Question de M. GOLD Éric (Puy-de-Dôme - RDSE) publiée le 24/11/2022

M. Éric Gold interroge M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur la procédure d'établissement d'une servitude d'utilité publique (SUP) pour le passage de canalisations d'eau. Il semblerait qu'à la lecture combinée des articles L.152-1 et R.152-1 du code rural, les servitudes de canalisations d'utilité publique ne peuvent être imposées qu'en cas d'échec de négociation amiable. En effet, l'article R.152-1 du code rural précise qu'une servitude ne peut être établie que si « les propriétaires intéressés n'ont pas donné les facilités nécessaires à l'établissement (de ladite servitude) ». Dès lors, si la négociation aboutit, le champ d'application des SUP semble exclu au profit d'une forme conventionnelle (droit privé). Compte tenu qu'une servitude conventionnelle nécessiterait l'existence d'un fonds dominant, la collectivité se retrouverait dans une impasse pour formaliser le passage des canalisations. En effet, il est fréquent que la collectivité ne dispose pas de fonds dominant, notamment en matière d'eaux pluviales, directement acheminées vers le milieu naturel. Dès lors, se pose la question de la forme juridique que la servitude revêtira. Dans ces conditions, il demande que soit précisé le régime de la servitude contractuelle à établir, dans le cadre d'une procédure amiable pour éviter une servitude d'utilité publique, sans avoir à justifier d'un fonds dominant.

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Réponse du Ministère de l'intérieur et des outre-mer publiée le 23/02/2023

L'article L. 152-1 du Code rural et de la pêche maritime institue une servitude de passage de canalisations souterraines, qui constitue un droit immobilier grevant un immeuble sans en modifier pour autant la propriété. Selon cet article « Il est institué au profit des collectivités publiques, des établissements publics ou des concessionnaires de services publics qui entreprennent des travaux d'établissement de canalisations d'eau potable ou d'évacuation d'eaux usées ou pluviales une servitude leur conférant le droit d'établir à demeure des canalisations souterraines dans les terrains privés non bâtis, excepté les cours et jardins attenant aux habitations. » Par conséquent, une telle servitude ne peut être instituée pour une canalisation traversant des cours et jardins jouxtant des maisons d'habitation. Dans ce cas, les seules possibilités ouvertes pour la personne publique sont l'accord amiable avec les propriétaires, la modification du tracé de la canalisation ou la procédure d'expropriation. Dans cette dernière hypothèse, il ne s'agit alors plus de l'établissement d'une servitude puisque la procédure d'expropriation, contrairement à la servitude, entraîne un transfert de propriété. Cette distinction entre les procédures ressort clairement de la jurisprudence. Celle-ci a considéré que la pose d'une canalisation pluviale, « qui a dépossédé les propriétaires de cette parcelle d'un élément de leur droit de propriété, ne pouvait être mise à exécution qu'après soit l'accomplissement d'une procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique, soit l'institution de servitudes dans les conditions prévues par les dispositions (...) codifiées aux articles L. 152-1, L. 152-2 et R. 152-1 à R. 152-15 du code rural, soit, enfin, l'intervention d'un accord amiable avec les propriétaires intéressés » (Conseil d'État 8 mars 2002, n° 231843, confirmé par le Tribunal des conflits, 17 décembre 2007, C 3586). Si la charge résultant de l'installation de la canalisation ne profite à aucun fonds en particulier, et qu'il n'existe donc pas de fonds dominant au sens des articles 637 et 686 du Code civil, l'accord à conclure entre la personne publique et le propriétaire concerné ne pourra pas revêtir la forme d'une servitude conventionnelle (Cour de cassation, 3ème chambre civile, 25 mars 1992, pourvoi n° 89-21.866). Il pourrait en revanche correspondre à l'institution, par convention, d'un droit réel de jouissance spéciale sur le fonds concerné.

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