Question de M. MICHAU Jean-Jacques (Ariège - SER) publiée le 08/06/2023

M. Jean-Jacques Michau attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur le régime fiscal de l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) publics.

En effet, les EHPAD publics ont eu la possibilité, eu égard à la nature de leurs activités et à leur caractère concurrentiel, de bénéficier du régime fiscal dit de l'assujettissement à la TVA. Les EHPAD privés lucratifs en bénéficient également. Ce régime fiscal permet une exonération de TVA sur la plupart des opérations d'investissement, notamment les travaux, un amortissement comptable de ces mêmes opérations sur une base hors-taxe et une exonération de taxe sur les salaires pour les personnels non soignants.

C'est la raison pour laquelle, dans son département, l'EHPAD public des Portes d'Ariège Pyrénées a fait ce choix en 2017 ayant ainsi des fonds pour investir et créer des places pour personnes âgées et des emplois. Ainsi, ce sont plus de 3 millions d'investissements qui ont été consentis en 2020 et 2021 pour procéder à deux extensions, tandis qu'1 million était investi pour la modernisation et la sécurisation sanitaire de l'établissement accueillant 200 personnes âgées.

La direction départementale des finances publiques (DDFIP) a dans un premier temps accepté ce changement de régime fiscal aux établissements demandeurs. Pourtant, en décembre 2021, l'établissement a reçu de l'administration fiscale un mandat remettant en cause l'éligibilité des EHPAD publics à bénéficier de ce régime fiscal, assorti d'une mise en demeure pour que le règlement intervienne avant le 31 décembre 2021. La remise en cause de l'assujettissement à la TVA concerne les 4 années et représente un montant à rembourser pour l'EHPAD de 800 000 euros.

Ce revirement de situation a d'ores et déjà des conséquences concrètes et entraîne notamment une remise en question des opérations d'investissement présentes et futures, un frein à l'embauche des personnels, ainsi qu'une insécurité juridique due à des revirements de position sans réelle justification.

Enfin, si ces sommes devaient être effectivement prélevées par l'administration fiscale, l'EHPAD public des Portes d'Ariège serait en grande difficulté et pourrait être amené à une procédure de liquidation plaçant l'établissement sous tutelle de l'État.

Dans le contexte actuel que connait le secteur des EHPAD, cette initiative de l'administration fiscale apparait en total décalage avec les besoins croissants dans nos territoires et les récentes prises de parole du Gouvernement.

Il lui demande donc le rétablissement de l'éligibilité au régime fiscal de l'assujettissement à la TVA pour les EHPAD publics et de revenir ainsi à l'égalité de traitement entre les établissements quelle que soit leur nature juridique.

- page 3594


Réponse du Ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique publiée le 11/01/2024

Les principes et règles en matière de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sont directement issus du droit de l'Union européenne (UE), et plus précisément des dispositions de la directive 2006/112/CE relative au système commun de TVA (dite « directive TVA »). Les règles d'assujettissement à la TVA des personnes morales de droit public sont prévues à l'article 13 de cette directive, transposé dans le droit national à l'article 256 B du code général des impôts (CGI). L'assujettissement ou non à la TVA d'un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) exploité par une personne morale de droit public (établissement public, centre communal d'action sociale ou établissement public hospitalier) résulte de ces dispositions. La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a précisé (arrêt du 29 octobre 2015, aff. C-174/14, Saudaçor - Sociedade Gestora de Recursose e Equipamentos da Saúde dos Açores SA) que le non-assujettissement à la TVA de tels organismes impliquait la réunion de deux conditions cumulatives : - les activités ou les opérations sont accomplies par les personnes publiques en tant qu'autorité publique, et ce, même si elles perçoivent pour ces activités des droits, redevances, cotisations ou rétributions ; - le non-assujettissement des personnes publiques ne conduit pas à des distorsions de concurrence d'une certaine importance. Lorsque ces conditions, appréciées en fonction des circonstances de chaque espèce, sont remplies, le droit de l'UE interdit de soumettre à la TVA les opérations des organismes en cause. Par une décision du 7 avril 2023, n° 463241, le Conseil d'État s'est appuyé sur l'arrêt précité de la CJUE pour préciser la situation au regard de la TVA des EHPAD gérés par une personne morale de droit public. S'agissant de la première condition, par les dispositions prévues à l'article 256 B du CGI, la France a fait usage de la faculté offerte aux États membres à l'article 13 de la directive TVA combiné avec le g du 1 de l'article 132 de cette même directive de regarder comme une activité effectuée en tant qu'autorité publique le service social d'hébergement des personnes âgées dans des structures publiques telles que les EPHAD. S'agissant de la seconde condition, le Conseil d'État a posé une présomption de non-concurrence pour les EHPAD gérés par une personne morale de droit public en raison du fait qu'ils sont soumis en principe à une tarification administrée de leurs prestations d'hébergement et accueillent entièrement ou principalement des personnes âgées à faibles ressources. A contrario, un opérateur privé à but lucratif est libre de choisir sa clientèle et de fixer ses tarifs dans les conditions prévues aux articles L. 342-1 et suivants du code de l'action sociale et des familles. De surcroît, ils ne sont pas non plus susceptibles d'entraîner de distorsion de concurrence avec les établissements privés à but non lucratif, et ce, même s'ils accueillent, dans des proportions significatives, des personnes âgées dépendantes disposant de faibles ressources en proposant des places habilitées à l'aide sociale à l'hébergement. En effet, ces derniers sont exonérés de TVA pour l'ensemble de leurs prestations sur le fondement des dispositions du b du 1° du 7 de l'article 261 du CGI. En conséquence, il résulte de la décision du Conseil d'État que les EHPAD gérés par des personnes morales de droit public sont, en principe, non assujettis à la TVA, cette analyse s'imposant autant aux contribuables qu'à l'État.

- page 113

Page mise à jour le