Question de Mme LIENEMANN Marie-Noëlle (Paris - CRCE-R) publiée le 20/04/2023

Mme Marie-Noëlle Lienemann attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur le danger de captation par une entreprise chinoise des actifs de l'entreprise Lisa Aeronautics.
Cette entreprise savoyarde a développé l'hydravion Akoya, le seul au monde à être équipé de foils, elle a cependant cessé ses activités et ses actifs, comprenant les brevets, plans, outils de production et le prototype volant Akoya n° 3, ont été mis en vente. Ils comprennent les marques, brevets, moules et outils de production et ce prototype n°3 qui vole et décolle, atterrit sur terre, eau et neige. Un foil est une aile positionnée et profilée de façon à engendrer une force de portance qui agit sur sa vitesse et sa stabilité ; on peut ainsi utiliser un hydravion même en cas de clapot, voire plus selon la taille de l'appareil.

Le 19 août 2022, la société française Hydroptere 2.0 SAS, a déposé une offre de rachat accompagnée d'un projet d'activité au liquidateur de la société. Mais le 10 janvier 2023, sans même qu'elle ait été reçue en audience, le tribunal de commerce d'Annecy a décidé de céder les actifs à l'entreprise chinoise Zheilang Xingxle General Aviation Industry.

Hydroptère 2.0 SAS a fait appel auprès de la cour d'appel de Chambéry le 20 mars 2023. Elle bénéficie du soutien de France Clusters (réseau national de 80 000 entreprises, de Neopolia (réseau de 240 entreprises de Loire-Atlantique représentant 30 000 emplois), du pôle Mer Bretagne Atlantique et de la Banque Populaire Grand Ouest. Une partie des anciennes équipes de Lisa Aeronautics soutient également ce projet de reprise et y a été intégrée. La date du nouveau jugement est fixée au 4 septembre 2023.
Dans ce type de dossiers, le recours n'est jugé que sur la forme et pas sur le fond du dossier ; ce recours a donc peu de chance d'aboutir, sauf si le parquet fait appel ; le dossier devrait d'ailleurs être présenté au parquet général à Paris.


Elle considère qu'il est indispensable retenir la technologie de Lisa Aeronautics en France. En effet, si l'Akoya est un avion deux places plutôt luxueux, a priori sans intérêt hormis pour l'emploi et la balance commerciale de la France (+ de 90% du marché à l'export), les équipes de Lisa Aeronautics ont réussi la prouesse de développer des foils capables d'être installés sur un hydravion, ce qui permet de lisser l'état de la mer d'augmenter la plage d'utilisation des hydravions, donc d'améliorer radicalement la capacité opérationnelle des avions bombardiers d'eau. Cela permet également de limiter le besoin de puissance et de faciliter le développement d'hydravions et engins amphibie à effet de sol de transport, hybrides et zéro émission. Cette technologie présente donc un intérêt stratégique pour développer, dans le cadre de projets civil et défense, de nouveaux hydravions (pilotés ou drones) voire des engins volants amphibie à effet de sol zéro émission.
L'Akoya pourrait donc être utilisée comme plateforme d'essais pour travailler sur l'optimisation des systèmes d'écopage et sur les foils à haute vitesse dans le cadre de projets de recherche en cours.
Cela pourrait permettre enfin de développer des hélices de propulsion des navires plus économes en carburant, contribuant à la décarbonation, et plus silencieuses (préservation de la faune marine et discrétion acoustique, côté défense).

Elle lui demande donc ce que compte faire le Gouvernement pour favoriser un appel du parquet, permettre de conserver sous pavillon français les actifs stratégiques de Lisa Aeronautics et de développer en France les applications d'avenir qu'ils permettent.

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Réponse du Ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique publiée le 15/06/2023

Le Gouvernement est pleinement engagé pour soutenir la compétitivité de la filière aéronautique. Cette filière a pu bénéficier d'un soutien important dans le cadre du plan de relance et fait l'objet d'un axe spécifique dans France 2030. France 2030 vise ainsi à soutenir le déploiement d'un avion bas-carbone à l'horizon 2030, avec un financement dédié d'1,2 Mdeuros. En ce qui concerne la situation précise de Lisa Aéronautics, le Gouvernement ne peut pas prendre position ni communiquer sur des affaires judiciaires individuelles en cours d'instruction. Le juge prendra en compte les différents éléments versés au dossier, y compris les éléments relatifs à l'éligibilité éventuelle de ce rachat à la procédure de contrôle des investissements étrangers en France. Au-delà de ce dossier particulier, la politique d'attractivité du Gouvernement s'accompagne d'un renforcement de la politique publique de sécurité économique, visant à protéger les entreprises stratégiques d'ingérences et de prédations étrangères. Cette politique publique a été significativement renforcée avec le décret n° 2019-206 du 20 mars 2019 relatif à la gouvernance de la politique de sécurité économique. Ce dernier institue notamment un service de l'information stratégique et de la sécurité économiques (SISSE), service à compétence nationale rattaché à la direction générale des entreprises, au sein du ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Dans ce cadre, le SISSE a mis en place une plate-forme de détection et de traitement des menaces étrangères de sécurité économique. Il s'agit de détecter les menaces de toute nature (sur le capital, les informations sensibles, la propriété intellectuelle …) pesant sur les actifs stratégiques, les technologies critiques et les laboratoires de recherche sensibles et de contribuer à l'encadrement de ces risques avec l'aide des ministères compétents, secteur par secteur. Le SISSE coordonne ainsi le traitement de plus de 60 nouvelles alertes de sécurité par mois, en croissance de l'ordre de 40 % par an depuis la mise en place de cette plateforme interministérielle. Dans leur très grande majorité, ces alertes portent à parité sur des risques de rachat ou de prise de participation étrangers d'une part, sur l'intégrité des savoirs et savoir-faire des entreprises stratégiques d'autre part. Les moyens de remédiation à la disposition des pouvoirs publics se sont également considérablement étoffés depuis 2019, en particulier avec : le renforcement du contrôle des investissements étrangers en France opéré par la loi « Parcours d'accès aux carrières de la fonction publique territoriale, hospitalière et d'État » (PACTE) et le décret n° 2019-1590 du 31 décembre 2019. En 2022, 325 demandes d'autorisation préalable d'investissement dans des activités sensibles ont ainsi été examinées par l'administration, la rénovation du dispositif de la loi n° 68-678 du 26 juillet 1968 dite « de blocage » et interdisant la communication à une autorité publique étrangère d'informations concernant la sécurité nationale, l'ordre public ou les intérêts économiques essentiels de la France avec la mise en place par le décret n° 2022-207 du 18 février 2022 d' un guichet unique au profit des entreprises, en mesure de leur fournir un avis de conformité. En 2022, le guichet opéré par le SISSE a été saisi à 38 reprises, contribuant à l'affirmation de notre souveraineté économique et judiciaire. La validité et la portée de la loi de blocage ont été reconnues dans l'ensemble des cas, la mise en place en 2020 du fonds French Tech Souveraineté (FTS), dont la gestion a été confiée à Bpifrance et qui complète la gamme des outils financiers de soutien aux entreprises stratégiques. Garantir la souveraineté industrielle du pays, c'est aussi orienter les capacités de production vers la couverture des besoins essentiels de la Nation et vers les technologies d'avenir. Ce sont les objectifs poursuivis par le Gouvernement pour réindustrialiser la France et soutenir les investissements avec le plan France 2030.

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