Question de M. DÉTRAIGNE Yves (Marne - UC) publiée le 20/10/2022

M. Yves Détraigne souhaite appeler l'attention de M. le ministre de la santé et de la prévention sur une maladie qui gâche la vie de nombreuses personnes, la migraine.
En effet, chez un migraineux sur quatre, la sévérité des crises entraîne un retentissement socioprofessionnel important. Jusqu'à présent, pour tenter de réduire la fréquence des crises de migraine, les neurologues détournaient des médicaments destinés au départ à traiter d'autres pathologies (antiépileptiques, antidépresseurs, ou bêtabloquants) avec des résultats très variables en fonction des personnes. Aujourd'hui, un premier traitement de fond spécifique à la migraine (les anticorps monoclonaux anti-CGRP) a fait son apparition et permis à des patients de voir la fréquence de leur migraine chuter de plus de 70 %, voire disparaître.
Les anti-CGRP sont vitaux pour ces personnes, dont certaines souffrent d'une quinzaine de crises par mois depuis plus de trente ans. Or, les trois anti-CGRP disponibles en France ne sont pas remboursés. Selon les régions et selon les pharmacies, les patients vont débourser pour une boîte de médicament entre 206 à 350 euros, à renouveler tous les vingt-huit jours, donc treize fois par an. Soit une somme totale à débourser pouvant varier de 2 678 à 4 550 euros.
Aujourd'hui, malgré un remboursement total ou partiel dans de nombreux pays européens, une forte mobilisation des associations de patients et une pétition récente lancée par une société savante, la haute autorité de santé (HAS) considère que ces traitements ne peuvent être remboursés que s'ils permettent des économies dans les coûts de traitement. Les anti-CGRP devraient donc coûter moins cher que les traitements actuels de la migraine, dont le coût varie entre 13 et 22 euros pour douze comprimés…
Cet argument n'est pas entendable pour les 45 000 migraineux en France qui ont épuisé tous les autres traitements et pour les 20 millions de journées de travail perdues chaque année… La migraine est également classée par l'organisation mondiale de la santé (OMS) parmi les vingt maladies ayant le plus fort impact sociétal… Par conséquent, il lui demande de prendre des mesures pour que les anticorps monoclonaux anti-CGRP soient pris en charge par la sécurité sociale.

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Réponse du Ministère de la santé et de la prévention publiée le 08/12/2022

Trois spécialités pharmaceutiques, indiquées dans le traitement de fond de la migraine, appartenant à la nouvelle classe des anti-CGRP (calcitonine gene related peptide), ont obtenu une autorisation de mise sur le marché en 2018 et 2019. Il s'agit d'AIMOVIG®, erenumab, AJOVY®, fremanezumab et EMGALITY®, galcanezumab, exploités respectivement par les laboratoires Novartis, Teva et Lilly. Un accord sur le prix n'a pas été trouvé lors des négociations de prix entre le Comité économique des produits de santé (CEPS) et les laboratoires exploitants, ils ne sont donc pas pris en charge par l'assurance maladie. La migraine est une maladie douloureuse et invalidante qui peut se traduire par un handicap et une dégradation marquée de la qualité de vie, notamment pour les patients souffrant de migraine sévère. La Commission de la transparence (CT) de la Haute autorité de santé (HAS) chargée d'évaluer l'intérêt thérapeutique de ces produits dans le panier de soins remboursables a souligné lors de son analyse l'existence de différents traitements actuellement pris en charge dans le traitement de fond de la migraine et pouvant être considérés comme des comparateurs cliniquement pertinents de ces nouvelles spécialités de la classe des anti-CGRP. Ces comparateurs permettent une prise en charge de l'ensemble des stades de la pathologie avec des traitements de première et seconde intention (Lopressor, Seloken, Avlocardyl, Epitomax) mais également des traitements de recours (Sanmigran, Nocertone et Sibelium) ainsi que des alternatives non médicamenteuses pouvant aussi être mobilisées pour la prise en charge des patients. Malgré la démonstration d'une efficacité clinique par rapport à un placebo alors qu'il existe des comparateurs médicamenteux et d'une quantité d'effet modérée uniquement dans une sous-population, cette même commission a octroyé à EMGALITY®, AJOVY®, AIMOVIG®, un Service médical rendu (SMR) important dans une population plus restreinte que celle de l'AMM limitée aux patients atteints de migraine sévère avec au moins 8 jours de migraine par mois, en échec à au moins deux traitements prophylactiques et sans atteinte cardiovasculaire. Pour ces 3 médicaments, la Commission de la Transparence considère également une absence d'amélioration de service médical rendu (ASMR V) au regard de la quantité d'effet modeste sur la variation du nombre de jours de migraine par mois dans la migraine épisodique et chronique, de l'absence de données robustes de qualité de vie et en dépit de nouvelles données comparatives versées par les laboratoires au moment de la réévaluation dans une population non recommandée à la prise en charge. Conformément aux dispositions de la loi, la fixation du prix d'un médicament tient compte principalement de l'amélioration du service médical rendu par le médicament. Les discussions tarifaires entre le Comité économique des produits de santé (CEPS) et les laboratoires exploitant ces spécialités se sont ainsi fondées sur les critères légaux, réglementaires et conventionnels qui définissent le cadre de négociation, une spécialité d'ASMR V ne pouvant être inscrite au remboursement que dans le cas où elle génère une économie dans les coûts de traitement. Malgré plusieurs propositions de la part du CEPS, ces discussions n'ont pu aboutir du fait des prétentions tarifaires extrêmement élevées des industriels au regard des dépenses actuellement engagées pour le traitement médicamenteux de la migraine. Face à l'impossibilité pour les industriels de formuler des propositions tarifaires compatibles avec les dispositions législatives, réglementaires et conventionnelles se traduisant par un échec des négociations, de l'existence de 7 autres médicaments pris en charge dans le traitement de la migraine, du risque de tolérance à long terme (risques cardiovasculaires et immunogénicité) et de l'absence de réponse supplémentaire au besoin médical partiellement couvert, ces 3 antimigraineux anti CGRP n‘ont pas pu être inscrits sur les listes des médicaments remboursables. Néanmoins, cette non-inscription ne préjuge pas de l'issues de nouvelles négociations qui pourraient se tenir à la demande d'un des laboratoires s'il souhaite s'inscrire dans le cadre réglementaire, ou encore après soumission à la commission de la Transparence de nouvelles données permettant l'octroi d'une ASMR revalorisée. Le ministère de la santé et de la prévention est pleinement conscient du besoin médical qui subsiste pour traiter des patients en impasse de traitement souffrant de migraine, qui du fait de sa grande prévalence et du retentissement qu'elle induit, est classée par l'Organisation mondiale de la santé parmi les vingt maladies ayant le plus fort impact sociétal. Le ministère espère vivement que les laboratoires seront en mesure de déposer de nouvelles données démontrant l'intérêt du produit par rapport à des comparateurs médicamenteux ou accepteront de négocier dans le cadre règlementaire existant. Au-delà, des travaux récents mettent en lumière l'impact de l'inhibition de la protéine HDAC6 dans la réduction de la douleur liée à la migraine et ouvrent également la voie au développement de nouvelles alternatives thérapeutiques dans cette pathologie.

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