Question de M. GOLD Éric (Puy-de-Dôme - RDSE) publiée le 24/11/2022

M. Éric Gold attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur la formalisation des servitudes liées à la collecte et au transport des réseaux d'eaux pluviales urbaines. Ces servitudes grèvent généralement les cours et jardins de terrains privés bâtis qui sont exclus du champ d'application des servitudes d'utilité publique (L.152-1 du code rural). Dès lors, le cadre applicable est celui des servitudes conventionnelles qui nécessitent, au regard de l'article 686 du code civil, l'existence d'un fonds dominant. Ce dernier étant généralement inexistant en matière d'eaux pluviales (le rejet s'effectuant au milieu naturel, non cadastré), il est alors impossible d'établir une servitude selon les deux mécanismes précités. Il lui demande donc de bien vouloir lui préciser la règlementation applicable dans le cas de réseaux présents dans les cours et jardins de terrains privés bâtis.

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Réponse du Ministère de l'intérieur et des outre-mer publiée le 23/02/2023

L'article L. 152-1 du Code rural et de la pêche maritime institue une servitude de passage de canalisations souterraines, qui constitue un droit immobilier grevant un immeuble sans en modifier pour autant la propriété. Selon cet article « Il est institué au profit des collectivités publiques, des établissements publics ou des concessionnaires de services publics qui entreprennent des travaux d'établissement de canalisations d'eau potable ou d'évacuation d'eaux usées ou pluviales une servitude leur conférant le droit d'établir à demeure des canalisations souterraines dans les terrains privés non bâtis, excepté les cours et jardins attenant aux habitations. » Par conséquent, une telle servitude ne peut être instituée pour une canalisation traversant des cours et jardins jouxtant des maisons d'habitation. Dans ce cas, les seules possibilités ouvertes pour la personne publique sont l'accord amiable avec les propriétaires, la modification du tracé de la canalisation ou la procédure d'expropriation. Dans cette dernière hypothèse, il ne s'agit alors plus de l'établissement d'une servitude puisque la procédure d'expropriation, contrairement à la servitude, entraîne un transfert de propriété. Cette distinction entre les procédures ressort clairement de la jurisprudence. Celle-ci a considéré que la pose d'une canalisation pluviale, « qui a dépossédé les propriétaires de cette parcelle d'un élément de leur droit de propriété, ne pouvait être mise à exécution qu'après soit l'accomplissement d'une procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique, soit l'institution de servitudes dans les conditions prévues par les dispositions (...) codifiées aux articles L. 152-1, L. 152-2 et R. 152-1 à R. 152-15 du code rural, soit, enfin, l'intervention d'un accord amiable avec les propriétaires intéressés » (Conseil d'État 8 mars 2002, n° 231843, confirmé par le Tribunal des conflits, 17 décembre 2007, C 3586). Si la charge résultant de l'installation de la canalisation ne profite à aucun fonds en particulier, et qu'il n'existe donc pas de fonds dominant au sens des articles 637 et 686 du Code civil, l'accord à conclure entre la personne publique et le propriétaire concerné ne pourra pas revêtir la forme d'une servitude conventionnelle (Cour de cassation, 3ème chambre civile, 25 mars 1992, pourvoi n° 89-21.866). Il pourrait en revanche correspondre à l'institution, par convention, d'un droit réel de jouissance spéciale sur le fonds concerné.

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