Question de M. MAUREY Hervé (Eure - UC) publiée le 22/12/2022

M. Hervé Maurey attire l'attention de Mme la ministre de la culture sur la disparition de nombreux objets des collections nationales.

Les travaux de la commission de récolement des dépôts d'œuvres d'art mettent en évidence que de nombreuses pièces qui ont été déposées par le centre national des arts plastiques, le service des musées nationaux, le Mobilier national, la manufacture de Sèvres dans des institutions sont introuvables.

Ainsi, la part des objets dont la trace a été perdue est de plus de 40 %. Elle atteint 62 % dans les ministères, 73 % dans les grandes institutions (Élysée, Parlement, Conseil économique, social et environnemental, Conseil d'État, Cour de cassation, Cour des comptes) et 55 % dans les institutions étrangères (ambassades,…). Si on exclut les dépôts de la manufacture de Sèvres, pour beaucoup des pièces de vaisselle, ces taux atteignent respectivement 26 %, 10 % et 20 %.

Il peut être relevé que plus de 38 % des peintures et des sculptures, 9,5 % du mobilier, et 79 % des pièces des porcelaines prêtées à l'Élysée, institution qui compte le plus de pièces déposées (plus de 75 000), ont disparu.

Le ministère de l'agriculture est le ministère qui compte le taux de disparition (43 %) des œuvres d'art (hors manufacture Sèvres) le plus élevé.

Certaines œuvres disparues ont une valeur importante, parfois plusieurs dizaines de milliers d'euros.

Les causes de ces disparitions sont diverses, soit que la pièce ait été déplacée et égarée en l'absence de traçabilité, soit qu'elle ait été détruite, ou encore qu'elle ait été volée.

Malgré les nombreuses œuvres concernées, la commission de récolement des dépôts d'œuvres d'art relève le faible nombre de plaintes déposées. Ainsi, seulement 15 % des objets disparus font l'objet d'une plainte. 14 plaintes seulement ont été déposées pour les 700 œuvres d'art (hors manufacture de Sèvres) de l'Élysée disparues.

Aussi, il souhaite connaître les mesures qu'elle compte prendre pour assurer un réel suivi des collections nationales dispersées dans les différentes institutions, retrouver les pièces déjà disparues, éviter de telles disparitions et, lorsqu'elles surviennent, des mesures rapides soient prises pour les retrouver et que, s'il existe une suspicion de vol, une plainte soit déposée.

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Réponse du Ministère de la culture publiée le 02/03/2023

Les grands établissements du champ de la création (centre national des arts plastiques - CNAP), Mobilier national et Cité de la céramique, Sèvres et Limoges) comptent parmi les plus grands déposants. Les collections placées sous la garde du CNAP et du Mobilier national comptent chacune plus de 100 000 pièces (107 000 œuvres pour le CNAP, 130 000 pièces pour le Mobilier national). La diffusion des collections nationales par les prêts et les dépôts constitue une mission essentielle de ces établissements depuis leurs origines. La manufacture de Sèvres dépose plus de 250 000 pièces en France et à l'étranger. Sur les 107 000 œuvres gérées par le CNAP, 59 000 sont déposées auprès de 6 150 dépositaires (93 % en France auprès de musées, ministères, assemblées parlementaires, services déconcentrés de l'État, mais aussi dans les mairies, les églises, l'espace public ou les postes diplomatiques à l'étranger, pour 7 %, depuis 1791). Le Mobilier national compte plus de 25 000 biens déposés (bureaux, fauteuils, chaises, tables, tapis, tapisseries, luminaires, etc.) dans près de 600 institutions dépositaires. Il convient de noter que les données mentionnées par la Commission de récolement des dépôts d'œuvres d'art (CRDOA) prennent en compte des dépôts très anciens, intervenus depuis le XIXe siècle et parfois mal documentés et qu'ils portent pour beaucoup sur des objets usuels, et notamment de la vaisselle de table, fragile et dont la casse n'a pas toujours été bien documentée. Les conditions de prêts et dépôts des œuvres du CNAP ou des objets du Mobilier national sont encadrées par des dispositions spécifiques du code du patrimoine. Elles prévoient ainsi, pour le CNAP, que le prêt ou le dépôt donne lieu, préalablement à sa mise en œuvre, à la souscription par le bénéficiaire d'une assurance pour le transport et le séjour de l'œuvre ou de l'objet d'art couvrant les risques de vol, de disparition, de détérioration ou de destruction. L'ancienneté de certains dépôts, l'état lacunaire des inventaires anciens et des registres de dépôt ainsi que l'extrême dispersion de ces dépôts sur le territoire national comme à l'étranger rendent le travail long et fastidieux. À ce jour, près de 75 % des œuvres déposées ont été récolées. Les opérations de récolement des dépôts gérées par le CNAP ont commencé en 1996 et sont encadrées par la CRDOA. Depuis 2020 et 2021, le processus de récolement a été partiellement dématérialisé par le CNAP, permettant une accélération du chantier. Cette obligation réglementaire, inscrite dans le code général de la propriété des personnes publiques concernant le domaine public de l'État (article L. 2112-1) et dans le code du patrimoine (article L. 451-2) a été précisée dans la circulaire N°6081/SG du Premier ministre sur la gestion des biens datée du 15 avril 2019. Depuis quinze ans, l'ensemble des grandes institutions gouvernementales fait l'objet d'un récolement quinquennal, doublé d'inspections régulières. Ce rythme de récolement a permis de faire diminuer singulièrement la liste des objets « non vus ». Sur les trois derniers quinquennats, moins de 5 % des objets déposés ont été « non vus », et, parmi eux, aucun objet précieux. Toute disparition d'objet de valeur patrimoniale fait l'objet d'une plainte, après les vérifications d'usage. Ces informations permettent l'inscription des œuvres dans la base TREIMA II du ministère de l'intérieur, gérée par l'Office central de lutte contre le trafic des biens culturels. Cette base de données représente un outil complémentaire pour veiller à repérer sur le marché de l'art les œuvres relevant du domaine public de l'État. Elle alimente également la base d'Interpol. Le ministère de la culture, la CRDOA, les institutions culturelles et les services du ministère de l'intérieur collaborent pour améliorer et adapter l'efficacité des plaintes comme des revendications, au regard notamment de la transformation numérique du marché de l'art, et la multiplication des plateformes de vente en ligne.

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