'Algérie.

Au demeurant, il me semble malgré tout que vous défendez l'indéfendable, madame la ministre. J'ai là les conclusions de la commission chargée d'examiner les propositions de restitution de ces restes humains d'origine algérienne, qui s'est réunie le 25 juin 2020.

Elle alerte sur un risque de protestations en raison du caractère précipité et autoritaire de l'opération. Elle note aussi que les modalités imposées par l'urgence diplomatique interrompent le travail de mémoire réalisé par le comité d'experts. Elle souligne enfin que le ministère de la culture a été écarté de cette procédure, tout comme le Parlement.

M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.

Mme Catherine Morin-Desailly. Il faut remettre de l'ordre dans ce sujet, pour souligner l'importance du bien-fondé de la réconciliation des mémoires. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Sylvie Robert et M. Mickaël Vallet applaudissent également.)

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