Question de Mme GOULET Nathalie (Orne - UC) publiée le 29/12/2022

Mme Nathalie Goulet interroge Mme la ministre de la culture sur le bradage du mobilier national du château de Grignon.

Une console prétendument expertisée « de style », c'est-à-dire pas « d'époque », estimée à 40 euros, vendue pour guère cinq fois plus. Elle s'est révélée dater de 1780 et est partie à Drouot en novembre pour 13 000 euros.

Vingt chaises estampillées d'un menuisier fournisseur de la cour de Louis XVI, estimées à 170 euros le lot par l'État, adjugées 6 240 euros. Elles sont en réalité estimées aujourd'hui par les experts — on aurait envie de dire par les vrais professionnels — entre 300 000 et 500 000 euros !

Alors que la loi oblige les ministères concernés (culture et agriculture) à soumettre les biens susceptibles d'être vendus au service des domaines, ce dernier n'a pas été informé.
Or, la mission du Mobilier national est justement de protéger le patrimoine mobilier. Celui-ci n'était même pas au courant.

L'association Sites et monuments a écrit aux deux ministères concernés, ainsi qu'à Bercy, insistant sur le fait que certains des lots, notamment un ensemble prestigieux, sont déjà partis en Grande-Bretagne.

Elle souhaite donc savoir si les ministres concernés ont l'intention d'engager une enquête sur les conditions scandaleuses de session du mobilier national appartenant au château de Grignon et de faire annuler les ventes, et si les ministres comptent prendre des mesures pour éviter qu'une telle gabegie ne se reproduise et des sanctions contre les responsables quand ils seront identifiés.

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Réponse du Ministère de la culture publiée le 01/06/2023

Le château de Grignon, construit au XVIIe siècle pour Nicolas de Bellièvre, est acheté par Charles X, qui y installe l'Institution royale agronomique de Grignon, devenue, après plusieurs changements de nom, AgroParisTech. Dans le cadre du projet de déménagement de l'école sur le plateau de Saclay, la vente du château, inscrit au titre des monuments historiques par arrêté du 5 juillet 1941, a été envisagée par l'État. Comme le prévoit l'article L. 621-29-9 du code du patrimoine, le projet de cession du domaine a été soumis à la Commission nationale du patrimoine et de l'architecture le 23 janvier 2020. Celle-ci a émis un avis partagé et a formulé le voeu d'une étude des collections mobilières de l'école et de leur protection au titre des monuments historiques. Le 2 mars 2020, le ministère de la culture a proposé l'assistance et l'expertise de ses services en vue de l'évaluation et de la préservation de ces collections. En raison, semble-t-il, d'une mauvaise estimation de l'intérêt et de la valeur du mobilier meublant historiquement le château de Grignon (une console et une vingtaine de sièges du XVIIIe siècle, pour la plupart estampillés de Jean-Baptiste Sené, mais identifiés à tort comme des meubles de style), qui ne figurait pas sur les inventaires du Mobilier national, son existence n'a pas été portée à la connaissance des experts du ministère de la culture, lors de leur visite du 14 septembre 2022. Ils n'ont dès lors pu s'intéresser qu'au mobilier technique de l'école. Les procédures, notamment le visa du Mobilier national, prévues préalablement à la cession par l'article D. 113-16 du code du patrimoine, n'ont pas été suivies, probablement, sans préjudice des résultats de l'enquête en cours, pour les mêmes raisons, liées à la mauvaise estimation de l'intérêt et de la valeur de ces meubles. Dans sa réponse à la question écrite de la députée Caroline Colombier, publiée au Journal officiel de l'Assemblée nationale le 21 février 2023, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire a ainsi précisé que, lors de l'examen des meubles par les agents d'AgroParisTech et de la direction nationale d'interventions domaniales (DNID), préalable à la mise en vente, les estampilles n'avaient pas été remarquées. Les services du ministère de la culture collaborent actuellement étroitement avec le ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique afin d'en obtenir la restitution à l'État. Une instruction a par ailleurs été ouverte par le procureur général près la Cour des comptes, menée dans le cadre du régime de responsabilité financière des gestionnaires publics.

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