Question de M. ROJOUAN Bruno (Allier - Les Républicains-R) publiée le 15/02/2024

M. Bruno Rojouan attire l'attention de Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités sur l'absence de prise en compte du burn-out ou de l'épuisement professionnel comme maladie professionnelle.
L'absence de prise en compte officielle du burn-out ou épuisement professionnel comme maladie professionnelle par l'organisation mondiale de la santé (OMS) soulève des préoccupations majeures quant à la reconnaissance et à la prévention de ce problème de santé mentale lié au travail. Bien que le burn-out soit largement reconnu comme une réalité courante dans de nombreux environnements professionnels, le fait qu'il ne soit pas formellement classé comme une maladie professionnelle par l'OMS peut entraîner un manque de sensibilisation, de prévention et de soutien adéquat. Les conséquences du burn-out sur la santé physique et mentale des travailleurs sont significatives.
Les chiffres divergents entre les données de Santé publique France en 2018, qui dénombrait 30 000 cas de burn-out, et les résultats d'études plus récentes mentionnant entre 2,5 millions et 3,2 millions de cas, soulignent la nécessité d'une évaluation plus précise et d'une surveillance accrue de ce phénomène. Ces écarts suggèrent que le burn-out est probablement sous-estimé et mal compris, ce qui peut entraîner des lacunes dans les politiques de santé au travail. La question de sa reconnaissance en tant que maladie professionnelle devrait être abordée de manière urgente pour mieux protéger la santé mentale des travailleurs et améliorer les conditions de travail.
Aussi, il souhaite connaitre les mesures que le Gouvernement compte mettre en place afin de promouvoir une meilleure prise en compte du burn-out ou de l'épuisement professionnel dans les classifications officielles des maladies.

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Réponse du Ministère du travail, de la santé et des solidarités publiée le 11/04/2024

Les pathologies psychiques peuvent être reconnues d'origine professionnelle bien qu'elles ne soient pas inscrites dans les tableaux de maladies professionnelles. Afin d'améliorer la reconnaissance des maladies professionnelles, la loi n° 93-121 du 27 janvier 1993 a instauré, en complément du système de tableaux, une procédure de reconnaissance fondée sur une expertise individuelle par des Comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP), composés de médecins. Cette procédure intervient notamment lorsqu'il est établi qu'une maladie, non désignée dans un tableau, est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux au moins égal à 25 % (article L. 461-1 alinéa 7 du code de la sécurité sociale). L'article 27 de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi a consacré cette voie de reconnaissance individuelle pour les pathologies psychiques. En outre, un renforcement de l'expertise médicale des CRRMP a été mis en place par le décret n° 2016-756 du 7 juin 2016 pour permettre le recours à des médecins psychiatres. Une reconnaissance des pathologies psychiques dans le cadre du système des tableaux de maladies professionnelles n'est pas adaptée pour plusieurs raisons. D'abord, la désignation de la pathologie est particulièrement complexe. Ensuite, la fixation du délai de prise en charge - correspondant au délai maximal entre la cessation d'exposition au risque et la première constatation médicale de la maladie - serait difficile à déterminer, car extrêmement variable d'un individu à un autre. Enfin, aucune liste des travaux susceptibles de provoquer l'affection ne pourrait être fixée. En effet, tout salarié, quels que soient son secteur professionnel d'activité, ses fonctions ou les travaux qu'il accomplit, est susceptible d'être un jour victime d'une affection psychique. Dans le même sens, la mission parlementaire d'information relative au « syndrome d'épuisement professionnel (ou burn out) », qui a rendu son rapport le 15 février 2017, estime qu'il n'est pas possible d'élaborer un tableau de maladie professionnelle, compte tenu à la fois de l'absence de définition médicale et de la multiplicité des professions concernées. Face à constat, la ministre chargée de la santé a, en avril 2016, saisi la Haute autorité de santé (HAS) afin que soient élaborées des recommandations de bonnes pratiques pour les professionnels de santé, et en particulier les médecins du travail et les médecins généralistes. La HAS a ainsi publié sur son site, le 22 mai 2017, une « fiche mémo » à destination des médecins portant sur la définition du syndrome d'épuisement professionnel, son repérage, sa prise en charge et l'accompagnement des patients lors de leur retour au travail. Par ailleurs, depuis plusieurs années, de nombreuses actions ont été menées par les pouvoirs publics, en lien avec les partenaires sociaux dans le cadre du conseil d'orientation des conditions de travail (COCT), pour faciliter la reconnaissance des pathologies psychiques, notamment la publication d'un guide de recommandation à destination des CRRMP en 2022. L'ensemble de ces mesures a permis d'améliorer la reconnaissance des pathologies psychiques comme maladies professionnelles. Ces pathologies sont devenues les pathologies « hors tableau » les plus fréquemment reconnues par les CRRMP. 3 596 demandes de reconnaissance d'affections psychiques ont été examinées par les CRRMP en 2022, nombre qui a plus que doublé par rapport à 2016. Près de la moitié d'entre elles a donné lieu à un avis favorable. Le nombre de reconnaissances du caractère professionnel de maladies psychiques est passé de moins d'une centaine en 2011, à 624 en 2016 et 1 669 en 2022. Les pathologies psychiques peuvent aussi dans certains cas être reconnues comme accidents du travail, notamment lorsque le trouble psychosocial dont souffre la victime est lié à un ou plusieurs événements soudains - c'est-à-dire datés et précis - et « anormaux » (violence par exemple). Certains troubles psychiques tels que le stress post-traumatique peuvent être reconnus en accidents du travail. Ainsi, le nombre d'affections psychiques liées au travail prises en charge en tant qu'accident du travail s'élève à 10 650 en 2021. Au-delà des avancées mentionnées en termes de reconnaissance et de réparation, la priorité absolue du Gouvernement reste le renforcement de la prévention. A cet égard, des actions sont menées depuis plusieurs années, dans le cadre de la branche AT/MP de la Sécurité sociale et du Plan santé au travail. Le plan santé au travail n° 4, décliné dans les plans régionaux de santé au travail, identifie ainsi la meilleure évaluation et la prévention des risques psychosociaux comme un objectif prioritaire.

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