Question de M. DECOOL Jean-Pierre (Nord - Les Indépendants-A) publiée le 03/11/2022

M. Jean-Pierre Decool attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer à propos de la consommation de cannabidiol (CBD). À la suite de plusieurs instructions et retraits de permis, il a été observé que certains produits CBD contenaient du THC (tétrahydro-cannabinol), soit la principale molécule active du cannabis. Ce qui conduit les personnes contrôlées à un test positif aux stupéfiants à être condamnées. La teneur en THC variant selon les produits entraine donc un comportement répréhensible et donc une infraction. Or la législation actuelle n'interdit pas de conduire et de consommer du CBD. Il existe donc un vide juridique qui entraine des situations complexes : des personnes sont condamnées au retrait de permis en attendant la décision de justice qui prouve parfois leur innocence.
Il lui demande s'il entend opérer une différence entre la consommation de cocaïne et la consommation de CBD ou s'il entend exiger une analyse sanguine ou urinaire afin de préciser la nature de la consommation.

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Réponse du Ministère de l'intérieur et des outre-mer publiée le 29/06/2023

Le Gouvernement est pleinement engagé dans la lutte contre la délinquance routière et plus particulièrement en matière de conduite après usage de stupéfiants. Selon le bilan de l'accidentalité de l'année 2021 de l'Observatoire national interministériel de la sécurité routière, un conducteur était en effet positif aux stupéfiants dans un accident mortel sur cinq. Cette part était portée à un accident mortel sur trois la nuit au cours des week-ends. L'article L. 235-1 du Code de la route incrimine le fait pour toute personne de conduire un véhicule ou d'accompagner un élève conducteur "alors qu'il résulte d'une analyse sanguine ou salivaire qu'elle a fait usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants". À ce titre, l'arrêté du 22 février 1990 fixe la liste des substances classées comme stupéfiants. Si le cannabidiol n'y est pas inscrit en tant que tel, l'arrêté classe cependant le tétrahydrocannabinol (THC) et ses dérivés dans la catégorie des stupéfiants. Le cannabidiol (CBD) est une des principales substances actives du cannabis, généralement extraite du « cannabis sativa » ou « chanvre » dans la mesure où cette variété contient naturellement un taux élevé de CBD, et un faible taux de tétrahydrocannabinol (THC). L'article R. 5132-86-1 du Code de la santé publique autorise la culture, l'importation, l'exportation et l'utilisation, à des fins industrielles et commerciales, des seules variétés de cannabis sativa L. dépourvues de propriétés stupéfiantes et l'arrêté du 30 décembre 2021 pris pour son application, fixe la teneur maximum en THC de ces variétés à 0,30 %. En outre, par une décision de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, les produits à base d'hexahydrocannabinol (HHC), une molécule dérivée du cannabis, sont interdits en France depuis le 13 juin 2023. Les termes « produits CBD » utilisés dans le langage courant ne traduisent pas la réalité et la complexité de la composition des produits vendus et consommés, qui contiennent principalement du CBD mais aussi du THC. Il en résulte que la prise de ces produits augmente le risque de positivité d'un dépistage lors d'un contrôle routier du fait de la présence systématique de THC, surtout en cas d'usage régulier. Au visa de l'article L. 235-1 du Code de la route, la Cour de cassation rappelle de jurisprudence constante, qu'est incriminé le seul fait de conduire un véhicule après avoir fait usage de stupéfiants, dès lors que cet usage résulte d'une analyse sanguine ou salivaire, sans qu'il ne soit fait référence à un taux de concentration. Par coordination, il est prévu qu'en cas de dépistage positif, les forces de l'ordre procèdent, par mesure de sûreté, à la rétention immédiate du permis de conduire pendant un délai maximum de 120 heures, au cours duquel le préfet compétent peut, si l'analyse biologique de vérification établit un usage de stupéfiants, prendre un arrêté de suspension du permis de conduire pour une durée maximum d'un an, dans l'attente de la décision judiciaire (articles L. 224-1 et L. 224 2 du Code de la route). Si lors d'un contrôle routier, le dépistage est positif, il est en effet procédé à un prélèvement salivaire aux fins d'analyse. A la suite de ce prélèvement, il est demandé au conducteur s'il souhaite se réserver la possibilité de demander une contre-expertise ou la recherche de l'usage de médicaments psychoactifs pouvant avoir des effets sur la capacité de conduire le véhicule, auquel cas, il est procédé à un prélèvement sanguin (articles L. 235-2, R. 235-6 et R. 235-11 du Code de la route). Par conséquent, il n'y a aucun vide juridique : dès lors qu'un rapport d'analyse sanguine ou salivaire, dont l'objectif n'est pas de déterminer la nature stupéfiante d'un produit mais de caractériser l'usage de stupéfiants, confirme la présence d'un produit stupéfiant dans l'organisme d'un conducteur de véhicule, l'infraction est constituée. Le fait que le produit stupéfiant soit issu d'un produit dont la consommation est autorisée est sans objet, l'article L. 235-1 du Code de la route est rédigé dans un objectif de sécurité routière et non de santé publique, ne faisant aucune référence au caractère licite ou illicite de l'usage du produit stupéfiant. Si le CBD n'est pas un produit stupéfiant, il reste tout de même une substance à effet psychoactif, dont les effets relaxants et anxiolytiques recherchés, peuvent altérer les capacités de conduite et avoir des interactions avec d'autres molécules, notamment des médicaments.

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