Question de M. BAZIN Arnaud (Val-d'Oise - Les Républicains) publiée le 18/01/2024

M. Arnaud Bazin attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur les activités taurines se déroulant dans des arènes privées, propriétés d'éleveurs de taureaux dits de combat. Que ce soit pour l'entraînement des toreros, pour la formation des élèves des écoles taurines ou pour des aficionados amateurs qui pratiquent la corrida espagnole à des fins récréatives au sein de l'association française des aficionados practicos (AFAP), chaque année, un nombre significatif de taureaux est tué au cours d'activités non réglementées qui relèvent du simple loisir. Cette mise à disposition de bovins, a fortiori à toute personne désireuse de jouer au torero, soulève un ensemble de préoccupations. L'exonération pénale accordée localement « aux courses de taureaux » par les articles 521-1 et 522-1 du code pénal ne saurait justifier les pires pratiques lors d'entrainements ou d'évènements taurins privés. Le règlement taurin municipal, applicable aux corridas et autres spectacles taurins donnés dans les arènes publiques des villes françaises membres de l'union des villes taurines de France (UVTF) ne trouve pas à s'appliquer dans ce contexte particulier. Outre les souffrances inutiles infligées aux taureaux, grandement majorées par l'absence d'expertise des pratiquants, il s'inquiète des risques sanitaires associés à ces pratiques. En effet, conformément à l'article R 231-6 du code rural et de la pêche maritime, la mise à mort hors d'un abattoir est autorisée pour les taureaux mis à mort lors de corridas et déroge ainsi aux normes rigoureuses imposées aux abattoirs agréés. Les carcasses sont cependant commercialisées localement. Aussi, il aimerait connaitre les textes réglementaires qui régissent leur traitement après la mise à mort, leur transport, l'inspection vétérinaire et leur commercialisation ; ceci à la fois dans le cadre des corridas publiques mais aussi et surtout dans le cadre des corridas privées et lors des entrainements des toreros s'effectuant dans des arènes privées dépourvues de locaux ad hoc et non contrôlées. Pour ces dernières, il demande quelles mesures le Gouvernement envisage de prendre pour réglementer les mises à mort de taureaux lorsqu'elles se déroulent en privé, pour encadrer les associations qui permettent à leurs membres de toréer des taureaux et pour s'assurer de la sécurité sanitaire de la viande issue de ces animaux. Enfin, il souhaite connaître les arguments juridiques garantissant aux corridas privées, aux entraînements des toreros et à la formation des élèves, l'exonération pénale prévue aux articles 521-1 et 522-1 du code pénal pour les « courses de taureaux lorsqu'une tradition locale ininterrompue peut être invoquée ».

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire publiée le 11/04/2024

Dans le cadre des corridas, les textes réglementaires qui régissent la protection animale d'une part, et le traitement après la mise à mort des taureaux, leur transport, l'inspection vétérinaire et leur commercialisation d'autre part, s'appliquent aussi bien dans le cadre des manifestations publiques que privées ainsi que lors des entraînements des toreros s'effectuant dans des arènes privées. La France s'est dotée depuis de nombreuses années d'un arsenal législatif et réglementaire spécifique en matière de protection animale, notamment sur le fondement de deux articles du code rural et de la pêche maritime : l'article L. 214-1 qui considère l'animal comme un être sensible et l'article L. 214-3 qui prescrit l'interdiction des mauvais traitements envers les animaux domestiques ou sauvages, apprivoisés ou tenus en captivité. Par ailleurs, la loi du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans le domaine de la justice et des affaires intérieures a fait évoluer le statut juridique de l'animal en créant l'article 515-14 du code civil qui dispose que « les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité ». Ces principes fondateurs de la protection animale ont été suivis de nombreux textes réglementaires applicables selon les espèces animales et les utilisations auxquelles elles sont éventuellement destinées. La loi du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes a renforcé les peines pénales pour les actes de cruauté, l'abandon, la mise à mort sans nécessité donnée à un animal domestique, apprivoisé ou tenu en captivité et les actes de zoophilie. Les articles 521-1 et 522-1 du code pénal prévoient une exception aux incriminations de mauvais traitements, de sévices graves et d'actes de cruauté commis à l'encontre des animaux, s'agissant des courses de taureaux et des combats de coqs qui s'inscrivent dans le cadre d'une tradition locale ininterrompue. Cette disposition a été déclarée conforme à la Constitution par le conseil constitutionnel le 21 septembre 2012 à la suite d'une saisine sur une question prioritaire de constitutionnalité. L'interprétation de ces articles, en particulier en ce qui concerne l'aire géographique d'une tradition locale, n'est pas du ressort du pouvoir réglementaire mais appartient aux tribunaux. La deuxième chambre civile de la Cour de cassation fait une application stricte de ce texte dans un arrêt du 10 juin 2004 en rappelant que « seule l'existence d'une tradition locale ininterrompue fait obstacle à ce que s'appliquent à une course de taureaux les dispositions pénales qui sanctionnent le fait d'exercer des sévices graves ou de commettre un acte de cruauté envers un animal domestique, ou apprivoisé ou tenu en captivité ». Cette exception s'inscrit dans le cadre d'un dispositif rigoureux concernant la protection des animaux, assorti de dispositions répressives récemment renforcées dont la mise en oeuvre fait l'objet d'une attention particulière. Par ailleurs en application de l'arrêté du 18 décembre 2009, la mise à mort d'animaux lors de corridas est assimilée à un abattage d'animaux accidentés non aptes au transport. En conséquence, les exigences réglementaires concernant les abattages d'urgence d'ongulés domestiques en exploitation fixées par le règlement (CE) n° 853/2004, annexe III, section I, chapitre VI et par l'arrêté du 18 décembre 2009 relatif aux règles sanitaires applicables aux produits d'origine animale et aux denrées alimentaires en contenant, annexe V, section IV, chapitre I, s'appliquent à la mise à mort d'animaux lors de corridas. L'inspection ante mortem (IAM) des animaux est une obligation réglementaire et une étape indispensable pour la salubrité des viandes. Seules les viandes issues d'animaux ayant été soumis à une IAM favorable à un abattage en vue de la consommation humaine peuvent être mises sur le marché. Aussi, un examen clinique de chaque animal est réalisé par un vétérinaire avant la corrida. Enfin, l'animal abattu doit être transporté dans des conditions d'hygiène satisfaisantes et sans retard indu vers un abattoir agréé pour la préparation de la carcasse. Si plus de deux heures s'écoulent entre l'abattage et l'arrivée à l'abattoir, le véhicule de transport doit être réfrigéré. Toutefois, lorsque les conditions climatiques le permettent, la réfrigération active n'est pas nécessaire. En application du règlement (CE) n° 178/2002, l'exploitant de l'abattoir est responsable de la qualité sanitaire des produits mis sur le marché. Aussi, l'exploitant de l'abattoir acceptant de recevoir dans son établissement la carcasse d'un animal abattu dans le cadre d'une corrida doit mettre à jour son plan de maîtrise sanitaire afin de prendre en compte les spécificités liées aux modalités de mise à mort, de réception et de traitement des viandes issues de cet abattage. Il doit apporter les garanties nécessaires afin que, dans les conditions prévues de manipulation, de stockage et d'utilisation, les produits carnés issus d'un abattage en corridas ne deviendront pas préjudiciables à la santé et/ou ne subiront pas d'altérations inacceptables. La réception de carcasses en peau et la mise sur le marché des viandes issues de corridas ne peuvent pas être autorisées si les mesures de maîtrise sanitaire ne sont pas apportées par l'exploitant de l'abattoir.

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