Question de Mme HARRIBEY Laurence (Gironde - SER) publiée le 29/12/2022

Mme Laurence Harribey attire l'attention de M. le ministre de la santé et de la prévention sur les soins sans consentement et les pratiques privatives de liberté en psychiatrie.

La réduction des pratiques de soins sans consentement, d'isolement et de contention est un des objectifs de la feuille de route « Santé mentale et psychiatrie » en vigueur dix ans après la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge, modifiant les modalités de soins sans consentement en psychiatrie, et cinq ans après la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé énonçant une volonté d'encadrement et de réduction des pratiques d'isolement et de contention.

Le recueil d'informations médicalisé en psychiatrie (Rim-P) fait pourtant état au niveau national de plus de 26 % de personnes hospitalisées à temps plein en psychiatrie sans consentement en 2021. Une hausse sensible du recours à ces soins est constatée entre 2012 et 2021 malgré un infléchissement depuis 2015. En 2020, ces pratiques connaissent un fort accroissement avec une ampleur qui reste en 2021 plus élevée qu'avant la crise sanitaire.

Même si une amélioration continue de la qualité, de l'exhaustivité et de la diffusion de ces données demeure nécessaire pour contribuer à l'objectif politique d'une réduction de ces pratiques, les premières estimations disponibles sur le recours à la contention mécanique font état d'environ 10 000 personnes concernées en 2021, soit plus d'une personne hospitalisée sur dix sans son consentement.

D'après l'étude publiée juin 2022 par l'institut de recherche et de documentation en économie de la santé (IRDES) intitulée « Les soins sans consentement et les pratiques privatives de liberté en psychiatrie : un objectif de réduction qui reste à atteindre », l'isolement a concerné en 2021 près de 29 000 hospitalisés à temps plein en psychiatrie, dont 85 % en hospitalisation sans consentement.

Au vu de ces éléments, elle demande au Gouvernement les mesures entreprises pour diminuer les mesures privatives de libertés en psychiatrie.

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Réponse du Ministère de la santé et de la prévention publiée le 16/02/2023

Le consentement aux soins est un principe fondamental du droit de la santé. Cependant, l'une des manifestations de la maladie mentale peut être, pour la personne en souffrance, l'ignorance de sa pathologie et l'incapacité à formuler le besoin d'une prise en charge sanitaire. Ainsi, afin de garantir un accès aux soins aux personnes se trouvant dans cette situation, un dispositif d'encadrement rigoureux, des « soins psychiatriques sans consentement », conciliant tant le besoin de soins, la sécurité des patients et des tiers, que le respect des droits des personnes malades, a été conçu. Pour rappel, et selon le code de santé publique (CSP), une personne peut être hospitalisée en soins sans consentement à la demande d'un tiers, à la demande d'un représentant de l'Etat ou sur décision du directeur de l'établissement suite à un avis médical lorsque les troubles mentaux du patient rendent son consentement impossible et que son état nécessite des soins immédiats et une surveillance constante ou régulière.  Afin de garantir le respect des droits des patients, il est possible de saisir le juge des libertés et de la détention à tout moment de la procédure. Ce dernier dispose de la possibilité d'ordonner la mainlevée de la mesure de soins sans consentement (article L. 3211-12 du CSP).  Par ailleurs, la commission départementale des soins psychiatriques (CDSP) a pour rôle de garantir le respect des droits fondamentaux des usagers en soins psychiatriques. Parmi ses membres figure un représentant d'association agréée de familles de personnes atteintes de troubles mentaux » (article L. 3223-2 du CSP). Créées par la loi du 27 juin 1990 et renommées par la loi du 5 juillet 2011, les CDSP sont chargées d'examiner la situation des personnes admises en soins psychiatriques sans consentement au regard du respect des libertés individuelles et de la dignité des personnes et, en cas de besoin, elles peuvent notamment proposer au juge des libertés et de la détention d'ordonner la mainlevée de la mesure (article L. 3223-1 du CSP). De même, la contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) et ses équipes assurent le respect de la dignité des patients hospitalisés en soins sans consentement. Ils se rendent en effet dans les établissements concernés afin de s'assurer que les droits des patients sont respectés et rendent un rapport au Ministre qui prend acte des recommandations du CGLPL et y répond en collaboration avec l'agence régionale de santé et l'établissement. Cela permet donc d'améliorer les conditions d'hospitalisation de ces patients.  L'action 22 de la feuille de route santé mentale et psychiatrie officialisée en juin 2018 prévoit de réduire le recours aux soins sans consentement, à l'isolement et à la contention. Cette démarche s'inscrit dans le cadre d'une politique déterminée de prévention, de réduction et de contrôle des pratiques d'isolement et de contention, partagée au niveau européen. Elle s'est traduite en France par le déploiement depuis 2016, sous l'égide du Centre collaborateur de l'Organisation Mondiale de la Santé pour la recherche et la formation en santé mentale (CCOMS) de Lille, de l'initiative de l'OMS Quality Rights, basée sur la convention des nations unies relative aux droits des personnes handicapées (CIDPH), et par les travaux du comité de pilotage de la psychiatrie, qui ont permis d'engager un plan d'actions de réduction déterminée des mesures d'isolement, de contention et de soins sans consentement. Ce plan d'action validé par le comité national de pilotage de la psychiatrie comprend 4 axes : - améliorer la qualité des données qualitatives et quantitatives sur le recours aux soins sans consentement et les pratiques d'isolement et de contention ; - identifier et diffuser les bonnes pratiques de prévention et de gestion de crise à même de réduire de façon déterminée et significative le recours à l'isolement, à la contention et aux soins sans consentement ; - encourager et faire connaître les mesures améliorant le respect des droits des patients ; - créer et installer un observatoire des droits des patients en psychiatrie et santé mentale au sein du comité national de pilotage. Il est également à noter la publication par la haute autorité de santé (HAS) en mars 2021 d'un guide de bonnes pratiques professionnelles contenant près de 44 préconisations et des outils pratiques pour aider les professionnels à mettre en œuvre les programmes de soins sans consentement, afin d'en améliorer la qualité et la pertinence. Par ailleurs, dans le cadre de la réforme des autorisations, une mention "soins sans consentement" a été créée. Les établissements devront donc remplir les conditions techniques d'implantation et de fonctionnement afin d'être autorisés à dispenser des soins sans consentement au sein de leur structure. Ces conditions encadrent la prise en charge des patients en soins sans consentement, à travers notamment la nécessité de disposer a minima d'un espace d'apaisement, d'une chambre d'isolement individuelle comprenant le nécessaire (aération, disposition d'appel accessible, sanitaires, point d'eau, horloge, mobilier adapté), un espace d'accueil de l'entourage du patient et un espace extérieur sécurisé (Art D. 6124-265 du CSP). Enfin, le ministère de la santé et de la prévention mène une politique de réduction des pratiques d'isolement et de contention comme en témoigne l'Instruction n° DGOS/R4/DGS/SP4/2017/109 du 29 mars 2017 relative à la politique de réduction des pratiques d'isolement et de contention au sein des établissements de santé autorisés en psychiatrie et désignés par le directeur général de l'agence régionale de santé pour assurer des soins psychiatriques sans consentement. L'importance de celle-ci a été réaffirmée dans l'instruction N° DGOS/R4/2022/85 du 29 mars 2022 relative au cadre juridique des mesures d'isolement et de contention en psychiatrie et à la politique de réduction du recours aux pratiques d'isolement et de contention qui a accompagné la réforme du cadre juridique des mesures d'isolement et de contention de janvier 2022. En effet, ces pratiques sont des « pratiques de dernier recours » et ne doivent être utilisées que « pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui » comme le prévoit l'article L. 3222-5-1 du CSP. Une attention particulière est portée par les agences régionales de santé à la mise en œuvre effective de la politique de réduction de ces pratiques dans les établissements de santé.

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